Le Maroc et la Turquie discutent affaires. Les opportunités de business sont bel et bien là mais pour qui ? Là est la question. La réponse ne se fait pas attendre, l'appétit des businessmen turcs est évident et leur compétitivité est déjà prouvée. Face à des mastodontes de l'économie turque venus accompagner leur premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, des PME ont été réunies pour participer à une séance B to B. La désillusion est grande, puisque installés face aux dirigeants des grands groupes turcs, ces derniers sont clairs. «Nous sommes venus chercher des opportunités pour décrocher de grands marchés publics auprès de l'Etat». Voilà de quoi couper l'herbe sous le pied des PME marocaines, qui avaient un temps cru pouvoir négocier d'égal à égal avec leurs homologues turcs, qui finalement ne l'étaient pas. Cette situation traduit alors clairement les ambitions du tissu économique turc, actuellement en tournée maghrébine et qui visent un marché prometteur aux portes du continent africain. Les propos du 1er ministre turc confirment d'ailleurs ces visées. Ce dernier a précisé, lors de son discours prononcé devant plus de 200 hommes d'affaires turcs et marocains : «Les grandes entreprises turques ont déjà réalisé plus de 2,4 milliards de dollars de chiffre d'affaires dans la construction de routes, de ports et d'aéroports au Maroc et elles restent déterminées à continuer sur cette lancée». En d'autres termes, le Maroc reste un pays stratégique pour les entreprises turques, d'autant plus que ces dernières y voient une porte d'entrée qui facilite l'investissement sur le continent africain. Du côté marocain, l'euphorie n'est pas au rendez-vous. Le tissu entrepreneurial marocain ne semble pas convaincu de la possibilité d'installer un modèle d'échanges économiques basé sur le «win-win». Concurrence Les réactions recueillies lors de la séance de B to B sont presque unanimes. Les opportunités d'affaires sous forme de partenariats avec les différentes entreprises turques qui ont fait le déplacement semble très faibles. Ceci vient contraster avec les promesses déjà formulées par le 1er ministre turc, qui annonçait, lors de son discours «des efforts seront déployés par les ministres des deux pays afin de régler le problème de déséquilibre dans les échanges commerciaux entre le Maroc et la Turquie». Ce travail serait selon les responsables turcs, intégré dans le cadre de l'ALE qui entrera officiellement en vigueur en 2017. Ce même ALE ouvre de nouvelles opportunités pour les entreprises turques qui annoncent déjà le ciblage de plusieurs secteurs porteurs tels que le transport, le textile ou encore l'agriculture. Erdogan explique clairement que les enjeux économiques qui priment avec le Maroc : «La Turquie grâce à ses RH, son secteur privé compétitif a réussi à faire partie des plus grandes économies mondiales, ce qui nous pousse à avoir comme objectif de réaliser à fin 2013 1 trilliard de dollars d'exportations pour se hisser à la 10e place des économies mondiales et ceci grâce notamment au développement de nos activités sur le continent africain». Le message est donc clair. Les réactions du secteur privé marocain ne se feront sans doute pas attendre. Elles ont déjà, rappelons-le, été manifestées par les professionnels du BTP qui n'ont pas manqué d'exprimer ces dernières semaines leurs inquiétudes face à la concurrence turque sur les marchés publics. La venue des hommes d'affaires turcs, ainsi que leur entretien avec le ministre de l'Equipement et du transport, Abdelaziz Rabbah, semblent confirmer ce rapport de concurrentialité. Le gouvernement rassure La question de la préférence nationale sera sans doute au cœur des préoccupations des opérateurs marocains, principalement des PME. Interrogé, le ministre de l'Industrie et des nouvelles technologies, qui se voulait rassurant, a expliqué que «la préférence nationale sera maintenue mais, concernant les marchés publics, ces derniers sont attribués dans le cadre d'un processus d'appel d'offre qui revient aux entreprises proposant les meilleurs offres». Cependant, de réelles tensions pourraient apparaître au niveau du département de Abdelaziz Rabbah, qui a récemment reçu un mémorandum des professionnels du BTP pour dénoncer la compétition féroce entre eux et les opérateurs étrangers. Les assurances des membres du gouvernement devront être accompagnées de réels efforts en faveur des entreprises nationales qui auront intérêt, d'ici 2016, à améliorer leur compétitivité avant l'arrivée massive d'opérateurs turcs déterminés à tirer profit de l'ALE. En temps de crise, les échanges Maroc-Turquie doivent croître. Du côté turc, nous avons pour ambition d'occuper la 10e place parmi les puissance économiques mondiales, ce qui place l'Afrique du Nord parmi nos partenaires privilégiés. Aussi, nous nous engageons à lever tous les obstacles aux entreprises des deux pays, à condition que celles-ci s'engagent également à avancer et à exploiter toutes les opportunités d'investissement. Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre turc. Lors de notre entretien avec mon homologue marocain, nous avons décidé de créer des opportunités logistiques pour les PMI des deux pays. Conscients du déséquilibre commercial qui existe entre le Maroc et la Turquie, nous œuvrons pour un rééquilibrage rapide, étant également convaincus que les deux mondes des affaires sont totalement capables de se compléter dans les secteurs du BTP, du textile,de l'automobile et de l'agriculture. Mehmet Zafer Çaglayan, ministre de l'Economie turc.