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Redistribution des cartes
Publié dans Les ECO le 03 - 06 - 2010

Dans le fonctionnement des économies, l'adage selon lequel «quand les temps sont durs, le cost killing sévit» est bien ancré au point d'avoir force de loi. Les investissements en communication sont généralement cités en tête de liste des coupes budgétaires. Réalité ou idée reçue ? Difficile de trancher. Ce qui est sûr, c'est que les bonnes conjonctures, comme les mauvaises, modifient le fonctionnement du marché publicitaire. Les comportements des acteurs (annonceurs, médias, agences conseil en communication) changent radicalement et deviennent plus complexes. De 2008 jusqu'au premier trimestre 2010, cette tendance a profondément marqué le marché publicitaire marocain. Les effets de la crise économique internationale ont fait souffler un vent de panique chez les annonceurs, les rendant plus vigilants en matière d'investissement de façon générale. Paradoxalement, cette période a été également celle du lancement de plusieurs supports, notamment dans la presse et la radio. Du côté des médias, le jeu concurrentiel devenant plus serré dans un contexte économique peu rassurant, l'ambiance générale est celle d'une guerre commerciale sans merci. Comment a-t-on alors communiqué dans cette conjoncture défavorable ? Quels sont les montants investis ? Comment est répartie la pub entre les médias ? Analyse.
Un marché paradoxal
Les paradoxes du marché publicitaire marocain deviennent plus évidents lorsqu'on se penche sur ses aspects quantitatifs. En 2007, les recettes publicitaires brutes globales se sont établies à 4 milliards de dirhams, 4,5 en 2008 et 5 en 2009. Ces chiffres dénotent une évolution régulière de l'ordre de 10% par an. Or, la réalité est toute autre. Selon les spécialistes, ces chiffres sont loin de refléter la texture réelle du marché. Celui-ci enregistre une croissance plutôt négative voire stagnante sur certains de ses segments. Pour avoir une appréciation exacte de l'évolution du marché, il faut disposer de son chiffre d'affaires net, ce qui aujourd'hui est inexistant. Un des professionnels ayant participé à l'évaluation des recettes du marché confie qu'en réalité, en considérant le net, au lieu de progresser les recettes ont baissé d'environ 10% entre 2008 et 2009. L'explication de cette baisse est double et se trouve à la fois dans l'attitude des annonceurs et des supports. Du côté des annonceurs, les budgets ont été dans la majorité des cas stagnants (les coupes systématiques sont rares) et les actions de communication très diversifiées. En fait, selon les observateurs du marché, ce sont surtout les pratiques commerciales des supports qui ont contribué à plomber les recettes. Dans l'âpreté du jeu concurrentiel, plusieurs médias (notamment au niveau de la presse et de la radio) ont été «obligés» d'accorder des remises et des commissions record pour attirer de la publicité, dans l'espoir que la quantité de pub finira par compenser la faiblesse des marges dégagées. Ce qui fait dire à un des observateurs qu' il y a trop de médias publicitaires au Maroc, aujourd'hui.
Sophia Jalal : Présidente du GAM
Le bilan des investissements publicitaires déployés en 2009 est en demi-teinte. Il est impacté par les effets de la crise économique mondiale dont la conséquence a été le ralentissement de la croissance du marché publicitaire dû à la baisse des investissements. La télévision en est la première victime, mais les autres médias ont tiré leur épingle du jeu, notamment l'affichage et la presse qui ont été très prisés par les annonceurs. La radio quant à elle ne semble plus bénéficier de l'effet positif induit en 2008 par le lancement de nouvelles stations. Les télécoms continuent de tirer les investissements vers le haut, grâce notamment au lancement d'Inwi annoncé à grand renfort de communication. Un signe positif puisque les autres opérateurs suivront sans doute la même tendance pour rester dans la course aux parts de marché.
Casse-tête
Optimiser les budgets publicitaires. Facile à dire, mais difficile à réussir à tous les coups. Cela dépend de plusieurs facteurs. En tout cas, c'est le casse-tête quotidien des annonceurs et des agences conseil en communication. En cette conjoncture appelée communément «après-crise», l'exercice est de plus en plus ardu. Et la floraison des supports médiatiques est loin de simplifier la prise de décision. Finie donc, la «belle époque», où les planning-médias se faisaient au feeling et à la tête du client. Aujourd'hui, les agences sont sous pression et doivent argumenter, mais aussi rendre des comptes à leurs clients à propos du choix de tel ou tel média. Ce n'est pas d'ailleurs un hasard si les investissements télé ont chuté en 2009 au profit de la radio et de l'affichage. Sans oublier la montée en puissance du web et du hors-médias. Du côté des annonceurs, les budgets ne sont pas pour autant revus à la hausse. En un mot : ils cherchent de l'impact sans pour autant exploser leur trésorerie. Les supports, quant à eux, sont amenés à être plus créatifs et à proposer des offres originales. Les télévisions, les radios, la presse et l'affichage ont un sérieux concurrent, à savoir le web et le hors-médias (investi surtout par les PME). S'il y a lieu de tirer une leçon de l'impact de la crise sur le marché marocain, c'est cette profonde remise en question de certaines pratiques observées au niveau des acteurs-clés du secteur. Dans le milieu, on parle d'une maturité professionnelle et d'une réelle volonté de développer le secteur. Cela augure d'une nouvelle ère dans les rapports annonceurs-agences-supports. Il était temps. D'autant plus qu'en cette année 2010, on s'attend à un retournement positif en termes d'investissements publicitaires. Les projections ont de quoi rassurer les professionnels mobilisés pour donner un nouveau souffle au marché.


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