Le passage du Premier ministre, Abbas El Fassi, n'est pas passé inaperçu outre-mer. La première réaction «internationale» aura été constatée chez le voisin ibérique dès les premiers jours qui ont suivi le discours du Premier ministre au Parlement. La classe politique espagnole s'est aussitôt déclarée indignée par la présentation du bilan, à mi-parcours, du gouvernement marocain. Pomme de discorde Ce qui a titillé l'Espagne, ce n'est évidemment pas l'avancement ou pas des chantiers prioritaires du Maroc, mais plutôt le fait que le chef de l'Exécutif ait demandé le lancement d'un débat sur l'avenir des enclaves Sebta et Mellilia. Les formations politiques, toutes tendances confondues, sont échaudées depuis. Une situation qui rappelle beaucoup le lendemain du premier passage d'El Fassi devant les représentants de la nation et où il avait jeté un pavé dans la mare (le même d'ailleurs que cette fois-ci) en faisant sa déclaration sur les villes en question. S'il n'a pas réussi à faire avancer le dossier, le Premier ministre aura au moins réussi un fait rare dans la vie politique espagnole, celui d'avoir unifié les partis politiques espagnols au point d'adopter un même discours. Le porte-parole du CIU, une fédération de partis politiques catalans de centre-droite, a exhorté le gouvernement de Madrid à faire la sourde oreille face à de telles revendications. Josep Lleida a suggéré à Madrid de ne pas prêter une «grande importance» aux requêtes du Maroc. Dans une déclaration à la télévision espagnole, le député a affirmé que «ces propos surgissent de temps à autre et tombent toujours dans les moments de fragilité du gouvernement espagnol». La classe politique espagnole croit dur comme fer que le Maroc profite de la situation délicate dans laquelle est plongé le gouvernement de Zapatero pour émettre de tels propos. À Mellilia, Miguel Marín, le premier vice-président de la ville, a déclaré dans une conférence de presse organisée à cette occasion que «Sebta et Mellilia sont historiquement, politiquement et juridiquement espagnoles». «Cela fait des siècles que les deux villes appartiennent à l'Espagne. Evoquer ces thèmes est un non-sens», a-t-il affirmé. À Sebta, le Parti Union, (progresso y democria) a largement diffusé un communiqué dans lequel il affirme que le Maroc, par le biais de son Premier ministre, utilise les enclaves pour dévier l'attention. Un avis partagé par Mohamed Haddu Moussa, leader du parti Izquierda Unida (la gauche unifiée). Le député a incombé la responsabilité de ces requêtes au Parti de l'Istiqlal, l'instigateur, selon lui, de cette revendication. Les vives réactions sont émises par l'opposition mais aussi par le parti au pouvoir. Le secrétaire général du PSOE à Sebta a affirmé que «les revendications du Maroc ne créent aucune inquiétude ni anxiété». Pour sa part, Mohamed Ali, le président de la Unión Démocrata Ceutí, a affirmé que «nous sommes Espagnols et il n'y a rien à discuter à ce propos». La faute aux clandestins ? Dans cette marée de déclarations et de contre-attaques, certains ont mis l'assaut par quinze immigrés clandestins du grillage métallique de l'enclave de Mellilia, sur le dos du Premier ministre, eu égard à sa déclaration sous la coupole. L'incident qui s'est produit mardi dernier à 4h50 a provoqué la blessure d'un agent de la Guardia Civil. Cela fait deux ans qu'aucune incursion n'a eu lieu, ont insisté les médias espagnols dans leurs livraisons. Le quotidien de droite La Razón a titré que les attaques contre les postes frontaliers reprennent juste après les déclarations de Rabat. «Simple coïncidence ou stratégie planifiée ?», s'est demandé l'auteur. La presse espagnole a souligné que la déclaration du Premier ministre survient à un moment où sa popularité bat de l'aile et les attaques à son égard sont de plus en plus véhémentes. Toutes ces réactions «purement politiques» de la part du gouvernement et des différents partis espagnols étaient prévisibles compte tenu de la sensibilité et des enjeux du dossier Sebta-Mellilia. Dans l'histoire des relations entre les deux pays voisins, cette question a toujours suscité des remous. La réaction de Madrid paraît toutefois disproportionnée par rapport à la déclaration de mi-mandat du gouvernement.