«Jamais deux sans trois». C'est tout ce que l'on peut souhaiter au Festival international du film documentaire FIDA Doc'Souss, qui vient de se clôturer ce samedi à Agadir. Pas de doute, les organisateurs ont fait de leur mieux pour mettre le film documentaire au-devant de la scène. Malgré tout, on en ressort avec le regret de constater que le documentaire marocain reste le parent pauvre de la manifestation. Un seul film en compétition sur douze sélectionnés. Un genre cinématographique délaissé Un décalage que les professionnels déplorent. «Le festival est une initiative positive qui va enrichir le paysage audiovisuel marocain et surtout le documentaire, à condition de programmer davantage le documentaire marocain et d'inviter les jeunes documentaristes locaux», nous confie le réalisateur Rachid Kasmi. C'est dire à quel point l'absence marocaine se ressent dans un festival qui se veut l'une des rares manifestations organisées au Maroc, exclusivement dédiée au documentaire. «La participation à ce type d'événements est plus facile à l'étranger qu'au Maroc », relève Maria Karim, plasticienne de formation, pour qui le documentaire est avant tout «un vecteur de création ». Tous les témoignages recueillis l'attestent, le documentaire semble être un genre cinématographique auquel on accorde peu d'importance au Maroc. Non pas par rareté des réalisateurs, car rendons à César ce qui lui revient, le royaume a lui aussi ses grands noms du documentaire. Ali Essafi, Rachid Kasmi, Driss Chouika, Hakim Belabbès, Khalid Benkirane, Maria Karim ou encore Bouchra Ejork, des noms connus sur la scène culturelle, mais pas du grand public. Peut-être ne sommes-nous pas encore prêts à regarder notre société de plus près. Et il arrive parfois que nos jeunes réalisateurs en fassent les frais, quand une maison de production censure en coulisses des images «négatives». Un constat bien regrettable, quand on sait que le documentaire, au même titre que n'importe quelle fiction a sa place dans les grilles de nos chaînes de télévisions. Mais dans quelles conditions? Sur 2M par exemple, le quota d'au moins trois reportages ou documentaires par jour est concentré entre 4 h00 et 7h00 du matin. S'instruire ou dormir, il faut choisir ! Et entre les productions marocaines totalement surréalistes et les «EVNI» (Emissions Visibles Non Identifiables), le public marocain préfère de loin se rabattre sur les chaînes étrangères qui proposent souvent des documentaires dignes d'intérêt.Le réalisateur Driss Chouika a un avis tranché sur la question. «Les chaînes de télévision ne veulent pas investir dans la production de documentaires. Elles préfèrent réaliser des reportages de quelques minutes avec une petite équipe en quelques jours de tournage et ne portent pas vraiment d'intérêt au documentaire». Le Centre cinématographique marocain a également sa part de responsabilité. «Grâce au fonds d'aide à la production, géré par le CCM, les cinéastes marocains arrivent à tourner des fictions bénéficiant aussi du circuit commercial. Par contre, le film documentaire, jusqu'à maintenant, est hors calcul du fonds d'aide. Et par conséquent, il ne figure ni dans le circuit d'exploitation, ni dans les festivals», relève Rachid Kasmi. Le CCM pointé du doigt Le réalisateur qui a déjà signé plusieurs documentaires pour les chaînes étrangères, dont Al Jazeera, souligne également que «les chaînes de télévision marocaines préfèrent acheter des programmes de documentaires étrangers, prêts à être dif fusés, au lieu de produire des images locales». Peut-on seulement imaginer le nombre de projets documentaires laissé au placard ? Le réalisateur, comme tant d'autres, insiste sur l'importance d'une réelle prise de conscience. Selon lui, le documentaire constitue notre mémoire, et «un pays sans documentaire est comme une famille sans photos». Il semble néanmoins y avoir une lueur d'espoir pour nos réalisateurs marocains. Médi1Sat programme 4 à 9 documentaires quotidiennement, diffusés entre 14 heures et 1 heure du matin. Un peu plus raisonnable pour les couche-tard. Quand on sait que les fictions nationales s'affichent tant bien que mal dans les salles de cinémas. Peut-on vraiment reprocher aux quelques salles qui nous restent, de bouder le documentaire? Il apparaît ainsi que la télévision est notre seul espoir d'avoir une fenêtre sur le monde. Une fenêtre qui a plus tendance à s'ouvrir sur l'étranger et rarement le temps de s'attarder sur ce qui se passe devant notre palier. On se rappelle tous du Buzz mondial autour du célèbre film «Home». La première fois que la télévision nationale diffuse en prime time un documentaire ! C'est donc possible, alors pourquoi pas un documentaire marocain? Reportage ou documentaire? Selon les termes de leurs cahiers de charges, les chaînes nationales principalement 2M, Al Oula et Medi1Sat sont tenues de produire des "reportages ou documentaires". Souvent, on ne fait pas vraiment la différence entre l'un ou l'autre. Même si le reportage, n'est pas un documentaire, il semblerait que ce ne soit, ici, qu'une question de terminologie. S'agit-il d'une solution de facilité ou d'un manque de compétence? Il s'agirait plutôt d'une histoire de rentabilité. Les chaînes misent plus sur les reportages.