Après une cure de jouvence qui aura duré quelques années, (le projet datant de 2007), le musée de Bank Al-Maghrib (BAM) vient enfin de rouvrir ses portes, dans un espace réaménagé de l'ancienne succursale au centre-ville de Rabat. Et autant le dire tout de suite, Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale, a de quoi être fier. Près de 1.300 pièces de monnaie, billets de banque et œuvres picturales sont exposées dans un espace de 2.000 m2 s'étalant sur trois niveaux. Le visiteur est d'emblée mis à l'aise par l'architecture du musée, résolument moderne, et qui tranche avec le style quelque peu austère de la Banque centrale. Et même si l'on associe principalement cette dernière à l'émission de la monnaie nationale, il ne faut pas s'attendre à une simple exposition dédiée aux numismates de tout acabit. Celle-ci fait bien sûr partie du lot, mais là où la Banque centrale a «mis le paquet», c'est sur le volet design. Les amateurs, outre la classique visite guidée, pourront également approfondir les commentaires et explications fournis via des écrans interactifs. Une pièce de monnaie antique vous intrigue plus que les autres ? Vous pouvez la sélectionner sur l'écran, en agrandir les reliefs grâce à une loupe virtuelle, et même en visionner le revers, tandis qu'un commentaire sur son contexte historique défile devant vos yeux. BAM a même poussé le souci jusqu'à établir des cartes géographiques déterminant l'influence de la monnaie en question. Un travail colossal Si l'on est numismate, on risque de s'attarder pendant des heures à scruter les détails de chaque pièce exposée. «Certaines sont vraiment très rares, à tel point qu'il nous a fallu les remplacer par des imitations pour l'exposition. Mais à part ces exceptions, toutes les autres pièces sont authentiques», commente Rochdi Bernoussi, directeur général adjoint du musée de BAM, et connaisseur averti de l'histoire de la monnaie. Celle-ci est détaillée dans le premier pôle du musée, qui dévoile des pièces de monnaie, des instruments monétaires et des billets, exposés dans des modules muséographiques de haute définition. Une collection qui force le respect, quand on constate l'ancienneté de certaines pièces, qui ont accompagné l'histoire du bassin méditerranéen. «Un travail colossal a été fourni pour rassembler ces pièces. Quelques-unes se sont chiffrées à des millions de DH. Un investissement qui se justifie, quand il s'agit de récupérer un patrimoine national», souligne-t-on chez BAM. Le processus de collecte est des plus diversifiés. «BAM a de nombreux contacts avec plusieurs numismates, à qui elle propose de racheter des pièces rares. Parfois, ces derniers viennent eux-mêmes les proposer à la vente. Et, bien sûr, il y a également les différentes ventes aux enchères», commente-t-on à la direction du musée. Bien évidemment, celui-ci dispose d'une équipe d'experts pour identifier l'origine des pièces acquises. A noter que les falsificateurs de monnaie ont existé tout au long de l'histoire. «Ce qui a donné naissance à des pièces rarissimes, encore plus chères que les pièces originales». Voyage dans l'histoire Ainsi, les monnaies exposées font figure de voyage dans le temps et reflètent plusieurs civilisations à autant d'époques : Grèce et monde hellénistique, Carthage et Rome, Orient et Occident musulmans. Le Maroc y tient une place privilégiée de l'antiquité à nos jours. Et pour ce qui est de la monnaie fiduciaire, c'est-à-dire les billets de banque, le musée en abrite également une impressionnante collection, comprenant l'ensemble des émissions marocaines. La fresque de l'histoire monétaire n'aurait pas été complète sans une mini-exposition portant sur l'usine à sous nationale, Dar Assikah. Un espace retraçant l'ensemble du processus de fabrication des pièces et des billets de banque a été aménagé, agrémenté de courts-métrages qui vous plongent dans une visite virtuelle complète. «Quand on se rend compte du fastidieux travail qui aboutit à la création d'un billet, on a moins envie de le froisser et de le mettre dans sa poche», commente un visiteur. Autre espace qui vaut le coup d'œil, celui dédié aux pièces commémoratives. Il est toujours étrange de se retrouver en face d'une pièce en or ou en argent d'une valeur de 250, 500 ou 1.000 DH. A n'en point douter, certaines feront le bonheur des collectionneurs, tellement elles ont été soignées dans leur conception. Témoin de l'histoire L'espace dédié à l'histoire de BAM est également plein d'enseignements, et constitue un outil d'apprentissage assez complet pour le jeune public. Sur une paroi de 30 m de long, textes, images et jeux interactifs expliquent le rôle et les missions de la Banque centrale, tout en déclinant les dates clés de ses 50 ans d'histoire. Une démarche didactique bienvenue, dans un contexte où l'on appelle à initier le jeune public de plus en plus tôt aux rudiments de la finance. Mais la collection de BAM ne s'arrête pas au patrimoine monétaire. Une aile consacrée au patrimoine pictural regroupe une exposition permanente présente des œuvres d'artistes de tous bords marocains et étrangers, notamment des orientalistes dont certains demeurent inconnus du grand public. La collection picturale de BAM compte plus de 500 œuvres, dont environ 80 exposées de façon permanente. Les thèmes centraux de la collection constituent les premières représentations du Maroc réalisées par des artistes étrangers dès le XIXe siècle, ainsi que la peinture marocaine dans ses différentes composantes. Il est à signaler que des expositions temporaires donneront progressivement l'occasion de découvrir l'ensemble des œuvres.