Le projet de réforme du statut général de la Fonction publique, déjà voté à la première Chambre, sera examiné par les conseillers prochainement. Le redéploiement concernera essentiellement les ministères sociaux. La réduction des disparités indemnitaires entre ministères et à l'intérieur des mêmes cadres statutaires à l'ordre du jour. L'opération des départs volontaires à la retraite (de près de 39 000 fonctionnaires) serait sans portée significative si elle n'était prolongée par la mise en place d'un cadre de mobilité et de redéploiement des fonctionnaires. C'est l'objet de la révision en cours (voir encadré) du statut général de la Fonction publique, déjà adoptée à l'unanimité à la Chambre des représentants ; le texte étant maintenant déposé à la Chambre des conseillers. Comme l'explique le ministre de la Modernisation des secteurs publics, Mohamed Boussaid, il s'agit d'une réforme «tranquille», visant à se doter d'un instrument permanent de dynamisation du marché interne de l'emploi, à travers la mise en place d'une bourse de mobilité/redéploiement. Ce ne sera donc pas une réforme «d'ampleur nationale», qui viendrait perturber l'administration et les fonctionnaires, mais tout juste une opération relevant d'une «démarche pragmatique et progressive, s'attachant à dégager des opportunités et des cibles bien identifiées», peut-on lire dans la note d'orientation relative à ce chantier, discutée et approuvée lors de la dernière session du Conseil supérieur de la Fonction publique. Si l'on veut rendre, en peu de mots, la substance de cette réforme, on dira, à la suite de Azzedine Diouri, secrétaire général du MMSP (ministère de la Modernisation des secteurs publics), que l'objectif recherché est en fait de pouvoir effectuer des recrutements en interne, mais des recrutements qui se feront sur la base de besoins et de profils bien étudiés. Cette nouvelle politique de «recrutement», qui permettra de fournir à l'administration centrale et territoriale des profils adaptés et à moindre coût, puisés dans le vivier de la fonction publique, obéira à quatre principes : la concertation avec les partenaires sociaux le volontariat des fonctionnaires ; la prise en compte des nécessités de service ; la communication et la transparence. Il faut toutefois préciser ici que ces principes s'appliquent surtout s'agissant du redéploiement, la mobilité signifiant autre chose, du moins aux yeux du MMSP. Selon Azzedine Diouri, le redéploiement se fera entre ministères, d'une part, et du centre vers la région, d'autre part. Il vise à corriger les disparités qui existent aussi bien en termes de profils que d'effectifs. La mobilité, en revanche, est intra-ministérielle et elle se pratique déjà , en particulier dans les ministères de l'Education nationale, de la Santé ou encore de l'Intérieur. Pour donner ses chances à ce dispositif de fonctionner convenablement, le MMSP prévoit un système d'incitation, qualifié d'audacieux et ciblé, qui pourra prendre plusieurs formes : les incitations indemnitaires pour mieux prendre en compte les contraintes géographiques et la valorisation statutaire des responsabilités de terrain ; l'accompagnement social ; la promotion aux fonctions de responsabilité. 3 500 licenciés n'ont pas le grade correspondant à leurs diplômes Les responsables du MMSP ne cachent toutefois pas que les opérations de redéploiement bénéficieront, pour l'essentiel, aux départements sociaux, comme l'Education nationale et la Santé et, dans une certaine mesure, ceux de la Justice et de l'Intérieur. C'est en effet et surtout dans les secteurs de l'éducation et de la santé que les écarts, en termes d'effectifs d'encadrement, entre le centre et la périphérie, sont les plus importants, et c'est aussi dans ces secteurs-là que les besoins sont les plus pressants en raison d'abord des déficits accumulés et ensuite de l'accroissement démographique. Pour cette année déjà , le MMSP prévoit de mener une ou deux actions ponctuelles et ciblées de redéploiement. Il existe aujourd'hui, confie M. Diouri, 3 500 licenciés «mal assis», c'est-à -dire qui n'ont pas le grade correspondant à leurs diplômes. Ces derniers ne cessant de réclamer leur reclassement, le redéploiement pourrait être une opportunité pour eux d'accéder aux grades qui conviennent à leurs diplômes, moyennant des stages de formation à même de les rendre opérationnels dans les domaines auxquels ils seraient réaffectés. Il y a aussi, comme action à court terme, le redéploiement interministériel et intra-régional des cadres communs (ingénieurs, techniciens et administrateurs) qui sont au nombre de 125 000, soit le 1/4 des effectifs de la Fonction publique. Ces cadres, selon le MMSP, ont vocation au redéploiement interministériel et, à l'échelle régionale, entre les collectivités locales et les administrations, à travers une procédure simple de réaffectation. Réserver 1 % de la masse salariale à la formation continue Pour ce qui est du fonctionnement courant de ce dispositif – car, une fois de plus, l'objectif poursuivi est d'en faire «une pratique régulière et normalisée» de gestion des ressources humaines – plusieurs préalables doivent être réglés. Outre la mise en place d'un système d'incitation suffisamment attractif (la concertation est en cours avec les Finances), il y a aussi, précise le MMSP, la nécessité d'approfondir la connaissance des ressources humaines existant dans le but de faire apparaà®tre les poches de sureffectif et de sous-effectif, et ceci à travers des études internes dans chaque département, des études spécifiques aux collectivités locales, aux régions et aux établissements et entreprises publics. Il s'agit en somme de réaliser une sorte de cartographie des ressources humaines tant à l'échelle centrale que régionale. Parallèlement à cela, il faut aussi connaà®tre le profil de ces ressources humaines. C'est l'objet du référentiel des emplois et des compétences, déjà réalisé dans les départements de l'Agriculture et de l'Equipement, et programmé pour 2006 par les Finances, l'Education nationale, la Santé, l'Intérieur et la Justice. Le deadline pour les autres départements ministériels étant fixé à 2008. La Banque mondiale, l'Union européenne et la Banque africaine de développement, qui ont alloué une enveloppe de 300 millions de dollars à la réforme de l'administration, n'oublient pas d'ailleurs d'insister sur ce point. Enfin, le dispositif de mobilité/redéploiement requiert, pour sa réussite, une politique de formation rénovée. Pour montrer l'importance de ce volet de la réforme, Azzedine Diouri confie à ce propos que l'objectif du MMSP est d'atteindre 1% de la masse salariale de la Fonction publique comme enveloppe à dédier à la formation continue (contre 0,28 % aujourd'hui). Un décret sur la formation continue des fonctionnaires et agents de l'Etat a d'ailleurs été promulgué, il est entré en vigueur le 1er janvier 2006. Même si, cela va de soi, l'administration a le dernier mot en ce qui concerne les demandes de mobilité ou de redéploiement, le MMSP veut éviter les rushs sur certains ministères et, pour cela, il compte attaquer à la racine les raisons qui font que des départements sont plus convoités que d'autres : la réduction des disparités indemnitaires entre ministères et à l'intérieur des mêmes cadres statutaires. Cela veut dire, en clair, qu'un ingénieur, par exemple, devrait empocher la même indemnité, quel que soit le département oà1 il exerce. Les axes de révision du statut de la Fonction publique La politique de mobilité et de redéploiement des fonctionnaires n'est qu'une composante du projet de refonte et de révision du statut de la Fonction publique de 1958. Cette révision, la dixième du genre depuis 1958, porte sur quatre points fondamentaux : 1 – L'introduction du principe du contrat dans les recrutements de l'administration ; 2 – La clarification et la précision des modalités relatives au double emploi (les conditions qui permettent à un fonctionnaire d'exercer, en dehors de ses fonctions dans l'administration, des activités d'enseignement, d'expertise ou de conseil…) ; 3- La généralisation du concours comme mode de recrutement dans l'administration ; 4- La mise en place d'un cadre de mobilité (mise à disposition, détachement auprès des syndicats, …) et de redéploiement des fonctionnaires.