Ali Lotfi, membre CDT du Conseil supérieur de la Fonction publique, estime que l'Etat est hors la loi concernant le SMIG. Pour le redéploiement, il est partisan d'une approche qui privilégie les intérêts des fonctionnaires. ALM: Pourquoi avoir demandé l'ajournement des travaux du Conseil supérieur de la Fonction publique juste après son ouverture par le Premier ministre ? Ali Lotfi : Effectivement, nous étions convoqués à cette première réunion du Conseil supérieur de la Fonction publique dont l'ordre du jour était centré sur quatre points. Il s'agissait d'une évaluation de l'opération de départ volontaire, de la présentation de tous les projets de réforme réalisés par l'actuel gouvernement, de la mobilité inter-départements des personnels et du système de rémunération au sein de la Fonction publique. Après l'ouverture des travaux par le Premier ministre, les membres de la CDT ont pris la parole pour demander le report de cette première réunion et ce pour plusieurs raisons. D'abord, il faut signaler que nous n'avions pas reçu à temps les projets de réforme qui devaient être soumis à discussion étant donné que le règlement intérieur stipule que tous les projets soumis à examen doivent être adressés aux membres 15 jours avant la date de la réunion. Plus de 70 % des membres ne les avaient pas reçus. Ensuite, le conseil ne devait commencer ses travaux en commissions qu'après avoir discuté et approuvé le règlement interne qui régit les travaux de ces mêmes commissions. Après l'appel de la CDT, les autres syndicats ont décidé d'adopter la même démarche, ce qui a poussé finalement à la décision d'un report d'une quinzaine de jours. Lors de cette première réunion, nous avons aussi attiré l'attention sur le fait que plusieurs textes et décrets relatifs aux fonctionnaires de l'Etat (promotion interne, formation continue...) ont été adoptés sans consultation du conseil et nous considérons que c'est une grave irrégularité commise par le gouvernement. Quelle est la position de la CDT quant à la plate-forme proposée par le gouvernement pour la réforme du système indemnitaire ? La CDT a réuni, samedi dernier à Casablanca, les représentants de la centrale au conseil en présence des experts confédéraux dans le domaine pour débattre des deux questions. En ce qui concerne l'opération de départ volontaire, nous n'allons pas en discuter puisque cela a été décidé de manière unilatérale par le gouvernement. Pour le reste, nous sommes en train de préparer nos recommandations que nous soumettrons lors de la discussion. Toutefois, et concernant la politique de rémunération, il importe de signaler que le système en vigueur jusque-là est entaché de grandes inégalités et l'absence quasi-totale d'équité entre les fonctionnaires. Les écarts sont flagrants et vont de 1 à 37 fois et même plus si on prend en considération certains établissements publics. Le différentiel de rémunération liée à la responsabilité, par exemple, est exorbitant. Le secrétaire général d'un ministère a droit à 61.000 DH, un directeur à 32.480 DH, un chef de division à 14.269 DH, un chef de service à 13.769 DH... Au bas de l'échelle, on retrouve un agent classé à l'échelle 1 avec une rémunération de 1.600 DH ! Une partie du personnel de l'Etat n'a même pas le SMIG. En plus, il y a une tendance progressive vers une politique sectorielle qui risque d'apporter son lot de problèmes. Que proposez-vous au sein de la CDT et quelles recommandations allez-vous faire au conseil ? Notre position est des plus claires. Il faut une réforme globale de ce système de rémunération et qui vise à assurer égalité et équité, mais aussi réduire les écarts que j'ai évoqués. Il faut respecter le principe du même salaire et du même régime indemnitaire pour le même grade. Il y a des cadres qui perçoivent des indemnités non permanentes qui représentent jusqu'à trois fois le salaire normal d'un fonctionnaire. C'est le cas d'un fonctionnaire du ministère des Finances face à deux autres, de même grade, aux ministères de la Santé et de l'Education. Il ne faut pas oublier non plus que l'indice du coût de la vie est passé, en dix ans, de 100 à 300 tandis que le taux de revalorisation des rémunérations, pour la même période, n'a évolué que dans une fourchette de 0,65 à 17%. Qu'en est-il alors du redéploiement ? Que pensez-vous de l'approche visant à répondre d'abord aux besoins du service dans les administrations ? Concernant ce point, le principe primordial à retenir est que ce soit fait avec le consentement des fonctionnaires concernés pour ne pas remettre en cause, de manière générale, leur situation familiale, sociale et administrative. A la CDT, nous refusons le prétexte de l'intérêt de l'Administration étant donné qu'il n'y a jamais, dans ce sens, de critères objectifs. Ce sont les intérêts des fonctionnaires qui doivent primer et cela ne signifie nullement une remise en cause de la bonne marche du service.