Entre 2000 et 2004, leur nombre est passé de 439 à 140. 100 000 journées de travail perdues l'année dernière. Pour autant l'insatisfaction n'est pas en baisse, mais elle n'arrive pas à s'exprimer. La paix sociale, objectif poursuivi dans le cadre du dialogue social, entamé depuis 1996, est aujourd'hui une réalité, au moins sur le plan arithmétique. Depuis cinq ans en effet, et au sein du privé, le nombre de grèves dans les secteurs industriel (non compris les mines), commercial et de services, recensées par la direction du Travail du ministère de l'Emploi, a baissé de près de 70%: de 439 en 2000, il est redescendu à 140 en 2004 (et à seulement 61 au premier semestre de 2005). Conséquence logique, le nombre de journées de travail perdues a conséquemment baissé, en passant de près de 370 000 à 100 000 entre ces deux périodes, soit une diminution de 72,8 %. Gouvernement et patronat devraient trouver là motif à satisfaction dans la mesure oà1, sans cesse, la conflictualité dans le monde de l'entreprise a été considérée comme l'un des obstacles majeurs à la compétitivité. Certains ont même avancé que, parmi les causes principales de la fermeture de certaines unités, figuraient en bonne place les grèves, parfois de longue durée, qui s'y déclenchaient. Une pratique syndicale de plus en plus difficile Pourtant, si la «paix sociale» est aujourd'hui indiscutable dans le secteur privé, au point que certains se demandent bien oà1 sont passés les syndicats, il y a tout lieu de relativiser ce constat, selon un syndicaliste de l'UMT (Union marocaine du travail). «Les grèves ont certes diminué, mais les conflits existent toujours, soutient-il. La différence réside dans le fait que ces conflits n'apparaissent pas ou ne dégénèrent pas en grèves pour au moins deux raisons : d'abord, le taux de syndicalisation dans le pays est très bas, on peut l'estimer à 10 % maximum ; ensuite, la pratique syndicale devient de plus en plus difficile, en dépit des progrès apportés sur ce point par le nouveau Code du travail ; ce dernier, c'est un fait, n'étant appliqué que par 20%». Le Code du travail reste peu appliqué Ces propos semble corroborés par les statistiques mêmes de la direction du Travail. En examinant les conflits collectifs dans leur ensemble, on constate en effet que, si le nombre de grèves déclarées a baissé de 70 % entre 2000 et 2004, le nombre de grèves évitées n'a, lui, diminué que de 23,2 % sur la même période. En 2000, les grèves évitées s'élevaient à 873 et en 2004 à 670 (et à 475 rien que pour le premier semestre de 2005). Autrement dit, la conflictualité, donc l'insatisfaction, est toujours là , sauf qu'elle n'arrive pas à s'exprimer, ou alors elle a pu être résorbée d'une manière ou d'une autre. Beaucoup de conflits individuels à propos de l'augmentation du Smig et de la baisse de la durée du travail Tout semble indiquer que, pour les raisons évoquées précédemment, les conflits collectifs, c'est-à -dire les grèves, cèdent le pas devant les conflits individuels, lesquels en revanche n'ont pas vraiment diminué sur la période considérée, ils ont même été multipliés par 11 entre 2004 et le premier semestre de 2005. Le nombre de conflits individuels est, en effet, passé de 41 974 en 2000 à 32 136 en 2004 (-23,4 %) pour culminer à 350 876 au premier semestre de 2005. Cette situation, en particulier la recrudescence des conflits individuels à partir de 2003 (31 476 en 2003 et 32 136 en 2004) et surtout 2005, les syndicalistes l'expliquent par la «non-application» des dispositions de l'accord du dialogue social du 30 avril 2003. «Rappelez-vous toute la polémique apparue à propos de l'augmentation du SMIG ainsi que le refus de certains secteurs de s'y plier. Et puis, il y a aussi, toujours en liaison avec le SMIG, le problème de la baisse de la durée légale du travail. Ces deux points à eux seuls ont généré des conflits individuels très importants». Pour un expert des relations de travail, le discours sur la mondialisation et sur la nécessité de faire converger les intérêts des salariés et ceux de l'entreprise fait partie aussi des ingrédients qui ont quelque peu réduit le recours à la contestation collective comme moyen de faire aboutir ses revendications.