A défaut d'une loi spécifique, plusieurs textes peuvent être utilisés pour régler les litiges engendrés par l'utilisation d'internet au travail. L'interdiction d'utiliser internet à des fins personnelles peut être mentionnée sur le contrat de travail ou dans le règlement intérieur. «Les chartes informatiques permettent de mieux encadrer l'utilisation d'internet» Pratiquement toutes les entreprises sont connectées à internet, un outil devenu indispensable pour communiquer, vendre et gérer le quotidien de l'entreprise. Cependant, l'usage qu'en font les salariés n'est pas toujours à des fins professionnelles. Il y en a qui passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux ou regardent des films et autres types de vidéos au détriment de leur productivité. Difficile de tout contrôler quand tout le monde a accès librement au réseau. L'idéal, c'est de mettre en place une charte de bonne conduite et de sensibiliser. Toutefois, des sanctions peuvent être prononcées en cas d'abus. Brahim Atrouch, expert en droit social, revient sur les droits et obligations de l'employeur et du salarié. Faute d'un cadre juridique spécifique au Maroc, comment peut-on réguler internet au travail ? Dans ce domaine, la loi est muette, mais on peut se baser sur certains textes pour régler les litiges liés à l'utilisation d'internet au sein de l'entreprise. On peut citer les textes de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment l'article 9 qui prévoit que «toute personne a droit à la liberté de pensée (...)», la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la Constitution marocaine de 2011 qui prévoient la protection des libertés syndicales, la liberté d'expression et le droit à l'information. En sus, il y a aussi la loi 53-05 concernant l'échange électronique des données juridiques. Cette loi fixe le régime applicable aux données juridiques échangées par voie électronique. On peut également citer la loi 09-08 sur la protection des données à caractère personnel et la loi 07-03 complétant le code pénal, en ce qui concerne les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé des données. Cette loi permet de sanctionner toutes les intrusions non autorisées dans un système de traitement automatisé de données. Quels sont les moyens de contrôle que l'entreprise peut mettre en place ? Sur le plan organisationnel, il existe des moyens techniques de contrôle tels que des logiciels et des caméras de surveillance. Mais là se pose la question de la légitimité de ce type de contrôle, sachant que toute utilisation des moyens de contrôle et de surveillance, à savoir la caméra de surveillance, la biométrie et les logiciels de contrôle doit être déclarée préalablement auprès de la Commission nationale de protection des données à caractère personnel (CNDP). L'employeur peut interdire, pendant le travail, l'utilisation à des fins personnelles de l'ordinateur professionnel ou personnel connecté à internet ou d'autres moyens de communication (smartphone) en le précisant soit dans le contrat de travail, soit dans le règlement intérieur, ou bien dans la charte informatique. Une charte informatique est un document écrit qui définit les conditions d'utilisation du matériel informatique et permet ainsi d'attirer l'attention des salariés sur les pratiques et les sites qui sont tolérés et ceux interdits. L'introduction dans l'entreprise des nouvelles technologies de la communication oblige l'employeur à en informer préalablement le comité d'entreprise, selon l'article 466 du code de travail. Indiscutablement, l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux (autorisés par l'entreprise) sont considérés en tant que nouvelles technologies. Quels sont les autres droits et obligations de l'employeur et de ses collaborateurs concernant l'utilisation de ces outils ? Le salarié a une obligation de bonne foi, de loyauté et de ne pas divulguer des secrets professionnels. L'usage d'internet par le salarié pendant et sur lieu de travail doit être raisonnable car il consacre son temps de travail à des fins personnelles. Cependant, il existe des entreprises où les salariés sont libres de naviguer sur internet pour les besoins de leur travail. On peut ajouter aussi ce qu'on appelle les forums de discussion, les réseaux sociaux. Ce sont des lieux de libre discussion créés par l'employeur, sur lesquels peuvent intervenir soit seulement des membres de l'entreprise, soit des tiers (clients, fournisseurs...). Ils ne sont pas encore très répandus, mais on peut s'attendre à voir de plus en plus de grandes entreprises s'en doter car ils constituent, sur le plan extérieur, un formidable moyen de communication, et, sur le plan intérieur, un très bon «thermomètre social» (ils peuvent jouer le même rôle que les murs de «libre expression anonyme» des salariés institués par certaines grandes entreprises japonaises), ainsi qu'un moyen d'améliorer les performances de l'entreprise. Pendant l'utilisation d'internet, le salarié doit être vigilant vis-à-vis du site visité et vis-à-vis des informations envoyées, une mauvaise manipulation peut être qualifiée de divulgation de secrets professionnels justifiant le licenciement. Le salarié n'est donc pas libre lors de l'utilisation d'internet. Plusieurs restrictions sont imposées par l'employeur mais elles doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but à atteindre.