A Casablanca, d'un marché à l'autre, les prix sont doublés voire triplés par rapport au marché de gros. Pourtant, la restructuration du circuit de distribution a permis de réduire le nombre d'intermédiaires. Acheter du poisson reste un véritable casse-tête. Ce n'est pas tant pour des raisons de disponibilité, mais parce qu'il est difficile d'avoir une idée précise sur le budget à y consacrer. D'un marché à l'autre, et selon les jours, les prix vont du simple au double ou même au triple et dépassent de loin les moyennes publiées par Assar, le système d'information des produits agricoles au Maroc. Mardi 15 décembre, à Casablanca, la sardine, le merlan et la sole étaient respectivement à 11,67 DH, 53,30 DH et 46,67 DH le kg sur ce site. Le même jour, au marché de Maarif, il fallait débourser dans l'ordre 20 DH, 70 DH et 80 DH pour une quantité équivalente. Un peu plus au sud de la métropole, plus exactement au marché de poisson de Sidi Maârouf, la sardine était affichée à 10 DH et le merlan et la sole à 40 DH. Pas loin, au marché du quartier Nassim, les prix étaient encore plus bas. Cette différence de prix est encore plus tranchée quand il s'agit d'espèces parfois un peu plus rares sur les étals comme la crevette, l'espadon, la dorade ou le bar. En guise d'exemple, l'espadon était vendu entre 120 DH et 130 DH sur certains marchés de Casablanca, alors qu'il coûtait à peine 55 DH, sans négociations, à Sidi Maârouf. Ces grands écarts ne peuvent être justifiés que par la qualité ou l'origine du produit qui est le même. Les commerçants de Maarif, Benjdia, Sidi Maaârouf, Bernoussi... s'approvisionnent tous aux mêmes endroits, en l'occurrence le port de Casablanca et le marché de gros de poisson de Sidi Othmane. Les prix de vente au gros sont très attractifs dans ces endroits. «Le prix d'une caisse de 23 kg de sole tournait autour de 400 DH ce mardi. La caisse de 20 kg de merlan coûtait en moyenne 350 DH. L'espadon, quant à lui, était vendu entre 35 DH et 40 DH le kg», témoigne un détaillant. En résumé, les prix sont au minimum multipliés par deux entre la halle et les marchés de détail. Avant 2008, le marché était étouffé par les intermédiaires Qu'est-ce qui explique ces distorsions ? A ce jour, nombreux sont ceux qui invoquent encore la multiplication des intermédiaires. Il en était effectivement ainsi jusqu'en 2008. A l'époque, les commerçants de poisson de Casablanca et de la région de la Chaouia s'approvisionnaient à la halle du port de pêche où se faisait la première vente. Cet espace était réparti en 15 carreaux et 17 magasins. Les chalutiers, d'une capacité de 2 tonnes minimum, commençaient à mouiller à partir de 2 heures du matin. Les captures étaient ensuite déchargées dans des caisses en bois et acheminées au carreau indiqué par les services du port. La vente à la criée commençait une heure plus tard. A ce stade de commercialisation, les détaillants ne se manifestaient pas car n'ayant pas le poids financier pour intervenir sur le marché. Les grandes affaires étaient réalisées par les propriétaires des magasins appelés grossistes. Les détaillants peuvent s'approvisionner directement au marché de gros Une fois la vente à la criée officielle finie, ces derniers acheminaient leur marchandise vers d'autres villes ou la revendaient aux intermédiaires, appelés «chennaka» (littéralement les étouffeurs). Ces derniers revendaient ensuite le produit aux détaillants, s'il ne passait pas auparavant par un autre détaillant. Comme chacun se débrouillait pour se faire une marge respectable, «le prix de la sole à titre d'exemple pouvait passer de 15 DH/kg à 40 DH/kg», explique un professionnel du port. Mais depuis l'ouverture du marché de gros de poisson de Sidi Othmane, ce système est quasi révolu. Sur ce marché, l'activité démarre à partir de 21h. Les camions des grossistes provenant d'Agadir, de Tarfaya, Dakhla et d'autres villes du Sud arrivent entre 21h et minuit. Quelques heures plus tard, soit vers 5h du matin, c'est au tour des grossistes et semi-grossistes de Casablanca de faire entrer la marchandise qu'ils ont achetée au port lors de la criée. Chaque jour, ce sont près de 40 à 60 tonnes de poissons nobles et quelque 300 à 400 tonnes de pélagiques qui transitent par ce marché. Les prix de vente moyens sont fixés lors d'une réunion qui se tient le matin très tôt entre les représentants des grossistes et les contrôleurs du marché. Une fois les tarifs établis, les détaillants font leurs achats directement, sans aucune intermédiation. «Nous avons la possibilité de nous approvisionner par caisse quand il s'agit de poissons pélagiques et par pièce pour les poissons nobles», explique un commerçant. Le circuit est ainsi amputé d'un niveau, voire de deux. Et avec la création d'un marché similaire à Marrakech en 2013, la demande des semi-grossistes a baissé à Casablanca. Pourtant, les prix continuent de donner le tournis aux consommateurs. La situation qui prévaut sur le marché casablancais du poisson ne peut être expliquée que par l'attitude des détaillants qui fixent leur tarif en fonction de leur emplacement et à la tête du client. Sauf si le produit fait défaut pour cause de grève ou de mauvaise pêche. En l'absence d'un système de contrôle des prix -le marché étant libre-, le client risque toujours d'être pris au piège, à moins qu'il aille s'approvisionner dans les quartiers populaires ou directement au marché de gros.