A leurs difficultés financières sont venues s'ajouter les dispositions contraignantes du nouveau code de la pharmacie. Le chiffre d'affaires moyen d'une pharmacie est tombé de 1,5 MDH en 1997 à 700 000 DH aujourd'hui. La primature propose un protocole d'accord pour désamorcer la crise. Le temps se gâte pour les pharmaciens. Déjà que le secteur allait mal, voilà que le nouveau code de la pharmacie vient aggraver, selon eux, leur situation. Une situation qu'ils jugent à ce point grave qu'ils avaient, à la mi-décembre, décidé de manifester leur ras-le-bol, en décidant de faire grève les 29 décembre et 7 janvier 2005. Pour débloquer la situation, le premier ministre, qui a rencontré la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM), dans le cadre des réunions relatives à l'AMO, mardi 21 décembre, s'est engagé à proposer un protocole d'accord qui répondrait à leurs doléances. Selon Kamel Belhaj Soulami, président de la fédération, les premières rencontres pour discuter dudit protocole devraient avoir lieu la semaine prochaine. Les pharmaciens n'en sont pas à leur première grogne. La FNSPM avait, rappelons-le, menacé, en novembre 2004, d'observer une grève de 24 heures. Et deux années plus tôt, en juin 2002, ils avaient porté, durant plusieurs jours, un brassard noir. Depuis, estiment-ils, leur situation n'a pas changé. Elle se serait même aggravée, selon la FNSPM pour qui «les perspectives pour le secteur sont assez sombres». Une pétition signée par 90% des pharmaciens de Casa et rejetant le code Le code de la pharmacie, en gestation depuis plusieurs années, constitue la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Le gouvernement a fait cavalier seul, dit en substance la profession, pour élaborer un code qui ne tient pas compte des revendications du secteur. Celui-ci réclame une réglementation moderne et plus adaptée, qui protégerait la profession et lui permettrait de jouer pleinement son rôle. Les pharmaciens de la wilaya du Grand Casablanca souhaitent, dans un communiqué publié en début de semaine, «un code d'avant-garde qui permettra de gérer la profession en tenant compte de notre réalité». Ce syndicat a fait circuler une pétition contre le projet de texte relatif à la pharmacie, signée par plus de 90 % des 1 200 pharmaciens casablancais. Trois points de discorde opposent aujourd'hui gouvernement et pharmaciens. En premier lieu, le non-octroi par le code du droit de substitution, permettant aux officinaux de proposer un autre médicament (notamment générique) moins cher, en lieu et place de celui prescrit par le médecin, ce qui leur permettrait d'éviter une perte de clients. En deuxième lieu, l'autorisation accordée aux cliniques de disposer de leurs propres pharmacies. La FNSPM rejette la mesure, en invoquant une concurrence déloyale et ceci malgré l'engagement des autorités à contrôler cette activité afin d'éviter tout dérapage. «Les cliniques sont tenues de vendre des médicaments exclusivement à leurs patients. Où est donc la concurrence déloyale dont parlent les pharmaciens?», s'interroge un fonctionnaire du ministère de la Santé. Enfin, troisième point de discorde, le rejet du numerus clausus qui consiste à autoriser les ouvertures de pharmacies non pas en vertu d'une distance minimale (règle du chaînage : 300 mètres actuellement) mais plutôt en fonction de la densité de la population. Les pouvoirs publics se sont engagés, selon un responsable de la primature, à trouver des solutions : «Nous tenterons de trouver un terrain d'entente pour résoudre certaines questions, quant à d'autres aspects, et pour des raisons de santé publique, nous expliquerons le bien-fondé des décisions du gouvernement». explique-t-on. Mais cela réussira-t-il à convaincre les pharmaciens ? A la FNSPM, on se dit prêt à aller jusqu'au bout pour défendre la profession. Celle-ci souffre, depuis 1997, d'une crise qui ne cesse de s'aggraver. Le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique (4,5 milliards de dirhams) et la consommation annuelle moyenne de médicaments (de l'ordre de 200 DH par habitant) stagnent depuis plusieurs années, alors que le nombre des pharmacies a doublé (voir encadré). A l'origine de cette situation, l'accroissement du nombre d'installations et l'absence de couverture médicale, maintenant une faible demande de médicaments. En des jours meilleurs, les officinaux tentent de maintenir leur activité en recourant à la vente à crédit des médicaments ainsi qu'au transfert de leur commerce. Un pharmacien du quartier Oasis, à Casablanca, indique que, durant les deux dernières années, 80 % de ses ventes ont été faites à crédit. «La formule me convient car elle me permet de maintenir mon activité et arrange mes clients, surtout les patients qui souffrent de maladies chroniques telles que l'hypertension ou encore le diabète et qui ont un besoin régulier de médicaments», argumente-t-il. Les factures atteignent, poursuit ce pharmacien, les 3 000 DH par mois et les clients paient par des versements mensuels de 400 ou 500 DH par mois. Pour un autre pharmacien de Hay Mohammadi, à Casablanca, les créances sont difficiles à récupérer et «il faut relancer à plusieurs reprises les clients pour qu'ils paient. Cependant, on ne peut refuser de donner les médicaments, connaissant la situation du secteur et surtout le pouvoir d'achat des patients». D'autres pharmaciens, quant à eux, ont opté pour les transferts d'officines de ville à ville et parfois même de quartier à quartier, pour remédier à la crise Un pharmacien du quartier Oasis, à Casablanca : «Durant les deux dernières années, 80 % de mes ventes se sont faites à crédit. La formule me convient car elle me permet de maintenir mon activité». La consommation moyenne de médicaments stagne depuis des années à 200 DH/habitant/an, alors que le nombre de pharmacies a doublé…