Elle le qualifie de menace pour la stabilité des relations sociales. L'UMT (Union marocaine du travail) est mécontente du projet de loi organique relatif à la grève et entend le faire savoir. A l'issue de son conseil national réuni mercredi 29 septembre, la centrale de Mahjoub Bensedik a adressé un mémorandum au premier ministre dans lequel, décortiquant le projet gouvernemental, elle considère ce dernier comme «une menace à la fois pour les droits fondamentaux des travailleurs et pour la stabilité des relations professionnelles». Partant du principe que le droit de grève est un droit de l'Homme fondamental affirmé par l'ONU, par le préambule de la Constitution marocaine et consacré par cette dernière dans son article 14, l'UMT considère que ce droit «ne peut faire l'objet de restriction qu'en proportion avec l'ordre public ou la sécurité nationale, mais non avec la protection d'intérêts particuliers». Pour enfoncer le clou, le conseil national de l'UMT estime que, comme le droit de propriété, «le droit de grève ne peut faire l'objet que de dispositions qui le protègent et le garantissent». Le texte est jugé trop favorable à l'employeur Dans ce qui s'apparente à un réquisitoire contre le projet du gouvernement, dont les dispositions «révèlent de sérieuses confusions sur les fondements juridiques et les fonctions sociales du droit de grève», l'UMT décline ses griefs à l'endroit de ce texte. Primo, le projet de loi «criminalise» le droit de grève à travers un certain nombre de ses dispositions. Ainsi, l'UMT estime que l'article 5 (sur la liberté du travail) consacre les dispositions punitives de l'article 288 du code pénal (dont on a promis la suppression), tandis que l'article 6, de par le «flou» qui caractérise la notion de faute grave qu'il consacre, expose les grévistes au licenciement et aux poursuites judiciaires. Quant aux articles 31 à 37, ils instaurent un régime de peine «déséquilibré», puisque l'employeur qui recourt, par exemple, à des briseurs de grève ou qui déménage la production et les marchandises, s'expose tout au plus à 100 000 DH d'amende, alors qu'un salarié accusé d'avoir scandé un slogan jugé injurieux peut être licencié. Deuzio, le projet «rend impossible» l'exercice du droit de grève ; d'abord en décrétant que l'AG doit se tenir hors du lieu de travail (article 11, alinéa 2), ce qui est «contraire» aux conventions 87 et 98 de l'OIT ; ensuite, en conditionnant la légalité du droit de grève par une procédure de conciliation et d'arbitrage (article 12), sous peine d'amende de 150 à 10 000 DH par nombre de grévistes ; enfin, en faisant porter, à travers le préavis de 10 jours, la responsabilité des événements découlant de la grève à une entité, «le comité de grève», sans personnalité juridique précise, ce qui revient à responsabiliser des individus sans attributions syndicales et à criminaliser les salariés. Tertio, le texte «ignore», estime l'UMT, les raisons qui poussent le plus souvent à la grève, comme la violation du droit du travail (détournement des cotisations patronales, inapplication du SMIG, etc.) et les atteintes au droit syndical (licenciement des élus syndicaux, refus de négocier, etc.). Il est significatif à cet égard, précise le mémorandum, qu'aucune étude sur les causes des conflits du travail n'a précédé ce projet de loi. Cependant, prenant acte de la volonté du gouvernement d'ouvrir le dialogue sur ce sujet, la centrale syndicale ne se contente pas de critiquer le projet de loi, elle dit vouloir «apporter une contribution responsable et positive à la consolidation de relations professionnelles saines et dynamiques dans notre pays». En effet, à la fin de son document, le plus radical des syndicats du Maroc énumère un certain nombre de points qui lui paraissent essentiels pour l'exercice du droit de grève. Le conseil national de l'UMT n'a cependant pas oublié, lors de sa session du 29 septembre, de pointer les problèmes sociaux en suspens. En particulier, le «non-respect» par le gouvernement des engagements qu'il avait pris dans les accords du 30 avril 2003 et du 28 janvier 2004 (comme l'application tardive et dénaturée des augmentations de salaires); la non-ouverture de négociations sectorielles pour l'amélioration des conditions matérielles des salariés ; les tentatives du gouvernement et de nombreux employeurs de violer le code du travail, comme le non-respect de l'article 184 stipulant que la réduction du temps de travail ne doit pas s'accompagner de la réduction du salaire (ce qui est le cas dans le textile, où le SMIG est passé de 1 826 DH à 1 758 DH), etc. Le communiqué de l'UMT rédigé sur ces questions est des plus musclés, il augure d'une rentrée sociale qui risque d'être chaude.