Ils dénoncent le nouveau projet de code de la pharmacie, élaboré sans concertation avec la profession. Leur situation financière s'est particulièrement dégradée au cours des dernières années. Les pharmaciens seront en grève avec port de brassard, dans tout le pays, les 2 et 9 juillet prochain. Une décision prise lors de la réunion tenue mercredi 23 juin, à Rabat, par la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens (FNSP). Cette profession n'en est pas à sa première manifestation de grogne. Déjà, en juin 2002, ses membres avaient porté, pendant plusieurs jours, un brassard et menacé alors de déclencher une grève générale pour exprimer leur ras-le-bol. Deux années se sont écoulées depuis, le ministère de tutelle a changé de locataire et, pourtant, la situation n'a pas, selon la FNSP, changé d'un iota. La profession va jusqu'à dire que «la situation n'a fait que s'aggraver, au point que l'on ne voit plus de perspectives ni d'issue à la crise !». Que se passe-t-il dans ce secteur ? Que veulent les officinaux ? Deux problèmes majeurs perturbent la profession. L'inadaptation de la réglementation à la réalité du métier et la crise qui frappe les officines depuis 1997. En effet, les pharmaciens attendent la promulgation d'un texte de loi, le code de la pharmacie, depuis plusieurs années. «Le gouvernement vient de mettre en chantier un projet de loi sur lequel nous ne sommes pas d'accord car il ne tient pas compte de nos revendications ; nous souhaitons être associés à l'élaboration de ce projet», souligne Kamel Belhaj Soulami, président de la FNSP. Celle-ci a été, rappelons-le, associée à l'élaboration des autres projets de code de pharmacie qui n'ont, finalement, jamais vu le jour. Le chiffre d'affaires des officines aurait baissé de 30 % en moyenne Les pouvoirs publics ont cette fois-ci, semble-t-il, préféré faire cavalier seul pour élaborer le nouveau projet dont une copie a été soumise, pour examen, à la profession. «Une façon de faire que nous rejetons car nous devons être associés à l'élaboration, d'abord parce que le texte nous sera appliqué, ensuite du fait que nous connaissons la réalité de la profession. Les pouvoirs publics ne semblent pas avoir conscience de l'importance du dialogue!», commente le président de la FNSP. Les officinaux estiment que le Maroc, qui a signé plusieurs accords de libre-échange avec les pays développés, doit mettre à jour la législation de plusieurs professions, notamment celle de la pharmacie. Le secteur est aujourd'hui réglementé par le dahir de 1960 «qui ne correspond plus à la réalité du terrain», martèle Kamel Belhaj Soulami qui réclame, au nom de ses confrères, un texte plus adapté et moderne. S'inspirant des législations européenne et américaine, les pharmaciens revendiquent la protection et la valorisation de la profession. Outre le récurrent «droit à la substitution», la FNSP réclame «les soins pharmaceutiques qui permettront aux officinaux d'assurer un suivi des patients. Dans les pays développés, cette possibilité est très courante et donne une importante place au pharmacien dans le circuit médical». Les soins pharmaceutiques seraient nécessaires pour certaines maladies comme le diabète ou encore l'hypertension et revêtent un intérêt à la fois social et médical. Médicalement, le suivi serait assuré quotidiennement, en plus de la prise des médicaments puisque le pharmacien procédera à la mesure de la glycémie, au contrôle de la tension artérielle et pourra donc intervenir sur le traitement prescrit par le médecin. Ce suivi sera gratuit. La protection des pharmaciens est une autre revendication essentielle : «L'article 39 du nouveau projet de code de la pharmacie prévoit des sanctions d'emprisonnement pour le pharmacien contrevenant aux dispositions du code. Le texte prévoit une année de prison et une suspension de deux années de l'exercice de la profession. Ce qui n'est pas logique !», explique-t-on. A la FNSP, on se dit prêt à aller jusqu'au bout pour défendre la profession pour qui, aujourd'hui, les temps sont durs. Depuis 1997, les officines souffrent d'un malaise qui va en s'aggravant. Le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique et la consommation moyenne de médicaments (200 DH par personne et par an) stagnent depuis plusieurs années. «Les ventes du secteur sont de l'ordre de 4,5 milliards de DH, alors que le nombre des pharmacies a doublé, passant de 3 600 à 7 000. A ce rythme, les calculs sont vite faits», déplore Belhaj Soulami. Et d'ajouter : «Chaque année, 700 à 800 jeunes lauréats arrivent sur le marché avec la volonté d'ouvrir une officine…». Tous ces facteurs font que le chiffre d'affaires des officines a baissé en moyenne de 30 %, ce qui entraîne un certain nomadisme. Pour l'anecdote, un pharmacien installé à Oujda se retrouve aujourd'hui, après deux ou trois transferts, à Fès. «Ils optent pour le transfert car il est impossible pour eux de faire faillite étant donné que celle-ci entraîne une perte définitive de l'autorisation d'exercer», explique-t-on à la FNSP. L'appréciation de cette crise, de ses conséquences et des moyens d'en sortir, divisent toutefois les officinaux. Pour certains d'entre eux «il n'y a pas de visibilité et aucune solution ne peut être envisagée». D'autres, par contre, se veulent plus confiants et proposent des issues, notamment «l'introduction dans le projet de code de la pharmacie de la règle du numerus clausus pour mettre fin à la pratique du chaînage ( 300 m de distance entre deux pharmacies) et conditionner l'ouverture d'une officine au nombre d'habitants» Depuis 1997, le chiffre d'affaires de la profession stagne alors que, dans le même temps, le nombre de pharmacies est passé de 3 600 à 7 000. De plus, chaque année, 700 à 800 jeunes lauréats arrivent sur le marché. Signe des temps, le nomadisme : ne pouvant faire faillite sous peine de perdre leur autorisation d'exercer, certains pharmaciens ont opté pour le transfert de ville en ville.