La population est restée livrée à la peur et à l'incertitude durant tout le temps qu'a duré l'alerte. Les citoyens exigent le droit d'être informés sur les risques encourus par la ville et la conduite à tenir, en cas de catastrophe. Les maladies allergiques ont connu une recrudescence sur les 15 dernières années, selon des pharmaciens. Beaucoup d'enfants de Mohammédia ne sont pas allés en classe, le lendemain de l'incendie qui s'est déclaré jeudi dernier à la Samir. Ce n'était pas pour le plaisir de faire l'école buissonnière, mais parce qu'ils étaient traumatisés par l'ambiance d'une ville en émoi et la peur qui s'était emparée des adultes. «Mon neveu a eu une diarrhée carabinée et ma fille une insomnie». C'est là, pour toute réponse, la phrase jetée par un citoyen, joint au téléphone par La Vie éco. Ce vendredi-là, la fumée dégagée par le feu qui s'était déclaré dans un réservoir de la zone de stockage du raffineur remplissait encore le ciel de Mohammédia. Et il n'y avait pas que la fumée puisque le feu était encore de la partie. Il avait repris de plus belle, dans la matinée de vendredi, avant d'être enfin maîtrisé par plus de 200 éléments de la protection civile dont le gros des troupes était venu en renfort de Casablanca après que l'alerte eût été donnée. Aucune information sur la conduite à tenir en cas de danger Ce jeudi soir, dans les foyers de Mohammédia, le téléphone a sonné jusque très tard dans la nuit, après que la nouvelle de l'incendie – le deuxième en moins de neuf mois – se soit répandue dans le pays, comme une traînée de poudre. De nombreuses familles ont sérieusement songé à quitter la ville, le temps que tout danger soit écarté. Mais, nous dit Mohamed A., un habitant de la ville, «on ne savait même pas de quel côté partir, vu qu'aucun plan d'évacuation de la ville n'a jamais été porté à la connaissance de la population». En fait, le gros problème de Mohammédia est le manque d'information sur l'étendue et le degré des risques encourus par la ville en cas de sinistre et sur la conduite à tenir. Du reste, durant les heures qui ont suivi le drame, ni les autorités ni le raffineur n'ont, à aucun moment, songé à rassurer la population sur la situation. Mieux encore, Mme Layla S. avait appelé la préfecture ce jeudi, à 20 heures. «Alors que les flammes étaient déjà visibles, personne ne semblait être au courant que le feu était en train de ravager la Samir» , affirme-t-elle. Mais à Mohammédia, il n'y a pas que le danger industriel qui plane sur la ville. Le Dr Mohamed Aliata, pneumologue, résume la situation : «La ville côtière est déjà sujette à un taux d'humidité élevé, ce qui expose la population à des maladies respiratoires. A cela, il faut ajouter, l'installation en force d'industries polluantes, le manque d'espaces verts patent et la concentration de 300 000 habitants sur 40 km2. Cette conjonction de facteurs donne un mélange explosif, c'est le cas de le dire». Pour eux, il n'y a aucun doute que les maladies dues à un environnement nocif ont connu une évolution inquiétante. S'il n'y a aucune étude épidémiologique et pratiquement pas de statistiques pour appuyer cette thèse, la recrudescence des maladies allergiques, des détresses respiratoires, des rhinites, conjonctivites et autres dermatoses est une réalité palpable. «D'ailleurs, explique Abderrahim Chaouki, pharmacien, le soir même de l'accident, la pharmacie de garde a vendu 40 boîtes de Ventoline (dilatateur bronchique) en une heure». « Et, ajoute-t-il, si les habitants de Mohammédia disent que leur ville est «cortico-dépendante», ce n'est pas que pour rire». Et le pharmacien de renchérir : «Ma femme, 18 ans après mon installation ici, est devenue asthmatique et ma fille, qui a 15 ans, est en train de développer une allergie». Bien entendu, conclut-il, «le manque de couverture médicale et l'insuffisance du pouvoir d'achat, conjugués à la défaillance de la santé publique, font que l'on reste au niveau de la gestion de crise. Le malade, en effet, n'ayant les moyens de financer ni la prévention ni une exploration avancée va droit vers les complications et les stades avancés de maladie.» 40 boîtes de Ventoline vendues en 1 heure par la pharmacie de garde Dans la région, il n'y a pas que Mohammédia qui souffre de la proximité des industries polluantes. Et c'est un autre pharmacien, installé, lui, à Aïn Harrouda, qui s'exprime sur le sujet : «Pour nous, avant la menace de dangers que fait peser sur nous la Samir, ce sont les odeurs nocives de la Régie des tabacs qui nous en font voir de toutes les couleurs. En tant que conseiller communal, je peux témoigner que dans ma région, c'est grâce aux élus locaux que nous avons obtenu que Lesieur Cristal réponde favorablement à nos injonctions à propos du respect de l'environnement. Chose que nous avons fait vérifier par les services d'hygiène. Mais au jour d'aujourd'hui, c'est le seul opérateur qui se soit plié à ces règles»