là , c'est Ramadan, et tout le monde est à cran. Les procureurs et leurs substituts le savent bien, et ne cherchent pas à sévir à tous les coups, mais plutôt à calmer les esprits, autant que possible. Sauf que ce sont aussi des êtres humains qui jeûnent et qui travaillent dans des conditions extrêmement pénibles Bon Ramadan à tous nos fidèles lecteurs. Le mois sacré s'est installé parmi nous, et, en ce début d'été, entraînant une douce léthargie qui s'empare de nos cités. Les commerces ouvrent plus tard, les horaires administratifs s'adaptent, pour prendre un rythme plus lent. Bref, c'est presque un début de vacances dans tout le pays. Mais comme diraient d'irréductibles Gaulois : «Tout le pays ? Que nenni : allez voir ce qui se passe du côté du Tribunal pénal d'Ain-Sebaâ» (et partant, dans tous les services des différents parquets du Royaume). Là, on ne chôme pas, au contraire ; on dirait même que les choses s'accélèrent! En effet, le parquet est traditionnellement le chef hiérarchique de la Police judiciaire. Celle-ci est chargée, entre autres missions, d'enquêter sur les crimes et délits commis, puis d'en déférer les auteurs devant les procureurs compétents. C'est une routine quotidienne, qui ne commence ni ne s'achève avec Ramadan. Cependant, ce mois précis atteint souvent des pics imprévus en matière de délits divers. Les gens sont sevrés : celui-là n'a pas eu son café matinal, l'autre est en manque de nicotine… Tout le monde est énervé, exacerbé, susceptible, et le moindre incident, le plus petit accrochage dégénèrent très vite, pour atteindre des niveaux dangereux. Ainsi, un automobiliste est présenté au procureur pour avoir menacé de mort en brandissant une hache prise dans le coffre de sa voiture, le conducteur qui le précédait, au motif que ce dernier aurait freiné un peu brusquement lorsque le feu tricolore est passé à l'orange ! Un autre conducteur, lui, se voit reprocher d'avoir traité de tous les noms, (et non des plus aimables), les agents verbalisateurs, qui lui reprochaient un stationnement en double file, occasionnant un sérieux embouteillage… En période normale, ces citoyens, par ailleurs braves et honnêtes pères de famille, n'auraient causé aucun problème : ils auraient gentiment obtempéré, engagé la palabre avec les agents… et auraient même peut-être eu gain de cause. Mais là, c'est Ramadan, et tout le monde est à cran. Les procureurs et leurs substituts le savent bien, et ne cherchent pas à sévir à tous les coups, mais plutôt à calmer les esprits, autant que possible. Sauf que ce sont aussi des êtres humains qui jeûnent et qui travaillent dans des conditions extrêmement pénibles dans les sous-sols du tribunal pénal : les couloirs sont engorgés de prévenus, certains menottés, d'autres pas ; l'endroit donne sur le garage du tribunal, où se succèdent à longueur de journées des estafettes pétaradantes, entrant en marche arrière pour déverser leur contenu de prévenus du jour, avant d'émettre en repartant un nuage de fumée noire, qui embaumera directement les bureau de présentation attribués au parquet ! On comprend alors aisément, pourquoi chez les substituts de service, la clémence et la mansuétude finissent parfois par voler en éclats. Mais continuons notre petit tour du service pénal, et éloignons-nous des zones «chaudes», que sont le sous-sol, la geôle (l'endroit où sont parqués, il n'y a pas d'autres mots, les citoyens /prévenus). Soit dit en passant, le fait de payer des impôts à l'Etat devrait au moins servir à aménager et améliorer ces espaces destinés à accueillir du public : le fait que ce public soit délinquant ne changeant rien au principe. Nous voilà donc devant les guichets ouverts au public, destinés à percevoir l'argent des amendes diverses: aussi bien celles relevant du Code de la route que celles administratives émanant du Trésor public ou des collectivités locales. Mais, c'est encore pire : le service d'ordre, insignifiant, est vite débordé, les gens rechignent à former une file d'attente, chacun s'égosille à prouver à son voisin qu'il était là avant lui… C'est la pagaille, et sur les huit guichets existants, seuls deux sont en service. On se demande alors s'il y a un pilote dans l'avion, si le président du tribunal est au courant des événements? Pourquoi le procureur en chef ne donne-t-il pas des instructions claires et précises ? Mais, heureusement, ce dernier a dû lire cet article dans ma tête, avant sa parution, car entre le début du Ramadan, et le moment où nous mettions sous presse, il y a eu une nette amélioration dans les services pénaux du tribunal, avec instauration de numéros d'attente, vigiles serviables et diligents, et grandes salles d'attente ouvertes au public. Il reste à espérer qu'en ce mois sacré, nos magistrats fassent preuve de clémence, en évitant d'avoir la main lourde lors des rendus de verdicts.