La contribution de ces nouveaux métiers marque un changement dans le modèle de croissance longtemps porté par les secteurs traditionnels. La montée en gamme et la diversification des débouchés sont indispensables pour pérenniser cette tendance. Le commerce extérieur affiche bonne mine au terme des quatre premiers mois de 2015. D'après les chiffres de l'Office des changes, les importations s'inscrivent en baisse de plus de 10%, à 123 milliards de DH, tandis que les exportations s'améliorent de 6,5%, à 72,2 milliards de DH. Cette embellie est imputable essentiellement à la baisse des prix des produits énergétiques. En effet, le prix moyen à l'importation de l'huile brute de pétrole a fondu de plus de 42%, ramenant la facture à 4,4 milliards de DH au lieu de 11,8 milliards pour la même période de 2014. De plus, en raison d'une récolte de blé record, les approvisionnements en blé ont dévissé de 34% en valeur (5,6 milliards DH contre 8,4 milliards) et de 31% en volume (2,2 millions de tonnes contre 3,2 millions). Toutefois, les économies ont été quelque peu rognées par l'accroissement des importations de biens d'équipement (7,7%), notamment les achats d'avions (2,8 milliards de DH), et l'augmentation des importations de produits bruts (15,3%) et de demi-produits (2,7%). Hors produits énergétiques et céréales, les importations enregistrent une hausse de 2,5%, ce qui veut dire que la baisse est conjoncturelle et n'annonce toujours pas un changement de la structure des produits importés. D'ailleurs, cette dernière n'a pas trop changé depuis bien des années. A fin avril, elle reste dominée par les demi-produits et biens d'équipements (47%), les produits finis de consommation (18%) et les produits énergétiques (16,4%). «L'économie reste soutenue par la demande intérieure dont les besoins sont généralement satisfaits par les importations face à un tissu industriel limité. Ce dernier pâtit de plusieurs carences, notamment un manque d'intégration des filières.Tandis que les industries manufacturières continuent de faire appel à l'import pour leurs intrants», explique un consultant en commerce international. Le Maroc gagne des parts de marché dans l'automobile En revanche, la bonne tenue des exportations confirme la montée en puissance des nouveaux métiers mondiaux du Maroc. En effet, hors phosphates et dérivés dont les exportations ont marqué un bond de 18,8%, le bon cru à l'export est imputable à un fort accroissement de 11,7% des expéditions de l'industrie agro-alimentaire (16 milliards de DH) et de celles de l'industrie automobile de 13%, à 15,9 milliards de DH, ainsi qu'à une légère amélioration des réalisations du textile et cuir (1%, à 11,5 milliards) et du secteur électronique (3%, à 2,7 milliards). Les exportations de ces nouveaux métiers auxquels s'ajoute l'industrie pharmaceutique comptent aujourd'hui pour environ 29% du total des recettes contre 21,5% en 2012. «Cette nouvelle contribution des secteurs industriels aux exportations marque un changement dans le modèle de croissance du pays qui a longtemps été porté par les secteurs traditionnels de l'agriculture et de l'extraction», analyse Sofia Tozy, économiste du Groupe Coface. Elle ajoute que l'économie marocaine opère un transfert vers des industries à plus grande valeur ajoutée. Ces dernières contribuent à l'amélioration des technologies, au renforcement du capital humain et à l'accroissement de l'expertise technique du pays. A l'évidence, la stratégie de diversification sectorielle par l'automobile et l'aéronautique semble porter ses fruits. La valeur ajoutée dégagée par l'industrie automobile à partir des réexportations s'élève à environ 10 milliards de DH. La part de marché mondiale du Maroc a atteint 0,23% en 2012, dépassant celles de la Tunisie (0,15%) et de l'Egypte (0,08%), contre 0,1% en 2007. Par ailleurs, bien que le développement de l'industrie agroalimentaire se soit fait de manière tardive et ne représente que 5% de la valeur ajoutée du PIB marocain, contre 15% pour l'agriculture, le Plan Maroc Vert commence à donner des résultats. «Au-delà d'une production agricole simple, il transforme toute la chaîne de valeur et s'oriente vers la création d'une agro-industrie», commente l'économiste Seltem Iyigun dans le dernier panorama de la Coface dédié à l'émergence du Maroc. Elle relève, toutefois, que le manque de valorisation en fin de filière demeure un des freins au développement de l'agro-business. Mais cette montée en puissance de nouveaux secteurs industriels à l'export ne doit pas faire oublier la réalité de l'industrie marocaine comme le soulignent les deux économistes de la Coface. Elles citent à ce titre l'exemple du textile. Malgré que ses exportations résistent, cette industrie a vu progressivement sa part dans la valeur ajoutée totale tomber de 4,7% en 2000 à moins de 3% en 2013. Et le nombre d'entreprises de la filière s'est fortement réduit. Le secteur est exposé à la concurrence des pays à bas coûts et la concentration des exportations textiles sur le marché européen le rend particulièrement dépendant de la croissance en zone euro qui peine à redémarrer. L'aéronautique, un exemple de montée en gamme Cela dit, une bonne part des exportations du Maroc reste constituée d'articles incorporant une très faible valeur ajoutée, d'où un défi majeur et urgent de monter en gamme pour que cette tendance amorcée puisse durer. L'aéronautique fournit un exemple très concluant à ce titre. Plusieurs entreprises du secteur ont progressivement commencé à produire des pièces à plus grande valeur ajoutée et leur travail devient aujourd'hui rodé. L'autre impératif pour le commerce extérieur marocain consiste en la diversification des partenaires commerciaux. «En dépit d'un très grand effet d'annonce faisant état d'un net revirement des opérateurs marocains vers les autres marchés, notamment africains, force est de constater que les principaux débouchés extérieurs demeurent prioritairement les marchés européens, notamment la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, ou encore émiratis et américains», souligne Hicham Alaoui Bensaid, directeur des engagements d'Euler Hermès Acmar. Et cette concentration n'épargne pas les nouveaux métiers. Par exemple, environ 90% des exportations automobiles du Maroc se font vers les pays de l'Union Européenne.