De 5 mois en 2013, ils peuvent atteindre une moyenne de 7 mois cette année, tous secteurs confondus. De plus en plus d'opérateurs préfèrent retarder les paiements pour placer l'argent dans des activités spéculatives hors de l'objet social de la société. La loi sur les délais de paiement très peu appliquée et déjà vidée de son contenu. Encore une année difficile à anticiper pour le milieu des affaires ! Les délais de paiement devraient continuer à s'allonger en 2015. C'est du moins la tendance anticipée par les professionnels du crédit fournisseur, du recouvrement et du factoring. «L'année 2015 sera délicate d'un point de vue économique. D'un côté, la réduction des dépenses d'investissement, de formation et de recherche & développement due à la crise devrait malheureusement entraîner un effet défavorable sur la compétitivité et les performances générales du tissu économique marocain. D'autre part, une réelle incertitude plane encore sur le marché, en raison notamment de la situation économique mondiale, et a fortiori dans certains pays de l'envergure de celle de la Russie», analyse Hicham Alaoui Bensaid, directeur des engagements chez Euler Hermès Acmar. Comme l'incertitude génère généralement un attentisme qui n'est jamais bon pour les affaires, les délais de paiement devraient s'allonger. Les spécialistes d'Euler Hermès estiment que tous secteurs confondus ils seront de 6 à 7 mois en moyenne! «Il n'y a encore à ce stade aucun élément à même de remettre en cause les 4,5% de croissance estimés pour l'année 2015 par de nombreux économistes, dont ceux du FMI. En revanche, un allongement des délais de paiement, en dépit de la croissance économique, est malheureusement à anticiper», précise Alaoui Bensaid. La propension des opérateurs à retarder les paiements est également anticipée par les spécialistes du recouvrement et du factoring dont l'activité est un réel baromètre des pratiques de paiement inter-entreprises. Selon Réda Krim, directeur développement du cabinet Reco-act, les retards de paiement vont s'aggraver en 2015, engendrant un risque de multiplication des faillites. «Hormis les facteurs exogènes en lien avec le contexte économique, nous constatons un véritable souci de gestion interne et un manque de rigueur chez les entreprises, notamment dans la tenue des PV, factures, bons de commandes…, ce qui bloque les règlements», souligne M.Krim. BTP, textile, industrie laitière et exportateurs d'agrumes sont à surveiller en 2015 De son côté, un patron d'une filiale de factoring de la place prévoit des délais de paiement étirés d'un cran ou, au mieux, contenus au même niveau qu'en 2014 avec une croissance positive mais plus modérée de l'activité du factoring au titre de 2015. Le secteur détient aujourd'hui un portefeuille de créances de plus de 35 milliards de DH. Plusieurs secteurs sont donc à surveiller en 2015. En tête de file des «mauvais élèves» en termes d'historiques de paiement figure le secteur du BTP, en raison, d'une part, de la contraction de la demande privée, qui induit des avances de moins en moins importantes de la part des clients et une certaine frilosité de la part des bailleurs de fonds (banques notamment) et, d'autre part, de retards de paiement assez récurrents de certains donneurs d'ordre publics. «Par ailleurs, nous constatons de plus en plus de retards de paiement assez importants chez des opérateurs de la filière agroalimentaire, particulièrement dans les secteurs du lait et des agrumes, avec, en toile de fond, la situation en Russie comme principal facteur déclencheur et/ou aggravant», fait remarquer le directeur des engagements d'Euler Hermès. Pour le directeur développement de Reco-act, le secteur du textile est également à observer en 2015 vu les difficultés structurelles de plusieurs entités y exerçant. Toutefois, les experts soulignent qu'il s'agit là d'une règle générale, et certains opérateurs des secteurs à surveiller ont été et continuent d'être d'excellents payeurs. En revanche, selon Alaoui Bensaid, il est difficile d'évoquer des secteurs qui sortiraient positivement du lot, puisque par atavisme culturel, par volonté de placer son argent dans des activités spéculatives très éloignées de l'objet social de la société, mais aussi par attentisme, il est récurrent de retarder le règlement des fournisseurs, même si la trésorerie de l'entreprise est saine. Parce que dans un climat économique tendu, les créanciers préfèrent supporter des retards plutôt que de perdre des clients.