Les recettes des IDE ont baissé de 39% sur la première moitié de 2014. Mais le Maroc a accumulé un tel stock d'investissements étrangers que les revenus générés par ceux-ci commencent à peser sur le solde courant de la balance des paiements. Les recettes des investissements directs étrangers (IDE) au Maroc, sur la première moitié de l'année en cours, ont baissé de 39%, à 14,2 milliards de DH, selon les dernières statistiques de l'Office des changes. Dans cette conjoncture où le pays a un important besoin de financement extérieur, cette régression des IDE est évidemment une mauvaise nouvelle qui est venue s'ajouter à la stagnation des envois des MRE et à peine au frémissement des recettes touristiques. Et cependant, dans ce recul, il y a sans doute un effet de base qui a accentué quelque peu la proportion de repli, puisque l'année précédente, les IDE avaient progressé significativement : + 36,6 milliards de DH pour l'ensemble de l'exercice, soit une moyenne de 18,3 milliards par semestre. Au-delà de l'impact sur la balance des paiements, cette baisse des IDE, qui est évidemment provisoire à ce stade de l'année, n'est, au fond, pas si grave que cela. Pour une raison simple: le Maroc a accumulé un tel stock d'investissements étrangers, pas seulement directs d'ailleurs mais également de portefeuille et autres, que ces derniers produisent des revenus qui, de plus en plus, pèsent précisément sur la balance des paiements. En 2013, par exemple, les revenus des investissements étrangers au Maroc et qui ont été transférés vers les pays d'origine sous forme de dividendes, s'élevaient à 14 milliards de DH. Un an auparavant, soit l'année où le déficit courant avait atteint 10% du PIB (ou 80,6 milliards de DH), le montant des dividendes transférés était de l'ordre 20 milliards de DH. Autrement dit, un quart du déficit du compte courant était dû à ces revenus. Tout cela est évidemment bien normal, puisque les investissements ont vocation à produire des revenus. Le problème en l'occurrence est que les investissements marocains à l'étranger sont assez modestes, générant des revenus tout aussi modestes, ce qui rend cette balance du compte courant structurellement déficitaire. En effet, l'encours des investissements étrangers au Maroc, toutes catégories confondues, s'élevait à 773,8 milliards de DH à fin 2013, dont 418,2 milliards d'investissements directs, 27,4 milliards d'investissements de portefeuille et 328,2 milliards d'autres investissements (crédits commerciaux, prêts, dépôts bancaires, etc.). Tout cela génère des revenus dont seulement une faible portion est réinvestie. Et ce n'est pas un hasard si dans la terminologie universelle en usage dans le traitement des comptes extérieurs, ces investissements sont qualifiés d'engagements ; autant dire des…dettes qu'un pays a vis-à-vis de l'extérieur. La position extérieure du pays est déficitaire à hauteur de 64% du PIB Face à ces engagements, le Maroc a des avoirs qui se montent à 216,45 milliards de DH à fin 2013. Il se trouve que plus de 72% de ce montant, soit 157 milliards de DH, sont en fait des avoirs de réserve dans lesquels on puise pour régler les factures d'importations, payer les charges de la dette extérieure, etc. Les investissements directs du Maroc à l'étranger, eux, ne dépassent pas 20 milliards de DH, soit 9% de l'ensemble des avoirs. Le reste se répartit entre investissement de portefeuille (5,1 milliards de DH) et autres investissements (34,4 milliards de DH) sous forme de crédits commerciaux et de dépôts bancaire privés notamment. Dans ces conditions, les revenus marocains ne peuvent être que modestes, voire symboliques (quelques dizaines de millions et parfois de centaines de millions de DH), au regard de ceux générés par les investissements étrangers au Maroc. Dans tous les cas, l'importance des engagements du Maroc par rapport à ses avoirs fait qu'aujourd'hui la position extérieure nette du pays est déficitaire de 557,3 milliards de DH, ce qui correspond à 63,8% du PIB. Sur ce point, et selon un benchmark réalisé par l'Office des changes, le Maroc a un ratio de déficit (de la position extérieure) supérieur à celui de nombreux pays, comme par exemple la Turquie, l'Egypte, le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Indonésie ou encore la Malaisie. D'aucuns pourraient penser que la position extérieure globale (PEG) d'un pays n'a pas plus d'importance que celle de fournir une information aux médias et aux chercheurs, partant de la considération que l'hypothèse qu'un pays soit brutalement sommé d'honorer ses engagements est pure hypothèse d'école. En fait, cela n'est vrai qu'en partie : il existe des engagements de court terme (investissements de portefeuille, crédits commerciaux, dépôts bancaires…) qui, comme tels, doivent pouvoir être honorés rapidement. Et ceux dont le métier est de confectionner les comptes extérieurs, en particulier celui-là, établissant en effet un ratio qui permet de mesurer le poids des engagements à court terme d'un pays dans ses avoirs de réserves, et, ainsi, le degré de vulnérabilité de son économie. Au Maroc, les engagements à court terme représentent quelque 60% des avoirs de réserve, au lieu de 37% en 2010, par exemple. Les chiffres de l'Office des changes montrent cependant que cette évolution s'explique moins par une hausse fulgurante des engagements à court terme, que par une baisse importante des avoirs de réserve, en particulier en 2012. Il faut signaler quand même que cette année, ces avoirs de réserve se sont notablement redressés, s'établissant vers la mi-juillet à plus de 177 milliards de DH, soit l'équivalent de 4 mois et 20 jours d'importations de biens et services, au lieu d'un peu plus de 3 mois l'an dernier. De fil en aiguille, on retombe dans l'éternelle problématique de la performance des exportations : comment faire pour que les rentrées de devises atteignent un niveau qui permette non seulement de couvrir les besoins de la demande intérieure –à peu près la seule variable qui tire la croissance pour l'instant– mais aussi les engagements à court terme du pays ?