La grève des 13 et 14 mai a remis sur la table l'une des problématiques majeures du secteur, à savoir la multitude des représentations des professionnels. La décompensation du carburant, un autre prétexte des transporteurs pour contester la restructuration du secteur. Les pouvoirs publics désarmés face à l'informel qui persiste ou même gagne du terrain. On n'est pas encore près de voir les professionnels du secteur du transport parler d'une même voix. La grève prévue mardi et mercredi dernier a en effet confirmé que l'un des maux majeurs dont souffre la profession est celui de sa représentativité. Rappel des faits. Le 5 mai, la Fédération du transport portuaire de marchandises annonçait l'organisation de deux jours de grève en vue de protester contre le mutisme des pouvoirs publics face à leurs doléances. Quelques jours plus tard, un communiqué du Syndicat du transport routier annonçait son soutien à la grève en appelant les autres branches du secteur à se rallier à ce mouvement. Pour les premiers, les revendications concernent plusieurs volets. D'abord, et c'est un point partagé avec les autres segments du secteur, l'augmentation des coûts du gasoil ces derniers mois a mis en difficulté plusieurs opérateurs et le retard accusé par les pouvoirs publics dans la mise en œuvre des mesures d'accompagnement promises a aggravé la situation. Ensuite, pour les transporteurs portuaires, il existe aujourd'hui une sorte d'injustice entre eux et les opérateurs affiliés à l'Etat, comme la Société nationale de transport et de logistique (SNTL) ou l'Office national des chemins de fer (ONCF). Ces derniers bénéficieraient, de par leurs liens capitalistiques avec l'Etat, d'un soutien auquel les autres opérateurs ne peuvent prétendre. Enfin, la troisième grande revendication concerne la gare routière spécialement dédiée à ses opérateurs et promise par les pouvoirs publics. Les autres revendications du Syndicat du transport routier concernent l'affiliation des professionnels à la CNSS et la construction d'aires de repos spécifiques. Ils dénoncent également la rigueur jugée non justifiée dont feraient preuve les autorités de contrôle. Mais cette solidarité affichée au moment de l'annonce de la grève s'est rapidement effritée. Lundi 12 mai, soit la veille de la grève, un communiqué de la fédération du transport affilié à la CGEM et regroupant plusieurs sous-fédérations, appelait les opérateurs à suspendre le mouvement. «Suite à l'engagement des pouvoirs publics d'entamer les discussions avec les professionnels pour répondre à leurs revendications, la fédération du transport au sein de la CGEM appelle à la suspension de la grève», pouvait-on lire dans un document diffusé par la FT-CGEM auprès des professionnels. Les transporteurs portuaires ne l'ont pas entendu de la même oreille comme on a pu le constater à l'heure où nous mettions sous presse. «Nous avons soumis la demande de la FT-CGEM aux opérateurs portuaires qui ont finalement décidé de maintenir le mouvement vu qu'aucune partie officielle ne s'était directement adressée à eux», explique-t-on auprès de la fédération du transport routier portuaire. En fait, selon plusieurs opérateurs opérant dans ce segment, l'appel à la suspension de la grève n'était pas justifié par une quelconque promesse des pouvoirs publics, mais plutôt par le souhait de ne pas faire de l'ombre à la cérémonie de signature des contrats d'application sectoriels de la stratégie logistique qui était programmée mardi 13 dans la zone de Zenata (et donc à proximité du port) en présence du Souverain. C'est ce qui explique que tout le monde n'a pas répondu favorablement à l'appel de la FT-CGEM. Difficile de satisfaire tout le monde C'est dire que chacun tire la couverture de son côté dans le secteur du transport. Cette situation est particulièrement problématique vu le nombre important d'organisations qui se disent représentant les professionnels du secteur. Dans ce contexte, il est difficile, même pour les pouvoirs publics, de se mettre autour de la table avec les professionnels pour décider des mesures à mettre en place pour sortir le secteur du transport de sa léthargie. Preuve en est, depuis son investiture à la tête du ministère du transport, Mohamed Najib Boulif a organisé une série de réunions avec les opérateurs en vue, d'un côté, de préparer le contrat programme relatif au transport routier de voyageurs, et, d'un autre côté, faire le point sur les réalisations des dix ans de réforme du transport de marchandises pour ajuster ce qui mériterait de l'être. Mais face à la multiplicité des représentations du secteur, les revendications se multiplient. De quoi compliquer la mise en œuvre des mesures souhaitées. Plusieurs mois après, le secteur attend donc toujours ces mesures de relance, ce qui laisse le terrain libre à l'informel et aux opérateurs non structurés pour gagner encore du terrain. «Avec les récentes hausses du gasoil, l'informel n'a fait que s'accroître dans le secteur, plusieurs opérateurs tentant d'en faire un moyen de limiter au maximum la casse», confirme un transporteur. Mais avant de mettre tout sur le dos d'une partie, il faudrait peut-être songer à se remettre en question, à s'organiser.