De 2009 à 2012, le nombre des assujettis à l'IR déclaratif a baissé de 34,4%. La population fiscale, tous impôts confondus, a augmenté de 6,3% depuis 2009. Le gros des contribuables soumis à l'IS est constitué de TPE. Le gouvernement a du pain sur la planche. Sur les dix premiers mois de l'année 2013, les recettes fiscales ont baissé de 1,9% (-2,8 milliards de DH). A la même période de 2012, elles avaient augmenté de 6,1% (+8,3 milliards de DH). Pour que les recettes fiscales prévues (179,4 milliards de DH) dans la Loi de finances de 2013 soient réalisées, il faudrait que sur les deux derniers mois de l'exercice (novembre et décembre) les rentrées atteignent au moins 38 milliards de DH ; sachant que le gouvernement avait, lui, prévu une hausse de 5,1% ! Evidemment, tout est encore possible, en théorie du moins, mais la conjoncture dans le secteur non agricole a beaucoup ralenti cette année, ce qui est d'ailleurs, en grande partie, à l'origine des baisses des versements effectués par les gros contribuables (OCP, Maroc Télecom…) jusqu'à fin octobre. Et si cette contre-performance des recettes fiscales se poursuivait au cours des mois de novembre et décembre, l'année 2013 serait, avec 2009, les deux années au cours desquelles les recettes fiscales ont enregistré une évolution à la baisse ces huit dernières années (depuis 2005 exactement). Auquel cas, la prévision de déficit budgétaire (5,5% du PIB) ne serait pas atteinte. Mais, globalement, ces cinq dernières années (soit depuis 2007), les recettes fiscales, malgré la baisse de 2009, ont tout de même évolué à un rythme proche du PIB courant, soit 7,6% en moyenne annuelle, contre 6,5% les années précédentes (2000-2006). Ce qui indiquerait l'existence d'une certaine sensibilité des recettes fiscales à la croissance économique. Cette corrélation reste cependant encore faible. Ce qui paraît plus déterminant dans l'accroissement des recettes fiscales, c'est plutôt le travail de l'administration fiscale, en termes de recouvrement, mais aussi l'augmentation du nombre de contribuables (c'est-à-dire l'élargissement de l'assiette). Quelques chiffres pour illustrer le propos. Entre 2008 et 2012, les recettes générées par le contrôle fiscal sont passées respectivement de 5,44 milliards de DH à 7,9 milliards de DH. C'est une hausse de 45% sur quatre ans. La population fiscale, tous impôts confondus, a, elle, progressé de 18,9% entre 2009 et 2012, en passant de 7,74 millions à 9,2 millions entre les deux dates. Malgré ces améliorations, il reste beaucoup à faire, en particulier en matière d'élargissement de l'assiette. Et ceci passe non seulement par la refonte de la fiscalité dérogatoire (ce qui se fait, certes, lentement depuis 2005), mais aussi et surtout par l'intégration de l'informel dans le circuit organisé et, plus généralement, la lutte contre ceux qui, par un moyen ou un autre, se soustraient à l'impôt. D'abord, en matière d'impôt sur le revenu (IR) : le nombre de contribuables à cet impôt augmente d'année en année, atteignant à fin 2012 environ 4,5 millions, selon les statistiques de la Direction générale des impôts (DGI). Cette hausse est cependant le fait de salariés, dont le poids dans l'ensemble des contribuables à l'IR était de 91,5% à fin 2012, et leur part dans la recette de cet impôt de 72,5%. En d'autres mots, et le constat est connu, l'IR repose principalement sur les salariés. Mieux (ou pire), la recette de l'IR provenant des salaires est assurée par moins de la moitié (47% exactement) des salariés assujettis à l'IR ; le reste, 53%, en sont exonérés. Tant mieux, diront d'aucuns. Mais ceci pose à l'un ou l'autre les problèmes suivants : ou bien les salaires sont faibles au point que plus de la moitié se situent dans la tranche exonérée ; ou alors, tout n'est pas déclaré, et cela soulève la question du contrôle. La situation actuelle, en tout cas, pénalise les entreprises et les salariés qui choisissent la transparence. Selon le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le système fiscal marocain, publié en novembre 2012, la pression fiscale et sociale atteint 22% pour les salaires proches du SMIG et grimpe à 44% (taux effectif et pas facial) pour les salaires élevés (au-delà de 60000 DH par mois). Et dans cette estimation, le CESE ne tient compte, pour les charges sociales, que des cotisations obligatoires dans le secteur privé. La prise en compte d'autres charges, comme la retraite complémentaire (ce qui est souvent le cas dans les grandes entreprises), fait monter la pression fiscale et sociale aux environs de 50%. Le nombre de contribuables à l'IS multiplié par 2,2 depuis 2005 On peut penser que ces prélèvements fiscaux et sociaux -même s'ils demeurent relativement corrects, surtout pour les salaires élevés- pourraient être allégés si tout le monde s'acquittait de cet impôt. En rapprochant les chiffres de la DGI de ceux du Haut commissariat au plan (HCP), établis dans son enquête sur l'emploi, on s'aperçoit en effet qu'il y a un écart entre les deux : tandis que les contribuables salariés de la DGI sont un peu moins de 4 millions (y compris les salariés exonérés), la population active occupée ayant le statut de salarié dans l'enquête du HCP s'élevait à fin 2011 à près de 4,6 millions de personnes (les chiffres de 2012 n'étant pas encore disponibles sur cette question). Il y a donc quelque 600 000 salariés qui n'apparaissent pas dans les tablettes du fisc. Cependant, ce sont les assujettis à l'IR professionnel qui semblent encore rétifs à l'acquittement de leurs obligations fiscales. Toujours selon les chiffres de la DGI, les contribuables à l'IR déclaratif étaient au nombre de 481 523 à fin 2012, au lieu de 734 262 en 2009. C'est une baisse de 34,4%. Mais dans la mesure où le terme «IR déclaratif» regroupe sans doute l'impôt sur le revenu des professions libérales et l'impôt sur les revenus du capital (les plus-values mobilières et immobilières, les revenus fonciers, les dividendes et les intérêts), on ne sait trop quelle est la part des uns et des autres dans la baisse de cette population fiscale. Les contribuables à l'impôt sur les sociétés (IS), en revanche, augmentent chaque année. Ils étaient 206526 au terme de l'année 2012, au lieu de 155605 en 2009 (+32,7%). Par rapport à 2005, le nombre de contribuables à l'IS a été multiplié par 2,2. C'est un progrès considérable. Sans doute, faut-il y voir, en particulier, le résultat du travail de l'administration et de la baisse du taux de l'IS intervenue ces dernières années : en 2008, baisse de 35% à 30% pour l'IS de droit commun et de 39,6% à 37% pour le secteur financier, et en 2011 institution d'un IS de 15% pour les sociétés réalisant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 3 millions de DH hors taxe sur la valeur ajoutée. Pour autant, trois problèmes restent posés à ce niveau. D'une part, le gros (78%) des contribuables à l'IS sont des toutes petites entreprises (TPE), leur contribution est donc minime. D'autre part, la pratique du résultat déficitaire atteint des proportions insoupçonnées : 60% des assujettis à l'IS, soit 115 000 entités, déclarent un déficit de manière répétitive, selon le rapport du CESE. Cela explique que 80% des recettes de l'IS sont payées par 2% des contribuables à cet impôt. Enfin, le secteur informel, malgré les invitations qui lui sont adressées, rechigne à rejoindre le circuit organisé. L'abaissement de l'IS à 15%, par exemple, a été décidé dans ce sens. Cela n'a pas été un coup d'épée dans l'eau, certes, mais on aurait pu s'attendre à mieux (voir encadré). Grosso modo, les progrès sont évidents mais insuffisants. D'autant que les recettes du Budget de l'Etat ont tendance, si ce n'est déjà le cas, à se réduire aux recettes fiscales.