Le secteur regroupe un peu plus de 1 800 professionnels, dont l'essentiel est installé sur l'axe Casablanca-Rabat. Les boutiques des quartiers huppés se rattrapent sur les verres solaires et les montures de luxe. Les temps sont durs pour les opticiens. Entre un marché informel florissant et certaines pratiques décriées, difficile de garder la tête hors de l'eau. Ils sont pourtant un peu plus de 1 800 praticiens, essentiellement concentrés sur l'axe Casablanca-Rabat, à exercer dans un secteur caractérisé par le clivage entre les grands magasins des quartiers chics et des grands centres commerciaux et ceux moins bien lotis des magasins de quartiers. Pour devenir opticien, il faut avoir suivi des études (généralement un cursus de 4 ans) sanctionnées par l'obtention d'un diplôme, délivré par l'Etat ou par certaines écoles d'enseignement privé pour la spécialité opticien-optométriste, suivi d'un stage obligatoire. C'est toutefois l'autorisation délivrée par le Secrétariat général du gouvernement (SGG) qui donne le droit d'ouvrir un magasin. Et c'est là que tout se joue car c'est de l'emplacement et du fonds de commerce de la boutique que dépendront les recettes. «Les magasins dits des grands quartiers ou ceux implantés dans les centres commerciaux jouent sur l'emplacement pour afficher des prix supérieurs à la concurrence, mais cela peut se comprendre par le bail onéreux qu'ils supportent», explique un opticien de la place. En effet, avec des montures pouvant atteindre jusqu'à 20 000 DH, il suffit de deux transactions par jour pour se faire un chiffre d'affaires mensuel des plus confortables. Ces mêmes magasins réalisent plus de 85% de leur activité avec les verres solaires et une clientèle majoritairement composée de touristes ou de clients ponctuels. A l'opposé, les magasins d'optique situés dans les quartiers moins huppés accusent durement le coup. En effet, les prix arrêtés et la nature des transactions (essentiellement du verre optique) ne leur permettent pas d'entrer dans leurs frais car les charges à supporter sont importantes. Entre le local, les machines de mesure qui peuvent coûter pour les plus perfectionnées jusqu'à 400 000 DH et le stock de marchandises, l'opticien se retrouve parfois réduit à demander des facilités de caisse à son fournisseur. «Il y a également des périodes de l'année où l'activité baisse pour les mieux positionnés et où elle meurt complètement pour les moins lotis. Ce sont habituellement les périodes où le Marocain engage le plus de frais comme la rentrée et les vacances scolaires sans compter Ramadan et dans une moindre mesure Aïd Al Adha», explique Hidaa Jadid, opticienne à Bourgogne. Nikon et Essilor sont les marques de verre les plus vendues Travaillant la plupart du temps sur ordonnance pour le verre optique avec la clientèle du quartier, les opticiens des quartiers annoncent des prix plus abordables. Il n'empêche que toute leur marchandise respecte les normes de sécurité. D'ailleurs, la quasi-totalité du matériel est importée de l'étranger. Luxo Maroc reste le plus important fournisseur marocain de montures (près de 90% des importations), suivie de Luxottica et de Safilo, entreprises italiennes spécialisées. Pour le verre, trois marques différentes sont au podium : Nikon qui est la marque la plus chère mais également la plus qualitative suivie de la marque française Essilor, plus connue par les clients, et des deux marques allemandes Rodenstock et Zeiss. Il est très difficile d'estimer le prix du verre optique puisque cela dépend de l'ordonnance, l'opticien travaille la plupart du temps au cas pour cas. Pour un verre simple foyer, les prix commencent à 200 DH et peuvent atteindre les 1 200 DH. Le verre progressif débute, lui, à 2 500 DH pour atteindre dans certains cas 16 000 DH. Evidemment, plus le verre nécessite d'opérations (amincissement, traitement antireflets…), plus la facture s'alourdit. Les montures peuvent aller de 600 à 3 500 DH dans les magasins de quartier tandis que les prix commencent à partir de 1 500 DH dans les magasins plus luxueux pour atteindre les sommes faramineuses de 20 000 DH. Les prix des lentilles évoluent également dans une très large fourchette, selon la nature et la marque. Une paire d'une durée d'utilisation d'un mois coûte 200 à 600 DH. Le marché de l'informel reste cependant le cauchemar des opticiens. «Ils opèrent avec des produits importés de Chine ou de Taiwan. Le plus grave, c'est que certains remplissent même les assurances pour le remboursement», dénonce un acteur du secteur. Pour y remédier, on avait évoqué à un certain moment l'idée d'affecter un code à chaque opticien pour que les compagnies d'assurance puissent les identifier mais la mesure est facilement contournable. Ce qui est également dangereux, c'est que les produits sont de qualité douteuse et à terme peuvent entraîner des problèmes de vue. «Certains clients viennent me voir pour des allergies dues au nickel sur certaines montures de mauvaise qualité. Ces dernières sont achetées à 5 ou 10 DH et sont revendues entre 70 et 200 DH», souligne Hidaa Jadid. Sans oublier les simples réparateurs de montures qui se prétendent opticiens. Dans un autre registre, le métier souffre également de certaines pratiques illégales de médecins ophtalmologues qui vendent des montures et des lunettes à leurs patients.