Le Code de procédure pénale stipule que toute personne interpellée a droit à l'assistance d'un avocat, aussi bien dans les locaux de police que devant le parquet. Dans la réalité, tout prévenu qui ose se prévaloir de ce droit se voit invariablement répondre par les fonctionnaires en service : "C'est cela oui ; tu te crois aux Etats-Unis ?". Ces mêmes fonctionnaires poussent même le vice jusqu'à mentionner dans les PV que, "averti de ce droit, le prévenu décline son usage". Normal ? Non, mais quotidien. La question n'est pas anodine, et mérite réflexion. Depuis quelque temps, il est question de «réformes profondes concernant le monde judiciaire». Par la presse, le citoyen apprend que le ministère de la justice (et, accessoirement des libertés) compte déposer pas moins de 26 propositions de lois visant des domaines variés. Dans les médias nationaux, il est continuellement rappelé, voire un peu rabâché, que le Maroc progresse dans l'édification d'un «Etat de droit». Les déclarations de principe n'ont jamais fait de tort à personne, mais qu'en est-il vraiment dans les faits ? Le Code de procédure pénale stipule que toute personne interpellée a droit à l'assistance d'un avocat, aussi bien dans les locaux de police que devant le parquet. Dans la réalité, tout prévenu qui ose se prévaloir de ce droit se voit invariablement répondre par les fonctionnaires en service : «C'est cela oui ; tu te crois aux Etats-Unis ?». Ces mêmes fonctionnaires poussent même le vice jusqu'à mentionner dans les PV que, «averti de ce droit, le prévenu décline son usage». Normal ? Non, mais quotidien. La loi décrète que toute requête introduite devant un tribunal est assujettie à une taxe judiciaire proportionnelle aux montants en litige. La loi précise que cette taxe recouvre TOUS les frais de justice (convocations des parties, huissiers de justice, expertises éventuelles, frais de notification, etc.) jusqu'à l'obtention d'un jugement sur le fond. Pourtant dans la pratique, le justiciable (via son avocat) acquitte, en plus de ladite taxe, la rémunération des huissiers pour les convocations, une autre pour les exécutions, les frais d'expertise, voire de contre-expertise. De plus, si par inadvertance, oubli ou erreur, la requête initiale est jugée «irrecevable en la forme», ce qui peut arriver (l'erreur étant humaine) en théorie, il n'y a qu'à rectifier le motif d'irrecevabilité, puis représenter une seconde requête sans acquitter à nouveau la taxe judiciaire, car il ne s'agit pas d'un rejet sur le fond, mais d'un simple jugement sur la forme. La loi est claire, mais non appliquée : on exige du citoyen de repayer la taxe judiciaire. Normal ? Non, mais fréquent. La loi prévoit que le doute doit profiter à l'accusé, et que l'incarcération doit demeurer une exception. La loi invite les magistrats à privilégier les mesures alternatives, plutôt que la privation de libertés : paiement d'une garantie, dépôt d'un montant en caution, contrôle judiciaire… Dans les faits, nos juges et procureurs n'ont qu'un credo : tous au trou ! Aussi bien pour un chèque impayé de trois mille dirhams que pour l'assassinat de deux personnes ; pour une pension alimentaire impayée, ou pour faux et usage de faux, par exemple. Résultat : la surpopulation carcérale atteint des sommets, alors même que plus de 56% des détenus sont encore en attente de jugement, donc présumés innocents. La loi, justement, impose aux juges qui embastillent à tout-va (ainsi qu'aux procureurs qui font de même) de procéder à des visites régulières dans les prisons afin de s'assurer de la saine application des mesures relatives à l'emprisonnement. Or, il est fréquent que des juges atteignent l'âge de la retraite sans avoir jamais mis le bout du nez dans une prison. Normal ? Non, mais usuel. La loi dispose que le chèque est un moyen de paiement courant, fixe les modalités de délivrance des chéquiers, et prévoit des peines d'emprisonnement et/ou d'amendes en cas de chèque sans provision. Sauf que les administrations publiques (préfectures, Conservation foncière, hôpitaux, Trésor public) refusent systématiquement tout paiement par chèque, ainsi que les gendarmes ou les policiers pour les amendes. Normal ? Non, mais courant. La loi interdit de fumer dans les locaux de l'administration. Ce qui n'empêche nullement les fonctionnaires, les usagers, les citoyens d'en griller une en toute impunité à l'intérieur des tribunaux, hôpitaux, commissariats ou autres, malgré la présence d'affiches (timides) décrétant l'interdiction. Normal ? Non, mais habituel. Ceci est donc le comportement habituel des services publics, mais qu'en est-il des citoyens ? (A suivre). Et bonne année 2013 aux fidèles lecteurs de La Vie éco.