Une panne informatique a imposé le report de la clôture du congrès en offrant une trêve aux Ittihadis pour pouvoir recoller les morceaux. L'élection du bureau politique et du comité administratif devrait avoir lieu les 12 et 13 janvier. Ils ont tout fait pour l'éviter. Pourtant, les Ittihadis sont tombés dans le même piège que l'Istiqlal avec un congrès qu'ils n'ont pas réussi à finaliser faute de consensus. Il faut dire que pour certains de nos partis, la démocratie interne est, semble-t-il, un remède qui ne peut s'administrer qu'à doses homéopathiques. Jamais d'une seule traite. Aussi, après cette première dose, l'élection du premier secrétaire, le corps ittihadi s'offre-t-il une trêve de plusieurs jours, probablement quelques semaines même, avant de reprendre les travaux de leur IXe congrès (14, 15 et 16 décembre) pour s'administrer une deuxième dose. Celle de l'élection du comité administratif et, certainement, une troisième avec la désignation du bureau politique. Sur décision d'Abdelouahed Radi, toujours président du congrès, l'élection du comité administratif, le nouvel organe qui reprend du service, est reportée à une date ultérieure. Officiellement à cause «d'une panne technique» qui a mis hors service le dispositif informatique mis en place pour les élections des instances du parti. «Cette panne est réelle. Les listes des électeurs n'ont pas été correctement informatisées et les badges de certains congressistes comportent des informations personnelles erronées», affirme une source bien informée du congrès. Ce n'est donc pas une excuse pour retarder la constitution des organes du parti, insiste ce cadre du parti. Mais disons que c'est un incident qui sauve le parti. Initialement, la désignation des 300 membres de la nouvelle plus haute instance décisionnelle, le comité administratif, était prévue pour samedi dernier, juste après l'élection du nouveau premier secrétaire. Election qui, elle, n'a pris fin que dimanche dans l'après-midi avec, comme tout le monde le sait, la consécration d'un parcours de plus de 40 ans du militant Driss Lachgar (il a rejoint la jeunesse scolaire de l'UNFP en 1970, à l'âge de 16 ans). Peu après la nomination du nouveau premier secrétaire, élu à 848 voix, contre 650 pour son rival Ahmed Zaidi, les congressistes ont commencé à plier bagage. Certains en guise de protestation contre la défaite du challenger, Ahmed Zaidi. D'autres, et ils sont plus nombreux, sans raison autre que la fatigue. «Nous nous sommes rendus à l'évidence que nous ne pouvions pas élire un comité administratif représentatif de tous les Ittihadis par un collège électoral aussi réduit», explique notre source. Il faudra donc attendre le début du mois prochain pour réunir de nouveau les 1 721 congressistes pour l'élection d'un seul coup, et en deux temps, du comité administratif qui, à son tour, désignera le bureau politique. Un temps mort pour se ressaisir Mais, auparavant, les socialistes devront plancher sur une mission, et de loin décisive : le rassemblement des militants. Le candidat, Mohamed Talbi, qui s'est retiré de la course à la dernière minute, l'a clairement affirmé lors d'une brève intervention, samedi, après le speech électoral des quatre candidats : «C'en est fini avec les scissions, l'USFP ne peut plus s'en permettre une nouvelle». Une situation qui rappelle aux Usfpéistes de vieux souvenirs, quoique pas avec la même intensité. C'était en 2008 à l'occasion du VIIIe congrès. Il a fallu suspendre les travaux du congrès pendant plus de six mois, de juin à novembre 2008 pour tenter de recoller les morceaux. Le report des travaux du IXe congrès devrait permettre d'apaiser les esprits et donner le temps à ceux qui ont menacé de quitter le parti ou geler leurs activités de reconsidérer leurs intentions. Le premier secrétaire adjoint sortant, Fathallah Oualalou, s'est en effet éclipsé avant le démarrage du deuxième tour des élections alors que le chef du groupe parlementaire, Ahmed Zaidi, a quitté les lieux juste après sa défaite au deuxième tour. La réaction de ses partisans ne s'est pas faite attendre. Une bonne quinzaine de députés ont menacé de geler leur appartenance au groupe parlementaire (39 sièges) à la première Chambre. A d'autres militants, l'on prête l'intention de créer une association à caractère politique. C'est le cas des membres du bureau politique sortant menés par le démissionnaire Ali Bouabid et les anciens ministres Mohamed Achaari et Larbi Ajjoul. Cela a tout l'air d'un «déjà vu». Sauf qu'à ce stade, et en comparaison avec un autre congrès charnière, le VIe sanctionné par le départ en masse des militants et cadres de la CDT, des anciens cadres du parti et de la jeunesse, les «pertes» potentielles semblent cette fois-ci moins alarmantes. Et pour cause, la direction du parti s'est préparée à toutes les éventualités. C'est ce qui explique cette décision de l'actuel bureau politique, entérinée plus tard par le congrès, de maintenir ses membres en service jusqu'à l'élection du nouveau. De même, comme l'a annoncé Abdelouahed Radi, lui-même, le congrès n'est pas encore clos. Sa présidence reste, elle aussi, en place jusqu'à la formation des nouvelles instances dirigeantes. Le bilan : des pertes mais aussi des profits… En attendant, le parti fonctionnera à deux têtes, est-on tenté de constater. «Disons tout simplement que le bureau politique dans lequel Driss Lachgar porte le titre de membre-premier secrétaire, continuera sa mission jusqu'à une nouvelle date», explique ce cadre du parti. Pour ce dernier, la situation n'est en rien inquiétante, «puisque durant les deux ou trois semaines à venir, le parti ne serait pas amené à prendre des décisions cruciales». En cela, l'USFP aura bien appris la leçon de l'Istiqlal. Et ce n'est pas tout. Une commission de procédures a également été mise en place par décision du conseil national sortant pour, d'abord, veiller au strict respect des procédures au moment du congrès et, ensuite, faire office d'organe à solliciter en cas de recours. Cela évitera plus tard aux congressistes déçus de recourir aux tribunaux pour régler d'éventuels litiges. Encore, l'Istiqlal est passé par cette douloureuse expérience dont on ne connaît toujours pas l'issue. Cette première étape ayant été (difficilement) franchie, certains observateurs s'amusent déjà à dresser le bilan des pertes et profits. Une chose est sûre, l'USFP, et par ricochet la classe politique, a d'abord gagné en démocratie interne. Pour la première fois dans l'histoire du parti de la rose, les militants n'étaient pas invités à entériner le choix d'un «zaïm». Ils ont eu à véritablement choisir non pas entre deux candidats mais plusieurs qui se sont manifestés bien avant. Pour la première fois, l'identité du premier secrétaire n'était pas connue d'avance. Pour la première fois aussi, les candidats ont présenté un véritable programme, mené une campagne électorale, se sont adonnés au jeu du débat public et ont tout fait pour convaincre leur électorat. Pour la première fois, enfin, l'élection du premier secrétaire se fait dans la transparence et le strict respect des règles démocratiques. Il faut le reconnaître : sur le plan organisationnel ce IXe congrès est, malgré quelques petits couacs, une réussite. Seulement et comme toute médaille a un revers, ce congrès à sa face moins reluisante. Fait marquant chez les Ittihadis : Ce congrès a manqué de débat politique et idéologique. Les textes présentés au congrès ont été expédiés sans autre forme de débat. Cela, d'une part. D'autre part, il semble que l'individualisme l'aura emporté sur toutes autres considérations. Tous les débats en coulisse se sont focalisés sur l'identité du candidat à choisir et rien d'autre. Et pour finir, le souci de tout le monde était de faire partie des nouvelles structures. En atteste le nombre de candidatures exprimées pour siéger dans le comité administratif. Samedi dans la matinée, on dénombrait déjà 1 200 candidats pour les 300 sièges que devra compter cette instance. La moitié sera élue au niveau national et l'autre par les régions. Bien sûr, explique ce cadre du parti, la commission de qualification a fait son travail en allégeant considérablement les listes de candidatures. Et maintenant ? L'un des premiers engagements du nouveau premier secrétaire est de veiller à ce que l'élection du comité administratif se fasse dans le respect des règles de la démocratie et que l'ensemble des congressistes soit associé à sa constitution. «Je ne suis pas disposé à conduire l'USFP suivant une logique de coulisses», a-t-il dit dans l'une de ses toutes premières déclarations officielles. Ce qui fait dire à un dirigeant du parti que «les cadres les plus en vue se retrouveront certainement dans le nouveau bureau politique. Il n'est pas exclu de voir Habib El Malki nommé premier secrétaire-adjoint. Les partisans de chacun des quatre candidats devraient y siéger ainsi que, par la force des choses, des jeunes cadres». Driss Lachgar, lui-même, a insisté pendant toute la durée de sa campagne électorale sur sa volonté de privilégier une direction collégiale pour faire sortir le parti de la crise. «L'USFP a besoin de toutes ses composantes et compétences», a-t-il déclaré à plusieurs reprises. Cela dit, et personne n'en doute, il faudra désormais compter avec au moins deux courants clairement exprimés au sein de la nouvelle USFP. Voilà pour la gestion du parti. Qu'en est-il pour ses positions et politiques et son positionnement ? Une chose est sûre, l'USFP ne fera pas partie du gouvernement tant que les urnes n'en auront décidé ainsi. L'USFP reste donc dans l'opposition. Le parti et son projet de société sont aux antipodes de celui qui mène le gouvernement, le PJD en l'occurrence, dira-t-il en substance lors de son intervention devant les congressistes. Pour le nouveau premier secrétaire, l'USFP devrait plutôt se presser à «resserrer les liens avec ses véritables alliés». En ce sens, l'Istiqlal espère bien rouvrir le dossier de la Koutla maintenant que l'USFP dispose d'une nouvelle direction. Hamid Chabat en a manifesté maintes fois le souhait. Noureddine Moudiane, le chef du groupe parlementaire de l'Istiqlal, vient de réitérer l'appel. Sauf que pour l'USFP, «cette instance est mise en veille depuis que deux de ses membres, l'Istiqlal et le PPS, ont décidé de faire partie du gouvernement. Nous en reparlerons quand ces deux formations nous auront rejointes dans l'opposition», affirme ce cadre de l'USFP. A défaut, Hamid Chabat tente une autre approche, mais cette fois avec sa casquette de patron de l'UGTM. Il a en effet adressé une lettre à la direction de la FDT pour une éventuelle coordination entre les deux centrales. Bref, l'USFP semble se complaire dans son rôle de parti d'opposition. Mais, tient à préciser encore ne fois ce cadre du parti, «nous ne sommes pas tenus de nous constituer en coalition avec une quelconque autre formation de l'opposition». Pour ceux qui rêvent déjà d'un pôle démocratique progressiste formé de l'USFP, le PAM, les petits partis de la gauche et, éventuellement, le RNI, pour faire bloc face au pôle conservateur au gouvernement mené par le PJD et l'Istiqlal, il faudra encore attendre. «Tout rapprochement, dans les jours à venir, avec l'un des partis de l'opposition serait considéré comme une maladresse du nouveau premier secrétaire», affirme cette autre source de l'USFP. Pour le moment, la nouvelle direction focalise plutôt son attention sur la reconstruction du parti. Ce sera le chantier de 2013.