Depuis le 11 juillet, la Fabrique culturelle des anciens abattoirs reçoit le 7e art. Le documentaire est à l'honneur pour une série de projections prévue jusqu'au 27 juillet. Par les temps qui courent, on a tendance à taire nos envies cinéphiles. Entre atelier chebakiya et chaleur écrasante, les salles sombres sont surtout vides. Pire, à l'affiche, rien d'autre que la triste réalité du nouveau cinéma, aussi industrialisé que la première usine Ford. Toute l'affiche ? Non ! Car aux Anciens abattoirs, un village peuplé d'irréductibles culturophiles, résiste encore et toujours à l'envahisseur. Leur druide ? Aadel Essaadani, qui remplace potion par passion. Et la magie opère ! Chaque mercredi et vendredi jusqu'au 27 juillet, pour de belles veillées ramadanesques et cinéphiles, les abattoirs proposent des projections originales, répondant au doux nom de «Aji tfarraj fl'batoir». Lumières sur l'évènement. Du plein air et du documentaire Aux premiers abords, le programme est un poil décousu. On passe de documentaire à film d'animation, et le tout semble régi par une force obscure répondant à une véhémente cohérence. Dès qu'on s'approche de Mehdi Azdem, assistant à la coordination des activités de la Fabrique culturelle, on le voit, ce sens caché : «Pour le choix des films, on a essayé de diviser les projections pour deux cibles: jeune et grand public». Les mercredi, soirée jeunesse, et vendredi, place aux cinéphiles. Un programme ficelé en collaboration avec la Cinémathèque de Tanger, mais aussi grâce à l'initiative propre de réalisateurs comme Ayoub Youssiffi qui proposait en avant-première Dis-moi Mohamed…, dont le franc succès encourage à l'abonnement à l'évènement (et à l'actu du réalisateur !). Si sur le ton d'une confidence complice, Mehdi m'explique: «Il n'y a pas un thème spécifique. C'est notre première programmation cinéma, alors on essaye de diversifier les choix pour diagnostiquer les faits afin d'avoir des thèmes précis sur lesquels on travaillera plus tard», il fait bien d'ajouter, soulignant la portée «sociale» de l'évènement. «On relève la problématique de cette rupture des gens avec le cinéma en général. Il y a évidemment le "divertissement pour tous" mais sans négliger ce côté instructif, car les gens n'ont pas l'habitude de regarder des documentaires dans un endroit culturel GRATUITEMENT, et c'est aussi une approche participative des habitants de Hay Mohammadi en premier lieu puisqu'ils n'ont pas cette culture cinéma». Parce que oui, l'évènement est aussi gratuit que la bulle d'air qu'il offre. Une ambiance ultra-intimiste y règne, c'est frais, pétillant, et juste… sympa ! Tout le mal qu'on peut leur souhaiter, c'est de continuer. Toujours et à jamais ! «On aimerait avoir un public permanent, des familles qui se déplacent un mercredi par semaine avec leurs enfants pour voir un film d'animation ou des jeunes qui viennent proposer leurs courts-métrages… Une sorte de rendez-vous hebdomadaire donné aux Casablancais pour se réunir devant un écran géant dans une friche culturelle!», s'embrase Mehdi. Et la bonne nouvelle, c'est que nous sommes déjà vendredi et que ce soir, à 21h30 aux abattoirs, nous irons «à la recherche du taxi N°1», devenu cultissime. Ce qui enthousiasme Reda, déjà fan : «A Casablanca, un taxi-driver, c'est une institution ! J'ai déjà vu le film et je ne le raterai sous aucun prétexte. C'est un voyage au cœur de la ville à travers l'œil de chauffeur de taxi. Plein de clichés, de clins d'œil et d'anecdotes !». On se dit à ce soir, alors ?