Ils avancent qu'en raison des additifs incorporés, sacs dégradables ou biodégradables pourraient être toxiques pour le sol et la nappe phréatique. Pour le ministère de l'industrie, le passage au dégradable et biodégradable est un choix stratégique fait en concertation avec les opérateurs. On avait cru le problème réglé. Pourtant, lors d'un séminaire technique organisé par la Fédération marocaine de plasturgie (FMP) le 29 mars, à Casablanca, les professionnels ont remis sur le tapis la question des sacs dégradables et leur impact environnemental. Selon les professionnels, une nouvelle donne justifierait une étude d'impact sur l'environnement pour fixer la ligne de conduite à adopter. En effet, disent-ils, «si le sac en plastique non dégradable pollue visuellement et pendant longtemps, les additifs chimiques des sacs dégradables ou biodégradables pourraient se révéler toxiques pour le sol et la nappe phréatique». Entre les deux types de pollution, la solution consisterait à choisir la moins dangereuse, selon eux, d'autant plus que les 53% des sacs en plastique qui se retrouvent dans la nature ne sont que le résultat d'une éducation civique défaillante. «La pollution visuelle n'est pas tant un problème de l'industrie du plastique que de mentalité et d'éducation», déclare Claudio Celata, président de l'Association italienne des constructeurs des machines et moules pour plastique et caoutchouc. «Au lieu de chercher à développer des solutions qui permettent de jeter des artefacts dans l'environnement parce que biodégradables, il faut au contraire penser une manière de profiter des caractéristiques énergétiques du plastique qu'aucun autre produit n'est en mesure d'offrir», souligne-t-il. Pour trancher, les professionnels demandent donc une étude d'impact en partenariat avec le gouvernement. Ils remettent ainsi en question la loi 22-10 qui interdit l'utilisation de sacs et sachets en plastique non dégradables. Une manière de noyer le poisson ? «Notre démarche est conforme à la loi. Ce que nous souhaitons plus que tout, c'est d'affirmer notre engagement environnemental en tant que professionnels du secteur», explique Mamoun Marrakchi, président de la FMP. A raison d'ailleurs puisque la loi 12-03 relative aux études d'impact sur l'environnement prévoit ce genre d'études pour tout projet qui, en raison de sa nature, de sa dimension ou de son lieu d'implantation risque de produire des impacts négatifs sur le milieu biophysique et humain. Pourquoi alors une telle étude n'a pas été menée avant la réglementation du secteur ? Selon des industriels du plastique, un lobby proche des fabricants d'additifs aurait fait pression pour faire passer la loi. En effet, 90% de la production locale de sacs en plastique reste à convertir en dégradable ou biodégradable. L'activité de recyclage est négligeable : seulement 100 tonnes récupérées en 2010 «La réaction des industriels est tout à fait compréhensible, mais il faut mettre les choses au point. L'Etat n'intervient pas dans le circuit des matières additives qui reste un marché libre et ouvert», déclare Abderrahim Chakour, chef de la division des industries chimiques, pharmaceutiques et matériaux de construction au ministère du commerce, de l'industrie et des nouvelles technologies. Déjà, deux entreprises sont implantées au Maroc (la canadienne EPI Environmental Technologies et la britannique Symphony Environmental) et se sont engagées à fournir les producteurs en matières additives en conformité avec la législation marocaine. A noter que l'importation de telles matières est libre. Quant à la loi 22-10, elle n'a été adoptée, selon le ministère, qu'après une concertation avec la profession et une étude réalisée par la division chargée des études d'impact conformément à la convention ratifiée lors de la journée mondiale de la Terre le 22 avril 2010. Une tentative de ramassage pour recyclage a été effectuée (100 tonnes en 2010) mais n'étant pas rentable, un choix stratégique devait être fait entre l'abandon total des sacs en plastique ou le passage au dégradable et biodégradable. «Avec un investissement cumulé de 816 MDH et plus de 9000 emplois créés, le secteur est stratégique, il faut l'accompagner», note M. Chakour. Pour un volet aussi sensible que l'environnement, les choses ne sont pas faites à moitié. En plus du décret d'application, deux arrêtés ministériels viennent renforcer la loi. Le premier précise de manière exacte la composition des matériaux constituant les sacs et sachets en plastique avec les seuils tolérés de métaux lourds, de matières organiques et d'écotoxicité. Le deuxième spécifie les techniques de marquage et d'étiquetage pour le pistage et le contrôle de la production. Ces deux arrêtés sont le résultat du travail conjoint du ministère de l'agriculture, celui de l'industrie et de l'environnement et du Secrétariat général du gouvernement (SGG). Sans oublier que la loi est en parfait accord avec la norme européenne harmonisée EN 13432, référence en la matière, qui fixe et définit les exigences et caractéristiques des emballages mis sur le marché européen. Conforté dans sa décision, le ministère a toutefois accepté de financer l'étude sur l'impact et a lancé un appel d'offres pour sa réalisation. «Le rôle du ministère est avant tout d'accompagner le secteur et d'être à l'écoute des professionnels. Aujourd'hui, la loi tient compte du volet environnemental. C'est sa bonne mise en application en toute concertation qui est de mise pour aller de l'avant et promouvoir notre industrie», explique M. Chakour.