Annoncée comme applicable à compter du 1er janvier 2011, la loi 22.10 sur l'interdiction des sacs en plastique non dégradables ou biodégradables tarde à voir le jour. Entre souci environnemental et enjeu économique, la disparition du sac en plastique semble bien plus complexe qu'il n'y paraît. Cela aurait pu être une bonne résolution pour l'année 2011. Il faudra être encore un peu patient. Votée en juillet 2010 par la Chambre des représentants, la loi 22.10 stipulant l'interdiction de la fabrication des sacs et sachets en plastique non dégradables et non biodégradables destinés à la commercialisation au niveau local devait entrer en application au 1er janvier. Elle interdit notamment l'importation, la possession à des fins de commercialisation, l'exposition à la vente ou la distribution gratuite des sacs en plastique. Le texte fait suite à un plan d'action intégré visant à réglementer la fabrication et la vente des sacs en plastique à travers la mise en place de la norme 11.4.050, elle-même entrée en vigueur le 4 septembre 2009. Ainsi et selon cette norme, les sacs en plastique doivent porter une étiquette indiquant les produits de fabrication et le nom du fabriquant, la traçabilité permettant de lutter contre la fabrication informelle qui constitue aujourd'hui près de 40% du marché national. Autre exigence, l'épaisseur du sachet doit être supérieure à 35 microns et l'emballage doit avoir passé avec succès l'épreuve de l'essai de choc au remplissage. Enfin, les sacs en plastique ne doivent plus contenir de matière colorante noire, reconnue pour ses propriétés cancérigènes. Voilà pour les termes. En réalité, le Maroc ne possède aujourd'hui aucun référentiel permettant de rédiger un texte d'application de la loi 22.10. « Il y a ceux qui pensent, et ceux qui parlent ! », s'indigne Nabil Souaf, directeur de l'Association marocaine de plasturgie. « Nous ne comprenons pas pourquoi la presse s'est empressée d'écrire de toute part que la loi était entrée en application au 1er janvier 2011 alors que le dernier article de la loi précise que cette dernière entre en vigueur uniquement si le décret est approuvé et publié dans le Bulletin officiel. Il s'agit de commérages lancés par certains opérateurs. Or nous n'avons pas de référentiel pour savoir combien de temps est nécessaire pour assurer la dégradation, quel peut-être le marquage ou encore l'épaisseur du sac ? Le texte d'application devrait apporter des précisions sur ces éléments ». Quel soutien aux industries? Au Maroc, 2,5 milliards de sacs en plastique sont consommés chaque année, soit 9 kg par habitant, plaçant le pays au rang du deuxième plus gros consommateur au monde après les Etats-Unis. Et si le décret 22.10 place le royaume au rang des bons élèves éco-responsables, les enjeux économiques d'une telle loi sont considérables. En effet, selon l'Association marocaine de plasturgie, le secteur de la plasturgie au Maroc compte 500 entreprises, dont 290 s'accaparent 85% du chiffre d'affaires global de la profession. Il emploie près de 25.000 personnes dont 15.000 personnes en emplois directs. Il engendre ainsi un chiffre d'affaires annuel de 5 milliards de dirhams. Pour toutes ces raisons, le sac en plastique marocain n'est pas prêt de disparaître. L'un des grands enjeux pour le gouvernement est donc de réussir à maintenir le marché tout en travaillant à la transition vers le (bio)dégradable. Or, encore une fois, « les systèmes d'appui et de soutien aux industriels ne sont pas encore mis en place. Le gouvernement souhaite aider les plasturgistes à adapter leurs outils de production. Tous les industriels ne sont pas capables de produire des sacs dégradables selon des critères précis et le respect d'un référentiel. Il faut également mettre en place un laboratoire d'analyses et de contrôle compétent. Si nous ne mettons pas en place un moyen d'aider les industriels, d'effectuer un contrôle et un suivi de l'application de la loi, alors on voue tout ce qui est fait à l'échec » explique Nabil Souaf. Selon lui, le Ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies et l'Association marocaine de plasturgie ont d'ores et déjà réalisé une étude afin de venir en aide aux industries. La loi entrera en application quelques mois après l'amélioration du texte en question, le temps pour les professionnels du secteur de s'adapter à cette loi. Du dégradable oui, mais made in Morocco Qui dit dégradable, dit d2w, des additifs à base d'oligo-éléments issus du milieu naturel permettant de rendre les sacs plastiques 100% dégradables. Tel un chien dans un jeu de quilles, le d2w a déboulé au Maroc en janvier 2010 avec l'implantation de la société Greenberry, en partenariat avec Symphony Environnemental. Comme l'explique au Soir échos Philippe Michon, représentant de Symphony Environmental et expert auprès des commissions de normalisation des communautés européennes : «Le d2w est intégré dans le polyéthylène pour le rendre biodégradable en cassant sa structure chimique et la chaîne moléculaire de façon à la rendre très courte pour que les micro-organismes présents dans la terre puissent l'assimiler et le biodégrader. Avec l'additif, le polyéthylène devient alors sensible aux UV et à la chaleur et se biodégrade sous l'effet des paramètres environnementaux. Sa durée de vie est programmée. On le rend fragmentable en nouveaux composés qui deviennent bio-assimilables par les micro-organismes qui vont le transformer en CO2, en eau et en biomasse». Ainsi se met en place une dégradation par oxydation thermique ou photochimique, d'où le terme d'oxo-dégradation. L'innovation a d'ores et déjà séduit la chaîne de grande distribution Carrefour Label'Vie. Le problème : le d2w ne trouve pas la même efficacité dans tous les pays. En effet, les formules importées par des opérateurs étrangers fonctionnent dans des pays à forte humidité. Avec son climat semi-aride, le Maroc nécessite la mise en place de structures de recherche travaillant sur les conditions de dégradation spécifiques aux conditions climatiques et environnementales du pays. Rappelons que l'incinération des sacs plastiques émet du dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre, et que les décharges du royaume ne sont pas équipées pour détruire ces sacs. Ainsi, l'avenir est sans doute aux plastiques non polluants et biodégradables. De nombreuses recherches sont en cours autour de nouvelles générations de plastiques d'origine végétale, à base de coton, de seigle ou de colza. Constatons néanmoins que la biodégradation est annoncée comme une réponse à l'incivilité des citoyens. D'où l'importance d'accompagner la technologie d'une prise de conscience sociale globale, que ce soit par la réduction du nombre de sacs distribués ou la mise en place de filières de recyclage. Pollution Le sac dégradable reste composé de polyéthylène, issu du pétrole. Mais au lieu de se dégrader en 4 siècles, le temps de décomposition est de quelques mois grâce à l'ajout du d2w. Dès lors, si les sacs dégradables réduisent logiquement l'impact environnemental causé par les sacs plastiques en évitant la pollution visuelle et les multiples dangers pour l'écosystème (étouffement des bêtes, pollution des eaux…) ils n'en demeurent pas moins polluants au sens chimique du terme de part la toxicité due à l'émanation du dioxyde de carbone lorsque le sac est enflammé. Ceci à l'inverse des sacs bio-dégradables qui, issus de matières organiques, se décomposent naturellement grâce aux micro-organismes tels les bactéries, les champignons ou les algues. Quelques chiffres Le sac dégradable r1 seconde, c'est le temps de fabrication d'un sac en plastique. 20 minutes en moyenne, c'est le temps d'utilisation d'un sac en plastique. 400 ans, c'est le temps que met un sac en plastique pour se dégrader. 1.5 milliard, c'est le nombre de sacs en plastique utilisés par les Marocains.