Le dispositif introduit par le projet de Loi de finances 2012 est critiqué par les professionnels aussi bien que les banquiers. En cause, son taux de rendement, entre 2 et 3%, jugé peu attrayant et le manque de garanties juridiques entourant l'investissement dans le locatif. Plutôt que de plafonner le loyer on estime qu'une meilleure protection du bailleur permettrait de libérer le marché de la location. Sept éditions annuelles des dîners-débats de La Vie éco consacrées à l'immobilier avaient toutes fait salle comble. La huitième, celle du 29 mars dernier, n'a pas dérogé à la règle avec 240 participants. Actualité oblige, ce sont les dispositions du projet de Loi de finances 2012 qui ont monopolisé les échanges et plus spécifiquement le nouveau dispositif du locatif social. Pour rappel, celui-ci prévoit que des institutionnels ou des investisseurs privés puissent acquérir des logements sociaux à 250 000 DH (au moins 25 unités) et qu'ils les mettent en location pour une durée minimale de 8 ans moyennant un loyer plafonné à 1 200 DH. En rassemblant le ministre de tutelle, Nabil Benabdellah, le patron du groupe Al Omrane, Badr El Kanouni, le banquier qu'est Ahmed Rahhou, PDG du Crédit Immobilier et Hôtelier (CIH) et les promoteurs immobiliers, défendus par Youssef Iben Mansour, le président de la Fédération nationale de la promotion immobilière (Fnpi), le dîner-débat de La Vie éco a eu le mérite de confronter publiquement les avis des différentes parties prenantes au nouveau dispositif. Une annonce choc d'abord. «Si nous recevons des demandes de financement pour des investissements dans le locatif social nous ne les accompagnerons pas», a déclaré d'emblée et sans prendre de gants le patron du CIH qui invoque le peu d'attrait en termes de rendement voire la non-viabilité économique du dispositif. Les promoteurs immobiliers, très désireux de voir aboutir ce projet porteur de débouchés pour leur activité, en apportent la preuve chiffrée. «Pour acquérir 25 logements au prix unitaire de 25 000 DH, l'investisseur doit mobiliser jusqu'à 7,6 MDH. En percevant un loyer de 1 200 DH sur 8 ans, le taux de rendement de son placement ressort entre 2 à 3%, ce qui reste très peu intéressant», soutient M. Iben Mansour. Mais «l'investisseur dans le locatif social est exonéré de l'IR, l'IS ainsi que de l'imposition des plus-values en cas de cession à l'issue de la période de location obligatoire», tient à préciser le ministre de l'habitat. Il n'empêche, M. Iben Mansour persiste : pour améliorer les rendements du dispositif, celui-ci doit être assorti de loyers non encadrés, si la durée de mise en location obligatoire est longue comme c'est le cas dans la formule proposée (8 ans). A l'inverse, le loyer peut être fixé si la durée de mise en location obligatoire est écourtée, propose-t-il. Partant, pour un loyer imposé de 1 200 DH les promoteurs proposent une durée de mise en location obligatoire de 4 à 5 ans. 500 000 logements vacants au Maroc Seulement, ce raisonnement semble être aux antipodes des objectifs recherchés par la tutelle. «Il faut bien préciser qu'il s'agit de locatif à vocation sociale», martèle M. Benabdellah. «L'objectif est d'offrir des biens à la location à des prix abordables. Si nous libérons les loyers, ils pourraient partir très rapidement à la hausse au vu des pressions que subit actuellement le marché de la location», justifie le ministre. «En ne fixant pas les loyers, le marché s'autorégulerait et les prix ne devraient pas dépasser le coût d'accès à la propriété sachant que la traite mensuelle d'un crédit pour l'acquisition d'un logement social est comprise entre 1 400 et 1 500 DH», contre-argumente M. Ibn Mansour. Pour sa part, M. Rahhou estime qu'un encadrement des loyers imposerait une lourdeur administrative au dispositif en faveur du locataire, lequel est déjà largement favorisé par le cadre réglementaire actuel selon les professionnels. C'est là en fait l'autre grand nœud du problème. «La réglementation en matière de locatif est défavorable aux propriétaires du fait des lourdeurs judiciaires qu'ils rencontrent pour faire valoir leurs droits spécifiquement quand il s'agit de récupérer leur bien», insiste le patron du CIH. «Cela accroît le risque pour tout placement dans le locatif et dissuade les investisseurs et les bailleurs de fonds de se lancer dans ce type de projets», ajoute-t-il. Le nouveau projet de loi sur le locatif en gestation depuis quelques années est appelé en théorie à lever ces écueils. Où en est-il justement ? «Il avait failli être adopté sous le mandat de l'ancien gouvernement, et à présent, nous devons le retirer pour le redéposer en raison de considérations constitutionnelles, ce qui pourrait retarder légèrement son adoption», informe M. Benabdellah. Quoi qu'il en soit, les opérateurs espèrent que cette loi apportera des solutions en termes pratiques. Elle est notamment attendue pour introduire une procédure de récupération de biens en cas de non-paiements constatés, sans que cela ne dure plusieurs années. Au delà du nouveau dispositif du locatif social, le rétablissement de l'équilibre entre les propriétaires et les locataires dans la loi, comme dans la pratique, devrait profiter à l'ensemble du marché de la location qui reste aujourd'hui bien en dessous de son potentiel, de l'avis général. Garantir le droit de récupérer rapidement son bien, en cas de défaut de paiement, libérerait le marché de la location, ce qui devrait avoir un effet de baisse significatif sur les prix du loyer, assure le patron du CIH. Il faut dire aujourd'hui que 500 000 logements sont vacants à l'échelle nationale et que seulement 26% des Marocains accèdent à la location, selon les données de la tutelle.