Dans Green Line, Sylvie Ballyot explore les stigmates laissés par la guerre civile libanaise (1975-1990). Entre documentaire, onirisme et reconstitution intime, ce premier long-métrage est une œuvre à la croisée des genres, où se mêlent l'histoire d'un pays et celle d'une enfant confrontée à l'incompréhensible. Le film n'est pas seulement un voyage dans le temps, mais aussi une introspection sur le traumatisme et la résilience. Suivez La Vie éco sur Telegram Le récit s'ancre dans les souvenirs de Fida Bizri, écrivaine et coscénariste du film, qui raconte son enfance dans un Beyrouth ravagé par le conflit. À travers ses yeux d'enfant, la guerre prend une dimension irréelle, presque abstraite, ponctuée de silences pesants et de gestes mécaniques. Fida, interprétée dans le film par une figurine en pâte à modeler manipulée sur une maquette de Beyrouth, symbolise cet éclatement de l'innocence face à une réalité brutale. Introspection Ballyot construit son film autour d'un dispositif atypique mêlant images d'archives, interviews de miliciens, témoignages civils et reconstitutions miniatures. La maquette devient un théâtre de mémoire où les acteurs réels et symboliques de la guerre réaniment leurs souvenirs. Les gestes répétitifs, presque cathartiques, des anciens soldats déplaçant des figurines traduisent leur incapacité à verbaliser l'ampleur de leur vécu. Les mots, bien qu'emprunts de sincérité, paraissent souvent insuffisants pour exprimer l'inexprimable. Le contraste entre l'innocence de l'enfant et la brutalité des adultes est saisissant. Fida, en posant des questions directes aux miliciens, force une confrontation avec leurs actes et leurs justifications. Cette enfant, fascinée autrefois par la banalisation de la mort, devient une adulte à la recherche de réponses simples, mais profondes, sur la folie humaine. Emotion Green Line transcende la simple chronique historique pour questionner l'humanité dans ses contradictions. La guerre, dans toute son absurdité, est mise en lumière à travers les récits fragmentés des protagonistes. Ballyot capture avec une justesse déchirante les regards éteints, les gestes hésitants et les silences lourds. Ces moments révèlent que, malgré les décennies écoulées, personne ne sort indemne d'un conflit. En mêlant réalité et fiction, Green Line ne cherche pas à fournir des réponses définitives, mais à ouvrir un espace de dialogue et de réflexion. L'utilisation du cinéma comme outil de mémoire est centrale : revisiter le passé n'est pas un acte de nostalgie, mais un moyen de comprendre et d'exorciser les fantômes. Avec Green Line, Sylvie Ballyot livre une œuvre sensible et profondément humaine. À travers l'histoire de Fida, elle nous invite à regarder au-delà des frontières visibles et invisibles pour interroger ce qui nous lie et nous déchire. Un film à la fois bouleversant et nécessaire, qui rappelle que les cicatrices de l'enfance sont aussi celles d'un monde en quête de sens.