Les premières discussions sur le nouvel accord ont commencé en février 2006. En décembre 2009, la validation du Parlement européen était devenue obligatoire. Dans quel cadre l'accord de libre-échange agricole rentre-t-il ? L'accord signé le 16 février rentre dans le cadre de la feuille de route euro-méditerranéenne adoptée par les ministres méditerranéens des affaires étrangères, le 28 novembre 2005, et portant sur l'accélération de la libéralisation du commerce des produits agricoles transformés et des produits de la pêche. Ladite feuille de route préconisait la libéralisation progressive et asymétrique des échanges agricoles, agro-industriels et de la pêche. Un processus évolutif donc et une ouverture inégale de manière à permettre aux pays du sud de la Méditerranée de mettre en œuvre les ajustements nécessaires, en vue de protéger leur tissu agricole et agro-industriel contre une ouverture brutale. En ce sens, la feuille de route prévoyait l'exclusion de l'accord d'un nombre limité de produits sensibles vu les conséquences négatives sur l'équilibre économique et social, de même qu'elle insistait sur l'instauration de mesures d'accompagnement à la libéralisation commerciale en faveur des pays de la rive sud de la Méditerranée. Pourquoi a-t-il fallu six ans de négociations ? Il aura fallu près de six ans, entre le début des négociations et le vote de l'accord par le Parlement européen. Les premières réunions ont, en effet, eu lieu entre février 2006 et mai de la même année et portaient sur l'examen des principes de cadrage de la négociation. A fin 2006, une première mouture portant sur un niveau de libéralisation du flux réel des échanges agricoles à hauteur de 32% était déjà achevée. Entre février 2007 et mars 2008, les négociations ont permis l'élaboration d'un nouveau cadre où le niveau d'ouverture a atteint 65%. Au cours de l'année 2009, les deux parties ont finalisé le texte du nouvel accord. A ce jour, dix rounds de négociations ont été tenus par les deux parties depuis l'examen et l'adoption des principes de cadrage de la négociation à l'élaboration et l'échange des nouvelles offres de chacune des parties. A noter que les négociations ont été menées dans le cadre d'une commission interministérielle regroupant les départements concernés pour concertation : Finances, Affaires étrangères, Agriculture & Pêche maritime, Commerce & Industrie, Commerce extérieur. La focalisation des négociations sur les exportations agricoles marocaines s'est organisée conformément aux objectifs du Plan Maroc Vert et en concertation continue avec les opérateurs des filières exportatrices. Dans le même sillage, l'importance accordée au sein des négociations à la protection des agriculteurs et des industriels nationaux pour les filières de production destinées à la consommation nationale a été appuyée par une collaboration étroite avec les opérateurs de ces filières. A noter que sans un changement de procédure au niveau de l'Union européenne, le nouvel accord de libre-échange agricole aurait pu être signé au cours de l'année 2009, mais à partir du 1er décembre de cette année-là, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne est venue transformer l'architecture institutionnelle de l'Union européenne. Ainsi, la Commission européenne, qui dispose du monopole de l'initiative législative, et qui était l'interlocuteur du Maroc, est passée sous la tutelle du Parlement européen, alors qu'elle était auparavant responsable devant le Conseil européen (sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des Etats-membres de l'UE). Résultat, l'accord devait, de facto, être voté par le Parlement européen, une procédure qui a donc retardé la validation, mais surtout un passage devant une institution avec ses groupes de pression, ses lobbies et ses diverses sensibilités. Jeudi 16 février, le nouvel accord a donc été validé. 369 voix se sont exprimées pour, ce qui a donné au Maroc une majorité assez confortable. Le nombre de voix s'étant exprimées contre a été de 225 alors qu'il y a eu 31 abstentionnistes. La résolution accompagnant l'accord, elle, a fait encore mieux puisque ce sont 398 votes positifs qui ont été enregistrés, contre 175 négatifs et 50 abstentions. Quels sont les produits sur lesquels porte l'accord et quelles restrictions ? L'accord porte sur tous les produits agricoles, mais pas au sens strict du terme. On y trouve aussi des produits issus de l'agro-industrie, des viandes rouges et blanches, des œufs et les produits de la pêche. Selon les termes de l'accord, les deux parties se protègent contre une ouverture trop brutale à l'égard de produits dits sensibles susceptibles de remettre en cause les équilibres économiques et/ou sociaux d'un secteur donné. Ainsi, pour les exportations de l'UE vers le Maroc, 4 groupes de produits ont été déterminés. Le premier comprend les produits à libéralisation immédiate (pas de droits de douane et pas de quotas). Le deuxième groupe comprend, lui, une liste de produits assortis d'un quota ou non et dont les droits de douane connaîtront une baisse progressive (20% de réduction chaque année) jusqu'à disparition au bout de la cinquième année. Le troisième groupe procède de la même logique, à la différence près que la libéralisation s'étend sur 10 ans. Enfin, le quatrième groupe comprend, lui, une liste dite «négative», comprenant aussi bien des produits d'origine animale que végétale et qui restent soumis à quotas avec une baisse de droits de douane progressive. Pour les exportations du Maroc vers l'UE, la liste est moins restrictive et se compose de trois groupes. Le premier est celui des produits dits libres d'accès sans quotas et sans droits de douane. Le deuxième comprend une liste de produits agricoles (fruits et légumes) qui resteront soumis à droits d'entrée mais sans limitation de quantité. On y trouve notamment les oranges et les raisins. Enfin, comme pour le cas des exportations de l'UE vers le Maroc, il existe une liste dite négative, de ce que l'UE autorise à l'entrée sur son territoire : un droit de douane préférentiel, certes, mais les quotas resteront en vigueur. Ce qui change par rapport à l'ancien accord est l'accroissement des quantités pouvant être exportées dans le cadre des quotas. Par exemple, pour la tomate, produit phare de nos exportations, le Maroc peut exporter dans le cadre de droits de douane préférentiels 257 000 tonnes par an, à l'issue de la 5e année, au lieu de 185 000 tonnes par an que permettait le précédent accord. L'existence de quotas ferme-t-elle la porte à nos exportations ? Non, car cela reviendrait à entraver la liberté de commerce, ce qui est contraire aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La mise en place de quotas est généralement associée à des droits d'entrée préférentiels. De fait, il est tout à fait possible, aussi bien de la part des opérateurs marocains que ceux de l'Union européenne, d'exporter leurs produits une fois dépassés les quotas. Seulement, ils devront s'acquitter de droits de douane normaux, fixés dans le cadre des règles de l'OMC. Par ailleurs, et comme dans le cas de la tomate par exemple, il est possible pour les opérateurs d'exporter un contingent additionnel, dans le cadre des droits de douane préférentiels, mais seulement dans une période bien donnée de la saison agricole, notamment celle où la production des pays de l'UE est la plus basse. Qu'est-ce qui a été libéralisé et à hauteur de combien ? L'accord prévoit une libéralisation avec effet immédiat à hauteur de 55% de la valeur des produits agricoles et les produits de la pêche qu'exporte le Maroc vers l'Union européenne et de 70% dans le sens inverse, sauf que dans le cas des exportations de l'UE vers le Maroc, l'ouverture s'étale sur 10 ans et c'est pour cela qu'on parle d'asymétrie. Dans le détail, et hormis les produits sur liste négative, l'Union européenne offre un accès immédiat et sans condition aux produits agricoles représentant 67% des exportations du Maroc en valeur, aux produits agro-industriels représentant 98% des exportations du Royaume en valeur et 100% pour les produits de la pêche. De l'autre côté, le Maroc offre un accès immédiat et sans condition aux produits agricoles représentant 67% des exportations de l'UE en valeur. Le taux d'ouverture est de 92% pour les produits agro-industriels et 90% pour les produits de la pêche. Un gain fiscal de 835 MDH par an et des sorties de devises évitées Au delà du gain économique pour les opérateurs marocains et européens qui pourront, chacun de son côté, être plus compétitifs grâce à la suppression ou la baisse des droits de douane, l'accord permettra également au Maroc de réaliser un gain en matière fiscale. Ainsi, lors de la première année, pour les principaux produits agricoles marocains, les conditions préférentielles permettront aux opérateurs d'économiser 362 MDH en droits de douane, alors que, côté européen, les exportateurs, eux, paieront 77,3 MDH en moins. Résultat, un gain fiscal, dès la première année, de 285 MDH. Au terme des 10 ans d'ouverture, les exportations marocaines réaliseront, chaque année, 1,7 milliard de DH d'économie en droits de douane, alors que celles en provenance de l'Union européenne rapporteront au Maroc 865 MDH de recettes en moins. Ce sont donc 835 MDH de gain fiscal qui pourront être réalisés et autant en sortie de devises. Que pèsent les exportations marocaines en fruits et légumes au niveau du marché européen ? Beaucoup de choses ont été dites à propos de l'impact des exportations marocaines de fruits et légumes sur les producteurs de l'Union européenne. Or, en regardant les chiffres, l'on se rend compte que les arguments avancés sur le danger que représenteraient les exportations marocaines sont exagérés. Entre 2002 et 2009, par exemple, le Maroc a exporté pour 245 115 tonnes de tomates en moyenne annuelle vers les 27 pays de l'UE, ce qui représente à peine 8% de la consommation de ces pays en la matière. Et encore, la tomate constitue-t-elle une exception car, sur les 52 millions de tonnes de fruits et légumes consommés chaque année dans l'UE, les expéditions marocaines ne dépassent pas les 1,2 million de tonnes, soit 2,5% du total des approvisionnements des 27 pays. Avec le nouvel accord, les quotas additionnels pour les six produits considérés par l'UE comme sensibles ne représentent que 3%, en volume, des échanges intracommunautaires.