Le RNI et le PAM ont décidé de rejoindre l'opposition, alors que le MP et l'UC tiennent à faire partie du gouvernement. L'Istiqlal a dit «oui», mais l'USFP reste fortement divisée et le PPS attend de voir… «Ensemble, dans le gouvernement ou dans l'opposition». Ce slogan martelé avant la tenue du scrutin du 25 novembre par les deux alliances politiques que sont la Koutla démocratique et l'Alliance pour la démocratie n'aura pas résisté au raz de marée réalisé par le PJD, qui a récolté à lui seul 27% des sièges du nouveau Parlement et dont le secrétaire général, Abdelilah Benkirane, a été nommé chef du gouvernement, par le Souverain, mardi 29 novembre, dans la ville de Midelt, où le Roi donnait le coup d'envoi de la campagne de solidarité. Avec qui le PJD gouvernera-t-il ? A l'heure où nous mettions sous presse, rien n'était encore certain. Toujours est-il que son succès avait voler en éclats le G8 et ébranlé les composantes d'une Koutla, pourtant unie depuis 1992. Les grands principes annoncés, hier, à cor et à cri, sont éclipsés, aujourd'hui, devant la réalité des intérêts étriqués de chacune de ses formations, voire au sein d'un même parti. Ainsi, au mercredi 30 novembre, on ne savait toujours pas si les trois membres de la Koutla que sont l'Istiqlal, l'USFP et le PPS allaient être ensemble dans le gouvernement. Officiellement, la coalition s'est réunie samedi 26 novembre et décidé que ses membres rencontreront individuellement le PJD, et que la réponse sera collective après concertation. Or, l'Istiqlal n'a pas attendu cette réunion pour dire son "oui" franc à une coalition avec le PJD. Le parti de Abbas El Fassi avance une expérience et une expertise dans la gestion des affaires publiques qui feraient défaut aux islamistes et se prévaut de ses affinités avec le parti islamiste. A l'USFP, ça tire dans tous les sens. Des sources dignes de foi avancent que bien avant le jour du scrutin, certains de ses dirigeants auraient négocié, derrière le dos de la Koutla, un accord avec le G8 pour une participation à une majorité conduite par le RNI si ce dernier venait en tête. Même le nombre de ministères à confier aux socialistes a été fixé. Détail intéressant à retenir : Driss Lachgar s'est vu promettre le département de la justice. Mais même après la victoire du PJD, la position de l'USFP demeure pour le moins ambiguë : mardi 29 novembre, de fortes rumeurs ont circulé sur son basculement dans l'opposition, mais aucune confirmation n'est venue étayer cela. Des sources du conseil national soutiennent que les bases du parti sont fermement opposées à la participation au gouvernement. Pour de nombreux membres du conseil national, l'USFP a tout simplement perdu les élections en se classant encore une fois en 5e position. Et «un parti qui perd les élections ne va pas au gouvernement». Et l'on ajoute que «ceux qui sont pour la participation le font par pur opportunisme. Mais dès qu'on leur a fait savoir que le PJD n'était pas du tout intéressé par des habitués des fauteuils ministériels et des visages consommés, ils ont changé de camp», affirme un membre du conseil national du parti. Positionnement tranché ou chantage politique ? La direction du PJD est consciente de cette réalité, mais reste confiante quant à un éventuel "oui" de l'USFP. «Nous sommes conscients que l'USFP est partagée sur la question de la participation au gouvernement, mais nous ne sommes pas dupes. Si vous demandez à un certain Lachgar ou El Malki s'ils sont pour la participation au gouvernement, ils diront non. Mais si vous le demandez à Hassan Tariq, il vous dira oui», explique un membre du secrétariat général du PJD. A en croire un membre du bureau politique de l'USFP, «la tendance générale au sein de la direction du parti, c'est-à-dire une écrasante majorité du bureau politique, est contre la participation au gouvernement». C'est l'exemple d'Ali Bouabid qui publiait lundi 28 novembre en soirée une tribune dans laquelle il exprimait sa préférence au passage à l'opposition. Le dernier mot revient cependant au conseil national du parti et ce dernier doit se tenir samedi 4 décembre. Pour d'autres qui s'estiment fins connaisseurs du système USFP, le parti finira bien par intégrer le jeu et son atermoiement ne serait qu'un stratagème pour contraindre le PJD à un maximum de concessions. L'on se souvient, à ce titre, du fameux concept de «soutien critique» inventé par l'USFP et ses multiples menaces de quitter le gouvernement El Fassi. En somme, avant de jouer le jeu de la Koutla, l'USFP joue d'abord sa propre partition et encore, il y a plusieurs partitions au sein même de sa symphonie. Enfin, au PPS, l'autre composante de cette coalition, l'orientation générale est pour la participation… mais à condition que ce soit à l'intérieur de la Koutla. C'est en gros le résultat des débats des deux dernières réunions de son bureau politique, samedi 26 novembre et lundi 28 novembre. Les ex-communistes marocains considèrent, par ailleurs, que la participation au gouvernement est une responsabilité historique que les partis démocratiques de la Koutla se doivent d'assumer. Preuve en est, selon eux, que celle-ci n'a pas été sanctionnée par l'électorat. Les trois partis de la Koutla ont obtenu 117 sièges (29,6% des 395 actuels) contre 107 sièges (soit 33% des 305 anciens) en 2007. Mais rien n'est encore sûr. Mardi 29 novembre en soirée, Nabil Benabdellah, secrétaire général du parti, affirmait que le PPS n'avait pas encore pris de décision. D'ailleurs, «personne du PJD ne nous a contactés. Alors, nous verrons au moment voulu». Bref, la Koutla avance en ordre dispersé et la position de l'USFP n'y est pas pour peu. Tout le monde est ouvert à toutes les propositions Au sein de l'Alliance pour la démocratie c'est le chacun pour soi. Le temps des déclarations communes, d'un programme cadre commun semble révolu. Au PAM, ennemi juré du PJD, on ne se faisait pas trop d'illusions et, d'ailleurs, ce dernier annonçait la couleur une fois les premiers résultats connus : «Tout sauf le PAM». Le PAM est donc passé à l'opposition. Deux jours plus tard, mardi 29 novembre, le RNI, dans une démarche cohérente avec sa logique prônée avant les élections, choisissait le camp de l'opposition. Mais son communiqué, diffusé le jour même, ne fait nullement mention de l'Alliance… En revanche, le MP et l'UC, faisant fi de l'unité de principes et de positions mise en avant la veille du scrutin, penchent sensiblement pour une participation au gouvernement. Mais il n'est pas question de le clamer ouvertement. «Si l'initiative venait de notre part, ce serait comme si nous quémandions des postes ministériels au PJD», confie, sous couvert d'anonymat, un membre de la direction du MP. Les Harakis préfèrent que ce soit le PJD qui fasse le premier pas. Les dirigeants du Mouvement populaire avancent trois arguments qui militent en faveur de leur participation à l'Exécutif. D'abord, une origine commune des deux partis, le PJD et le MP. Les deux sont, en effet, issus de la mouvance populaire. Ils rappellent à juste titre que le PJD constitue une évolution du MPDC, Mouvement populaire démocratique et constitutionnel. De même, explique Lahcen Haddad, également membre du bureau politique du MP, «nous avons bien travaillé ensemble alors que nous étions dans l'opposition (NDLR entre 2007 et 2009). De toutes les manières nous nous sommes engagés à servir l'intérêt de notre pays, que ce soit au gouvernement ou dans l'opposition». Dernier argument qui justifie cette position non encore officialisée : dans tous les gouvernements auxquels il a participé, le MP a toujours fait preuve d'une discipline, pour ne pas dire docilité, exemplaire. Il ne faut pas non plus oublier qu'au sein même du bureau politique, une tendance était opposée depuis le début à l'idée de rejoindre le G8. Ils estimaient que la place naturelle du parti était dans le camp du PJD. Aujourd'hui, pour justifier cette distance prise vis-à-vis du G8, le MP met au devant des frictions à l'intérieur de l'alliance apparues à la veille et pendant la campagne électorale. On aurait débauché parmi leurs membres. Plus concrètement, il semble que le MP voudrait bien avoir quelques postes ministériels pour se refaire une image auprès de ses militants. A l'UC, la démarche est plus ouverte. «Nous attendons que le PJD nous contacte. Si sa proposition nous intéresse, nous allons participer avec lui au gouvernement. Au cas contraire, nous allons dans l'opposition», explique, sans détour, son secrétaire général Mohamed Abied. Et le G8 alors ? «Il ne faut pas croire que parce que nous sommes dans le G8 que nous allons adopter automatiquement la position de ses autres composantes. Nous restons toutefois dedans puisque sa raison d'être même réside en la mise en œuvre optimale et démocratique de la Constitution», ajoute, sans ciller, le dirigeant de l'UC. Au final, on se retrouve avec une Koutla qui a près de 20 ans, mais qui, faute d'avoir pu reconduire l'un de ses membres en tête des suffrages, risque d'éclater, après avoir été de tous les gouvernements depuis 1998. On se retrouve également avec un G8 dont les prémices remontent à début 2009 avec le groupe parlementaire PAM-RNI, puis le rapprochement RNI-UC, en janvier 2011, la constitution du G4 avec le MP et le PAM, le 12 août, puis l'alliance des huit qui n'aura même pas tenu 2 mois. Le PJD est passé par là…