Lorsque le temps est aux grandes chaleurs caniculaires, le responsable de la météo en personne se déplace pour expliquer scientifiquement le phénomène et rassurer la population. Avant, Aucun Bellouchi ne venait nous voir. M. Bellouchi, c'est comme ça que s'appelle le grand manitou de la météo. Mais pour votre info et pour passer le temps, il n'y a aucun lien avec l'actrice italienne Bellucci, sinon ça se saurait. «J'ai longtemps habité des pays où l'on égare à jamais la notion de temps», a écrit Saint-John Perse à un de ses amis dans l'une des ses correspondances. Comment ne pas prendre cette confession à son compte lorsqu'on habite un pays où le temps n'est ni d'or ni d'argent, mais de lumière de jour ? Depuis que l'on s'est essayé après moult hésitations à ce qu'on appelle l'heure d'été, afin d'être en accord temporel avec nos partenaires du Nord, le temps a un étrange goût de vacuité. D'autant que cet «été administratif» a été promulgué pour débuter le 2 avril, c'est-à-dire en pleine saison du printemps, et s'achever le 31 juillet, à savoir au beau milieu de l'été. Allez donc après ça retrouver vos saisons dans ce tripatouillage du GMT ! Et on ne parle pas ici seulement de ceux qui font leurs cinq prières (pour de vrai ou pour la frime), dans les temps, lesquels ne correspondent pas du tout au calendrier lunaire. Du coup, on se retrouve avec des «lunaires» déphasés et des «solaires» désorientés, mais tous ensemble embarqués dans un temps brouillé qui ne ressemble à rien. Et quand le temps ne ressemble à rien, il reste la voix rauque et amplifiée du muezzin qui appelle pour on ne sait quelle prière vespérale au beau milieu du jour. Personnellement, je n'ai rien contre l'heure d'été et je me retrouve plutôt bien dans le calendrier solaire. Je n'ai rien non plus contre la lune, mais chacun ses goûts. Et comme disait Prévert, «si ce n'est pas lune, c'est le soleil». Par ailleurs, on ne peut que se laisser convaincre par les arguments des autorités lorsqu'elles avancent les avantages en termes d'économie de la consommation d'énergie ainsi que l'impact sur les loisirs et le tourisme. Il paraît que l'on traîne plus longtemps dans les rues et les cafés, donc on consomme plus et c'est tout bénef' pour le commerce. Bien entendu, tout cela reste encore théorique, car ici l'on se réfère seulement à nos voisins du Nord en l'absence d'expériences par le passé et encore moins de chiffres précis. Les sceptiques eux, et il y en a, rétorqueront : «A sidi had chi m'ziane !»Mais qui nous dit qu'après avoir traîné tard dans la fausse nuit du vrai jour, les gens ne veilleront pas jusqu'à plus d'heure et toutes lumières allumées ? Oualou, là non plus on ne dispose pas encore d'études ni d'enquêtes sérieuses. Difficile en effet de trancher, car, en effet, lorsqu'on a pensé instaurer l'heure d'été on a, volontairement ou non, occulté l'avènement du mois de Ramadan qui fait son tour de piste sur le calendrier solaire en reculant ou en avançant, c'est selon, d'une quinzaine de jours par an. L'heure d'été sera donc toujours «chahutée» entre avril et septembre. Ce qui nous vaudrait une interruption d'un mois avant de revenir à l'heure d'été. De quoi détraquer l'horloge interne de la population et de faire flipper le muezzin au haut de son minaret. A ce propos, depuis quand on n'a plus revu de muezzin sur un minaret ? Pourtant, c'est leur boulot, sinon à quoi bon ériger des minarets sur des mosquées si c'est pour envoyer la sono à fond la caisse et lancer des appels préenregistrés qui font sursauter les honnêtes gens ? Mais revenons à la fameuse notion de temps perdue évoquée par Saint-John Perse. Qu'est-ce que le temps et qu'est-ce qui pourrait le définir ? C'est bien une notion immatérielle que l'on ne peut mesurer que si on la rapporte à une échelle matérielle. Je sens que l'on va se prendre la tête avec une notion indéfinissable et mieux vaut revenir à l'autre temps, ce temps que l'on tue pour passer le temps. Ou à ce beau temps que la météo promet pour faire oublier, l'autre, si mauvais ou si médiocre, comme le qualifient certains bulletins météo. Vous avez remarqué que l'on n'a jamais aussi abondamment parlé du temps qu'il fait, que depuis que l'on sait tout sur le temps qu'il nous faut. C'est ça l'info. Chez nous tout le monde aujourd'hui est informé sur les prévisions météorologiques depuis que la rubrique météo est régulièrement diffusée et bien suivie sur les chaînes de télé. Les présentatrices donnent avec un grand sourire les prévisions des jours à venir avec force «bihaouli Allah et inchallah» pour ne pas choquer les créationnistes et autres incrédules. Et lorsque le temps est aux grandes chaleurs caniculaires, le responsable de la météo en personne se déplace pour expliquer scientifiquement le phénomène et rassurer la population. Avant, tout le monde s'en fichait et on pouvait crever de chaud la gueule ouverte. Aucun Bellouchi ne venait nous voir. M. Bellouchi, c'est comme ça que s'appelle le grand manitou de la météo. Mais pour votre info et pour passer le temps, il n'y a aucun lien avec l'actrice italienne Bellucci, sinon ça se saurait.