Les divergences sont naturelles et font vivre un groupe, tout comme elles peuvent engendrer un malaise. Le manager doit être proche de son équipe pour pouvoir identifier très rapidement les signes annonciateurs d'un conflit. La motivation n'est pas du seul ressort de la hiérarchie, le collaborateur doit aussi s'assumer. Nawal Jai, consultante senior chez LMS ORH, affirme qu'un manager ne peut jamais être totalement mis hors de cause puisque, parmi ses multiples responsabilités, figurent en tête de liste l'écoute de son équipe, la résolution des conflits, la motivation et l'instauration d'un climat de travail favorable à l'épanouissement individuel. Selon vous, quelles sont les raisons qui peuvent engendrer un malaise dans une équipe ? Les raisons peuvent être diverses et variées, et, à mon sens, les «malaises» sont naturels et font partie de la vie d'une entreprise, et d'une équipe. Dans tout collectif humain «vivant» il y a confrontation d'idées, des divergences d'opinions, la recherche de statut et d'inclusion, la diversité (d'origines, de formation, de genres, de caractères…), etc. Ce qui, forcément, provoque parfois des frictions, frustrations, incompréhensions, voire conflits… Un malaise devient «sérieux» lorsqu'il se répand, lorsqu'il est structurel, et lorsqu'il provoque un mal-être qui affecte les collaborateurs, qui réduit leur engagement et ainsi, qui affecte à court ou moyen terme les performances individuelles et collectives… Les raisons de ces malaises «durables», que j'ai eu l'occasion d'observer ou d'écouter, sont d'origines diverses. Je vais en citer quelques-unes : – l'absence d'une vision partagée, ce qui ne permet pas aux collaborateurs de donner du sens à leur action, et de sentir véritablement leur valeur ajoutée ; – une insuffisance dans la clarification des rôles, qui peut entraîner des chevauchements de responsabilités entre des personnes et des combats de périmètres ; – une communication inadaptée ; – une confusion entre performance et compétition ; – une stratégie managériale du «diviser pour mieux régner»; – une perception de «favoritisme» du manager envers un ou plusieurs membres de l'équipe – créant de ce fait un sentiment d'exclusion de la part du reste des collaborateurs. La liste peut être longue, mais il peut également exister des facteurs externes (perte de compétitivité, difficultés financières de l'entreprise…) qui peut provoquer un sentiment d'instabilité, et de malaise quant à l'avenir. Les managers ont de plus en plus de mal à maintenir le bon moral de leurs équipes. Par quoi peut-on l'expliquer ? Maintenir le moral des équipes est aussi bien une problématique de managers, de DRH, de DG … que de collaborateurs eux-mêmes ! Un collaborateur est acteur de sa vie, de son parcours et de ses réalisations au sein de l'entreprise. Il est acteur de son devenir et il fait un certain nombre de choix. J'ai du mal à admettre le contraire. Autrefois, travailler était en soi un facteur de motivation. Et lorsque le «chef» faisait un compliment sur le travail accompli, le collaborateur se sentait gonflé à bloc, reconnaissant et ultra motivé… Aujourd'hui, cela n'est plus suffisant : le collaborateur se positionne. Et au passage, il domicilie toute la responsabilité de son propre bien-être au travail sur les épaules de son management. Un management qui multiplie les team building, les signes de reconnaissance matériels et immatériels, les encouragements… sans pour autant pouvoir, dans certains cas, maintenir le «moral des troupes» dans la durée… Car les collaborateurs oublient parfois qu'ils sont également attendus sur leur capacité d'engagement et d'auto-motivation, et qu'ils sont pleinement acteurs de leur situation. Quelle est la part du manager dans cette situation ? Selon moi, lorsqu'il y a malaise dans une équipe, le manager est parfois totalement responsable, et le reste du temps partiellement responsable. Mais il ne peut jamais être totalement mis hors de cause puisque, parmi ses multiples responsabilités, figurent en tête de liste celles de l'écoute de son équipe, de la résolution des conflits, de la motivation et enfin de l'instauration d'un climat de travail favorable à l'épanouissement individuel. Quels sont les risques si le manager n'arrive pas à fixer les objectifs individuellement ? Le risque majeur est l'impossibilité, en fin de période, d'apprécier véritablement les apports des uns et des autres et de reconnaître ainsi la place et la contribution de chaque membre de l'équipe. Ceci est un facteur pouvant très rapidement provoquer un malaise important, et affecter significativement la motivation d'une partie, voire de la totalité de l'équipe ! Le meilleur mix est selon moi la combinaison d'objectifs individuels et d'objectifs d'équipe. Cela permet à la fois d'encourager les interactions des membres et l'émergence d'une «intelligence collective», tout en reconnaissant les apports de chacun pris séparément… Comment remonter le moral de l'équipe dans ces cas ? Dans le cas où une équipe est démotivée en raison d'un manque de reconnaissance de la contribution individuelle de ses membres, il n'existe qu'une solution pour les remotiver : supprimer la cause qui a produit cet effet, c'est-à-dire instaurer un système transparent et partagé qui permette d'apprécier l'effort de tout un chacun. Y a-t-il des situations particulières où l'effort de motivation doit être renforcé ? Si je devais répondre instinctivement, je dirai non. La «motivation» n'est pas un bouton magique que je décide d'activer et dont je règle l'intensité en fonction de la situation. La motivation se gère et se maintient dans le temps, puisqu'elle n'est pas matérielle, qu'elle est de l'ordre du sentiment, de la perception, de l'irrationnel – bien qu'elle aie été modélisée par plusieurs experts pour en comprendre les leviers… Mais si je devais mieux mûrir mes propos, je dirai qu'il y a des situations où la problématique est particulièrement sensible, dont deux qui me viennent à l'esprit. Lorsque l'entreprise connaît un pic d'activité important, demandant un investissement supplémentaire de la part de ses collaborateurs. Et lorsque l'entreprise rencontre des difficultés, afin de rassurer ses éléments clés et renforcer leur engagement pour passer le cap.