Selon la loi, les rassemblements et sit-in ne nécessitent pas d'autorisation, en revanche, la marche nécessite une déclaration. L'Etat peut interdire une manifestation mais il doit en justifier le refus et le notifier. Toutes les marches seront dorénavant soumises à une autorisation préalable. Marches, rassemblements, attroupements, sit-in, occupation d'un lieu public, depuis le 20 février, toutes ces formes d'expression auront été usitées par une partie des Marocains, désireuse de faire entendre sa voix. Depuis le 20 février, les manifestations et marches se sont déroulées dans un climat d'apaisement relatif. Mais, dimanche 22 mai, les forces de l'ordre, qui se sont faites discrètes, ont fait montre d'une agressivité inhabituelle, causant des blessés parmi les manifestants, ce qui est regrettable. Du coup, l'on se pose la question. Pourquoi cette intervention musclée des forces de l'ordre ? Le ministère de l'intérieur donne ses arguments. Une source autorisée précise que «sur une centaine de manifestations, marches et sit-in, qui ont eu lieu un peu partout, le 22 mai, seules quatre ont été interdites. Il s'agit des manifestations prévues à Casablanca, Rabat, Tanger et Oujda. Dans le reste des villes ces manifestations se sont déroulées sans problème. Sauf dans certains cas, comme Tétouan, où les manifestants ont commencé à provoquer les forces de l'ordre». Aujourd'hui, la société civile et les citoyens s'inquiètent face à un éventuel retour en arrière en matière des libertés publiques. La procédure est régie par le dahir des libertés publiques Le ministère de l'intérieur se veut rassurant. «Nous ne sommes pas contre le mouvement du 20 Février. Au contraire, nous le considérons comme un phénomène sain dans la société marocaine», soutient cette source sécuritaire. Sauf que, s'inquiète-t-elle, certains indices le montrent, le mouvement est en passe d'être récupéré par des mouvements extrémistes dont les intentions sont loin d'être pacifiques. C'est surtout ce dernier point qui a motivé l'intervention musclée des forces de l'ordre, dimanche dernier dans les quatre villes. Intervention qui a fait, selon des sources du mouvement, plusieurs blessés et s'est soldée par des arrestations. Qu'en sera-t-il dans le futur ? «L'Etat n'a pas l'intention de revenir sur les acquis. Il ne remet pas non plus en question la liberté de manifester», assure-t-on à l'Intérieur. Seulement, tient-on à préciser, «dorénavant, il faut une demande d'autorisation en bonne et due forme avant chaque marche. Sans cela les autorités seront dans l'obligation d'intervenir». Se pose alors une autre question : quand une manifestation est interdite, quand il faut une autorisation pour manifester ? Le dahir des libertés publiques de 1958 apporte quelques éclairages. C'est toujours ce texte, amendé en 1973, qui encadre actuellement l'intervention des forces de l'ordre pour disperser ou interdire une manifestation sur la voie publique. Selon Mustapha Manouzi, avocat et président du Forum marocain pour la vérité et la justice, FMVJ, en matière de libertés publiques, c'est le régime déclaratif qui s'applique. Pour ce juriste, aucune autorisation n'est nécessaire pour manifester. La procédure à suivre, explique la même source, diffère selon la nature mobile ou immobile de la manifestation. Ainsi, les rassemblements spontanés ou programmés n'exigent aucune autorisation, ni avis ou déclaration auprès des autorités. L'autorité a le droit de discuter l'itinéraire d'une marche Pour les manifestations mobiles, les marches, il est nécessaire de déposer auprès des autorités, 3 à 15 jours avant la manifestation, une déclaration mentionnant l'identité des organisateurs, la date, la durée et l'itinéraire de la marche. Il arrive même des fois que l'itinéraire soit fixé après négociation entre les organisateurs et les autorités avant que ces derniers n'autorisent la manifestation. «Là encore, relève ce juriste, la finalité n'est pas d'autoriser la manifestation ou de l'interdire, mais de lui permettre de se dérouler sans heurts. Les forces de l'ordre interviennent pour dégager la voie et protéger les manifestants ainsi que les gens et les biens qui se trouvent aux abords de l'itinéraire fixé». Les sit-in ne nécessitent pas non plus ni déclaration ni autorisation s'ils sont organisés de jour. Pendant la nuit, ils sont généralement dispersés pour des raisons de sécurité, celle des manifestants en premier. Seul hic dans ce cas, les sit-in étaient organisés dans le passé dans des locaux d'associations, syndicats ou autres. Pour les sit-in organisés sur la voie publique, la loi n'est pas claire. Mais dans tous les cas, ils sont autorisés par défaut. Néanmoins, une manifestation peut être frappée d'illégalité et le législateur a spécifié trois cas (voir encadré). Que faire en cas d'abus ? Un recours à la justice est tout indiqué. Ainsi, explique ce juriste, «lorsqu'il y a coups et blessures, les manifestants peuvent recourir à la juridiction pénale. De même, les organisateurs, eux, peuvent également contester auprès de la juridiction administrative pour contester une interdiction abusive ou non justifiée de la manifestation». De l'autre côte, des sanctions sont également prévues. Le non-respect, par les manifestants, des dispositions de ce dahir de 1958 concernant les rassemblements, entraîne une peine d'emprisonnement de six mois à trois ans et une amende 3 000 à 7 000 DH. C'est le cas notamment du refus de se disperser après les trois sommations requises ou l'organisation d'une marche interdite.