Après la répression brutale d'un sit-in tenu samedi devant le Parlement à Rabat, place à la version que se livrent les deux camps. Alors que la préfecture de police brandit les textes de loi pour justifier son intervention, le mouvement «Marocaines contre l'emprisonnement politique» apporte un tout autre son de cloche. Détails. Le mouvement «Marocaines contre l'emprisonnement politique» et les autorités locales de la capitale sont à couteaux tirés. Alors que la préfecture de police de Rabat a indiqué dimanche que l'intervention musclée, la veille contre des manifestants devant le Parlement, est tout à fait légale, le mouvement «Marocaines contre l'emprisonnement politique» ne semble pas convaincu de cette version. Dimanche soir, le comité d'organisation du sit-in en solidarité avec Silya Ziani et les détenus du Hirak s'est fendu d'un communiqué pour commenter ces événements. Une intervention «musclée» et «sans préavis» «Les forces de l'ordre ont violemment réprimé une dizaine de manifestantes et de manifestants qui se sont mobilisés à l'appel des 'Marocaines contre l'emprisonnement politique' devant le Parlement. L'arsenal mis en place par les autorités a fait appel aux bousculades, aux coups de pied, aux insultes, à la violence verbale et à d'autres méthodes humiliantes et dégradantes pour la dignité humaine», indique le mouvement dans un communiqué repris par Al Aoual. Le regroupement affirme aussi que les forces de l'ordre sont intervenues «sans préavis donné aux participants comme c'est pourtant exigé par la loi». «Des femmes, des personnes âgées et des jeunes hommes ont fait face à cette violence bien qu'ils étaient assis par terre pour exprimer le caractère pacifique de la marche. Même les journalistes n'ont pas été épargnés puisque l'un d'eux a été mis à terre et roué de coups de pied alors qu'il s'est présenté en tant que journaliste. Un avocat et militant associatif de renom a été réprimandé lorsqu'il a demandé à un responsable politique d'utiliser les moyens légaux pour mettre fin au sit-in.» Le communiqué affirme aussi que l'«attaque arbitraire et injustifiée des forces de l'ordre contre le sit-in pacifique a entraîné le transfert à l'hôpital d'un certain nombre de victimes dont de nombreux juristes, des journalistes et de jeunes militants». Exprimant sa «condamnation de cette agression honteuse et flagrante sur des femmes et des hommes venus exercer un droit tant vanté par l'Etat et évoqué par la Constitution (l'article 29 sur la liberté de réunion, de rassemblement et de manifestation pacifique, ndlr)», le mouvement écrit que «l'attaque brutale perpétrée par les forces de répression est la dernière incarnation de l'autoritarisme et de son vrai visage laid». Le mouvement salue également toutes les femmes qui se sont déplacées pour assister au sit-in et les militants venus les soutenir. Les «Marocaines contre l'emprisonnement politique» expriment aussi leur solidarité avec les journalistes violentés et soutiennent que la campagne se poursuivra et que «la répression n'empêchera pas de lutter pour la liberté et la dignité». Une intervention conforme aux dispositions légales, selon les autorités Samedi, le sit-in qui aurait dû avoir lieu devant le siège du Parlement à Rabat en solidarité avec Silya Ziani et les détenus du Hirak a été brutalement réprimé par les forces de l'ordre. L'attroupement a été violemment dispersé par les forces anti-émeutes et des policiers équipés de matraques. Quelques heures après, la préfecture de police de Rabat a publié un communiqué pour justifier son «intervention musclée». «Suite à l'attroupement d'un groupe de personnes samedi vers 17 heures au niveau du boulevard Mohammed V de Rabat, les autorités locales et les forces publiques sont intervenues en application de la loi comme le stipule le Dahir n° 1-58-377, publié le 15 novembre 1958, sur les rassemblements publics, telle que modifiée et complétée, et en particulier son chapitre 17». «Le représentant de la force publique, porteur d'un badge fonctionnel, conformément au chapitre 21 du Dahir précité, a appelé les manifestants à quitter les lieux et disperser leur attroupement - ce que certains ont refusé de faire - car ce dernier constitue une atteinte à l'ordre public et entrave la circulation. Certains ont même eu recours à la provocation et à la confrontation avec les membres des forces publiques en tentant de les soumettre à la violence verbale et physique.» La préfecture de police explique ensuite que cette situation «a contraint les forces publiques, en coordination avec le procureur compétent, à intervenir pour disperser la foule». «Lors de cette intervention, certaines personnes ont prétendu s'être évanouies. Des éléments de la protection civile sont intervenus pour les conduire à l'hôpital Ibn Sina, qu'elles ont aussitôt quitté», conclut le communiqué. Une version unanimement contestée par plusieurs personnes présentes samedi devant le Parlement à Rabat, à l'instar de l'intellectuel marocain Maâti Monjib.