Sédentarité, amélioration du niveau de vie, mauvaise hygiène alimentaire en sont le causes. La prévalence du surpoids et de l'obésité est plus importante chez les femmes et affecte plus les 35-59 ans que les autres catégories de la population. Naguère signe ostentatoire d'opulence et de bien-être, l'obésité n'est plus exclusivement l'apanage aujourd'hui des riches, aux revenus substantiels. Sédentarisation et nouvelles habitudes alimentaires obligent, l'excès de poids chez les Marocains n'épargne désormais aucune classe sociale. Est-ce en raison d'un taux d'activité moindre ? De facteurs culturels ? Les femmes sont en tout cas plus touchées que les hommes par le phénomène. Selon les chiffres révélés par «Les cahiers» du Haut commissariat au plan (HCP), et concernant la population adulte de 20 ans et plus, 33,7% d'entre elles sont affectée par le surpoids (pré-obésité) et 17,5% présentent carrément une obésité sévère morbide (voir définitions en page…), sachant que les chiffres de prévalence pour les hommes sont respectivement de 28,7% pour le surpoids et de 5,6% pour l'obésité sévère et morbide. De manière générale, la prévalence du surpoids chez les Marocains (adultes de 20 ans et plus) a sensiblement progressé entre 2001 et 2007 pour afficher un record de 31,1% alors qu'auparavant 27% en étaient affectés. Constat similaire et plutôt grave pour l'obésité sévère et morbide dont le taux de prévalence est passé de 10,7% à 11,3%. Les raisons de cet «empattement» des Marocains ? Elles sont multiples. On y trouve d'abord l'amélioration du niveau de vie de nos concitoyens, avec un panier alimentaire nettement plus riche en calories qu'auparavant. A cela se combine le mode de vie de la population qui tend vers la sédentarisation. Là où l'on marchait, on prend aujourd'hui la voiture, le bus ou le taxi. De même, sur le plan du travail, le niveau de pénibilité de tâches est moins élevé qu'auparavant. En milieu urbain, les services ont pris de l'ampleur au détriment de l'industrie, ce qui favorise un travail de bureau, plutôt qu'une activité manuelle plus gourmande en énergie. Dans la même optique, en milieu rural, la mécanisation et la proximité de biens autrefois éloignés (eau) favorise un moindre recours à la mobilité. Enfin, il faut également signaler un recours plus important au fast food, toutes catégories de Marocains confondus, ce qui se traduit par une consommation accrue de produits gras. Dans ce contexte, les femmes restent plus «enveloppées» que les hommes pour diverses raisons. D'abord un taux d'activité moindre, qui fait, de manière quasi mécanique, des personnes de sexe féminin au chômage des femmes au foyer, donc plus susceptibles de prendre du poids, ensuite, le facteur culturel qui impose encore souvent à la femme d'avoir des rondeurs. En effet, même si la tradition est aujourd'hui balayée par les canons de la mode, la femme marocaine en surpoids est plus appréciée que celle qui est maigre. Dans certaines régions du Maroc, et particulièrement le Sud, le poids de la femme est même vu comme un avantage concurrentiel augmentant ses chances de trouver un mari. L'obésité, qu'on le veuille ou pas, devient le trait dominant de la société de consommation actuelle Ces canons de beauté ont certes changé chez la population BCBG, et les inconditionnels des tours de taille 38 (pour les femmes) et 44 (pour les hommes) deviennent légion. Sauf que l'obésité, qu'on le veuille ou pas, devient le trait dominant de la société de consommation actuelle. On est loin de la malnutrition qui ne produit que des maigrichons faibles physiquement et à la merci de toutes sortes de maladies (dénutrition, tuberculose…). A preuve, le nombre de Marocains «maigres» atteint à peine 3% de la population. A l'époque actuelle, c'est l'effet contraire : un surpoids démesuré, et son corollaire, des dysfonctionnements physiques et mentaux non moins pernicieux et coûteux pour la société que la maigreur maladive. Les chiffres sont là, inquiétants pour la santé des millions de personnes à travers le monde : si quelques-unes parmi ces dernières souffrent encore de famine, ou du moins ne mangent pas à satiété, d'autres se remplissent aveuglément la panse et souffrent dans leur corps d'une kyrielle de maux. Le monde comptait un milliard de personnes obèses en 2010, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Et à ce chiffre s'ajoutera un demi milliard d'ici 2015, à croire une étude réalisée par des scientifiques britanniques de l'Université de Liverpool. Inquiétante est la tendance ; au cours des deux dernières décennies, la prévalence de l'obésité dans la population mondiale a triplé, et si aucune mesure n'est prise, estime l'OMS, l'Europe compterait 150 millions d'adultes (20% de la population) et 15 millions d'enfants et d'adolescents (10% de la population) en état d'obésité. Une personnes sur dix en France est obèse. Dans ce panorama général, le Maroc ne tire pas son épingle du jeu. Comme le dit avec ironie cet observateur : «L'obésité est l'une des expressions locales les plus criantes et les plus désastreuses de l'idéologie consumériste». Les données de l'enquête sur les niveaux de vie des ménages 2006-2007, derniers chiffres disponibles en la matière (Les cahiers du Plan, N°35, mai 2011) sont édifiants : la prévalence du surpoids passe entre 2001 et 2007 de 27% à 31,1% pour l'ensemble de la population, de 29,2% à 33,3% pour le milieu urbain et de 24,1% à 28,1% pour le milieu rural. L'obésité parmi les adultes âgés de 20 ans et plus est estimée à près de 11,3%, avec 8,9% qui sont dans un stade d'obésité sévère et près de 2,4% souffrent d'obésité morbide. Mais, plus grave, le nombre de personnes dans cette même catégorie d'âge qui présentent les signes de préobésité (état nutritionnel qui précède l'obésité sévère et morbide) n'est pas insignifiant : il est estimé à 31,1% de cette tranche de la population. Corrélation étroite entre obésité et morbidité déclarée : elle affecte 15,9% des personnes souffrant de surpoids Quel que soit le milieu de résidence, note l'enquête, ce sont les femmes qui enregistrent en effet les taux de prévalence les plus élevés. En milieu rural, la population féminine affectée par l'obésité représente 18,6%, et par la préobésité 34,1%. En milieu rural, la prévalence de ces deux formes de malnutrition (obésité et préobésité) parmi les femmes est de 15,9% et de 33,2% respectivement. Les hommes sont relativement épargnés : 5,8% en milieu urbain contre 5,3% en milieu urbain. Sauf que la préobésité commence à prendre de l'ampleur : 32,6% dans le milieu urbain contre 23,7% dans le milieu rural (voir tableau). L'étude du HCP est fine à plus d'un titre : elle dit par exemple, chiffres à l'appui, que l'incidence du surpoids augmente à mesure que le niveau des études de la population s'améliore, que l'obésité affecte plus les ménages disposant d'un niveau de vie meilleur que les ménages défavorisés. Ainsi, par exemple, seuls 29,7% des personnes sans niveau scolaire sont affectées par le surpoids alors qu'elles sont 38,8% à l'être parmi celles qui ont fait des études supérieures. Autre constat, c'est surtout parmi les personnes de la tranche 35-59 ans que l'obésité est la plus fréquente. Elles sont 36,9% à être en surpoids (contre une moyenne globale de 31,1%) alors que ce taux n'est que de 23,6% chez les 20-34 ans et de 33,4% chez les 60 ans et plus. Même tendance pour l'obésité sévère et morbide, les 35-59 ans étant 15,7% à être affectés par ce fléau, contre une moyenne nationale de 11,3%. Cette relation entre âge et surpoids ou obésité trouve son explication dans la sédentarisation (on bouge plus quand on est jeune) mais pas seulement. Les plus de 60 ans sont moins affectés que les 35-59 ans, en raison du vieillissement, qui fait que l'on se nourrit moins au fur et à mesure que l'on s'avance dans l'âge. Enfin, dernier constat, c'est dans les régions de Rabat et dans le Sud que le surpoids est le plus prégnant avec des taux respectifs de 40% et 36,3%, alors que les régions enregistrant les taux d'obésité les plus forts sont le Souss et Meknès avec respectivement 14,2% et 13,6%. Sur un autre plan, l'enquête du HCP démontre qu'il existe enfin une corrélation étroite entre obésité et morbidité déclarée. «Les individus se trouvant dans une situation de surpoids enregistrent un taux de morbidité de 15,9% contre 15% pour ceux en situation d'insuffisance pondérale», note l'enquête nationale sur le niveau de vie des ménages du HCP de 2006-2007. Les maladies dues à l'obésité font de cette dernière un véritable problème de santé publique au Maroc : problème esthétique, hypertension artérielle «avec toutes ses conséquences vasculaires sur le cerveau, le cœur et les reins», note le Dr Karim Ouali, médecin nutritionniste et phytothérapeute spécialisé. Et d'ajouter que l'obésité est source d'autres maladies encore : «Le diabète gras avec ses multiples complications tels que les accidents vasculaires cérébraux, l'infarctus du myocarde, les atteintes rénales et rétiniennes ; sans oublier l'insuffisance veineuse qui aboutit aux jambes lourdes et aux varices». Et la liste est longue : le syndrome d'apnée du sommeil qui cause un ronflement, les troubles de cholestérol (dyslipidémies), les complications mécaniques à type d'arthrose sur les articulations porteuses telles que les dernières vertèbres, les hanches, les genoux et les pieds… «Devant toutes ces maladies chroniques et coûteuses en matière de prise en charge, ne serait-il pas plus judicieux et surtout plus économique de privilégier la voie de la prévention et l'éducation», s'interroge le médecin nutritionniste ?