La plus grosse facture, 400 MDH, sera payée par Altadis Maroc qui tente de négocier les tarifs à la baisse. Le conflit qui oppose l'administration des douanes aux producteurs et importateurs de boissons (alcoolisées ou non) et des tabacs, produits assujettis à la Taxe intérieure de consommation (TIC), depuis l'instauration du marquage fiscal est loin d'être résolu. Des sociétés qui contestent les «frais élevés» de cette prestation assurée, à la demande de l'Etat, par la société suisse Sicpa attendent toujours le verdict de la justice et les résultats des pourparlers avec l'administration sur la baisse des tarifs. Certains opérateurs ont durci le ton en réclamant leur droit par voie de justice. Il s'agit des Brasseries du Maroc et, dit-on de source bien informée, de Philip Morris, le détenteur des fameuses marques de cigarette Marlboro, entre autres. Le brasseur était le premier à manifester une opposition à cette nouvelle procédure.La cause : le groupe contrôlé par le français Castel s'est senti plus lésé que les autres opérateurs soumis à ce système puisque les tarifs qu'il est sommé de payer sont jugés plus élevés. En fait, Sicpa avait fixé, en concertation avec l'administration des douanes, des tarifs jugés «disproportionnés». Elle impose 1 centime pour chaque bouteille d'eau, 3 pour les sodas, 20 pour les bières, 1,30 DH pour les vins, 2,40 DH pour les alcools forts et 50 centimes pour chaque paquet de cigarettes. 2010, année noire : TIC en hausse + marquage fiscal Cette différentiation des tarifs, l'administration et la société suisse l'ont justifiée par un souci de péréquation qui veut que les produits «sociaux» payent moins que les produits nuisibles à la santé du consommateur, sachant que le prix réel indépendamment du contenu est estimé par la société suisse à 8 centimes par unité. Or le brasseur ne l'entendait pas de cette oreille. Il est allé même jusqu'à refuser en septembre dernier de payer le prix imposé par Sicpa en réclamant d'être traité sur un pied d'égalité avec les embouteilleurs d'eau. Face à l'intransigeance de Sicpa et surtout de la douane, Brasseries du Maroc s'est finalement résignée en acceptant de se conformer à la tarification initiale. Mais ce n'était que partie remise car la société a fait appel à la justice pour faire valoir ses droits. Après le tribunal administratif qui s'est déclaré non compétent pour statuer sur ce dossier, elle a saisi la Cour suprême. Le groupe français ne compte pas baisser les bras d'autant que l'opération s'est traduite, selon la société, par un coût supplémentaire de 75 MDH. De source proche de la société, on n'exclut pas l'idée de répercuter cette hausse des charges sur le consommateur. Mais «seulement dans le cas où la justice ne nous donne pas gain de cause», tient à préciser la même source. Le prix des boissons gazeuses risque aussi d'augmenter dans les jours qui viennent. Tout est suspendu aux négociations en cours entre les représentants des embouteilleurs de limonades et les responsables de l'administration. Ces opérateurs veulent être alignés sur les tarifs payés par les embouteilleurs d'eau. Regroupés au sein de leur association l'AMB, les limonadiers ont privilégié la voie du dialogue. Et ils comptent sur un argument pour convaincre leurs interlocuteurs à savoir que le nouveau service leur coûte 50 MDH annuellement, ce qui «affecte sérieusement l'industrie d'autant que celle-ci a été sommée de s'acquitter de frais supplémentaires relatifs à l'augmentation de la TIC», précise-t-on du côté de l'AMB. En tout, les coûts supplémentaires cumulés s'élèvent à 120 MDH en 2010, indique un professionnel. Voilà qui augure une augmentation des prix des limonades, si la situation perdure. Aucune hausse sur le prix des cigarettes pour le moment Personne ne conteste le principe du marquage fiscal. Mais tous les opérateurs concernés réfutent le coût exorbitant de la prestation. Altadis Maroc, qui devrait débourser la majeure partie des 400 MDH par an dus aux opérateurs du secteur de tabac pour la prestation de la société suisse, a opté également pour la voie de négociation. Depuis janvier 2011, les unités de production de cet opérateur sont équipées d'appareils d'estampillage de Sicpa et le système est déjà en marche, mais il se dit au sein des opérateurs concernés par le marquage que l'administration aurait renoncé temporairement à faire payer le cigarettier, ce qu'aucune source officielle ne nous a confirmé. Ses dirigeants tentent de convaincre l'administration des douanes de baisser les prix du service de Sicpa d'autant que la filiale du même groupe Imperial Tobacco en Turquie paie pour le même service et au même prestataire un tarif largement moins élevé, soit l'équivalent de 4 centimes le paquet, selon des sources concordantes. «Le coût du timbre au Maroc est 12 fois plus élevé qu'en Turquie, qui utilise aussi un timbre Sicpa et est 50 fois plus élevé que le coût des timbres actuellement utilisés en Russie», proteste Benjamin Russell de Philip Morris international qui se refuse à confirmer ou infirmer le fait que sa société a esté en justice. Il ajoute que «les timbres papier sont une solution désuète et facilement contrefaisable et que des technologies numériques plus adaptées et moins chères sont disponibles sur le marché». Les responsables de Philip Morris et de leur partenaire Altadis Maroc s'emploient, au cours des négociations avec les représentants de l'administration, à sensibiliser ces derniers sur cet écart considérable. En attendant l'issue du dialogue, l'opérateur ne répercute pas cette surcharge financière sur le consommateur… Pour le moment du moins.