L'individualisation des salaires devient la règle dans le secteur privé. On assiste à une tendance de généralisation de la pratique des contrats d'objectifs et de la rétribution de la performance individuelle. Quelles sont les fonctions les mieux payées sur la place ? A priori, la question constitue un véritable casse-tête pour les entreprises. Quel que soit le niveau d'expérience, toutes fonctions confondues, les salaires offerts aux cadres de la fonction commerciale restent les plus élevés. La logistique gagne des galons également. Tour d'horizon avec El Houcine Berbou, docteur d'Etat en sciences de gestion et consultant manager à LMS-ORH. Quelle analyse faites-vous des salaires actuellement ? Avant d'analyser l'évolution des salaires, je me permets de rappeler le contexte de ces dernières années qui a eu forcément un impact sur les salaires. Je tiens à préciser que l'année 2010 marque la fin d'un cycle économique. Elle coïncide avec la fin d'un certain nombre de programmes de développement qui étaient lancés par l'Etat quelques années auparavant (plan Azur…). L'année 2010 étant considérée comme une année de récolte des fruits de ces programmes qui devaient avoir un effet sur la croissance économique et donc sur l'enrichissement des citoyens. Les attentes sont donc fortes et la revalorisation des salaires devrait être au rendez-vous. Néanmoins, il faut inscrire la situation d'aujourd'hui dans un contexte national qui présente trois sortes de contraintes. D'abord, les contraintes liées aux effets de la crise qui n'ont pas été ressentis en même temps que les pays occidentaux. Cette année, ces effets négatifs sont manifestes notamment au niveau des multinationales, des sociétés exportatrices et des entreprises qui importent l'essentiel de leurs produits intermédiaires en devises. Ensuite, les contraintes liées aux coupes budgétaires opérées par l'Etat sur les budgets de certains ministères et la difficulté réelle à monter des Lois de finances équilibrées et favorisant la croissance. La conséquence directe, le dialogue social n'a pas eu l'effet escompté par les partenaires sociaux en matière de valorisation des salaires. Enfin, le manque de visibilité quant à l'amélioration de l'environnement économique pour nombre de secteurs, malgré une reprise confirmée dans certaines filières comme le textile, la chimie, le tourisme, les transports, le BTP… La facture pétrolière pesant relativise cette reprise. Si on revient à la question des salaires, on peut dire globalement qu'on s'attend à des augmentations de salaires de l'ordre de 5 à 6%, soit un taux moyen dû notamment à la réduction de l'impôt sur le revenu (IR) de deux points ces dernière années. Ce taux est à prendre avec précautions car des fonctions ont connu forcément des taux d'augmentation supérieurs à 5%, notamment dans l'ingénierie, la logistique et bien d'autres. Qu'en est-il du secteur public ? Dans le secteur public, vu la croissance grandissante de la masse salariale, l'Etat recommande aux établissements publics qui sont appelés à changer leurs statuts pour passer d'une logique de contrôle a priori à un contrôle d'accompagnement, de prévoir, s'il y a lieu, la revalorisation de la partie variable du salaire et non de la partie fixe. Ce qui permet de donner plus de flexibilité en matière de pilotage de la masse salariale. Il faut noter aussi qu'on assiste à une tendance de généralisation de la pratique des contrats d'objectifs et de la rétribution de la performance individuelle. Concernant les nouveaux recrutements, cela dépend. Les entreprises sont toujours prêtes à faire des concessions quand il s'agit de recruter «l'oiseau rare». Cela peut se faire via l'élaboration d'un contrat sur-mesure quand le statut du personnel en vigueur ne donne pas beaucoup d'ouvertures. On assiste donc à une dualité en matière de gestion salariale. Les entreprises peuvent également accorder dans ces cas d'espèce des avantages additionnels pour attirer les meilleurs profils ( exemple : congés plus conséquents, prêts exceptionnels, retraite complémentaire, bonus exceptionnels…). Quels sont les métiers ou les fonctions qui sont les mieux rémunérés actuellement ? La filière commerciale continue à s'inscrire dans un trend haussier, notamment dans le secteur de la banque d'affaires, des activités de marché, des industries chimiques et du secteur des services. Très souvent l'individualisation des salaires devient la règle dans le secteur privé. Pour certaines fonctions, le salaire variable peut dépasser 40% du salaire actuel global, cela est d'autant plus vrai quand on est dans des postes à responsabilités. Dans cette filière, ce sont les commerciaux seniors, technico-commerciaux, responsables grands comptes et chargés d'affaires qui se détachent du lot. Pour exemple, un salaire d'un responsable grands comptes peut varier de 200 000 à 500 000 DH annuels bruts selon son expérience, son secteur d'activité, la taille de l'entreprise… Il y a également la filière finance qui est en vogue. A cet effet, la fonction contrôle de gestion tient une place importante. Aujourd'hui, les contrôleurs de gestion dans le domaine industriel sont très rares. Généralement, ils sont issus d'écoles d'ingénieurs qui sont par la suite formés au métier de contrôleur de gestion. Les salaires varient de 200 000 à 500 000 DH annuels bruts. Dans certains cas, les taux d'augmentation de salaire vont jusqu'à 10% annuellement. Toujours dans la filière finance, on peut citer également les métiers de la finance de marché. Les banques d'affaires et corporate connaissent des augmentations de salaire incomparables. La fonction RH n'est pas en reste puisque les salaires des DRH et RRH ont connu des évolutions très importantes ces dernières années. C'est devenu une fonction stratégique et non de support. Dans certaines entreprises, on va même assister au recrutement de RRH par domaine d'activité stratégique. Vous venez de citer là des fonctions classiques, sinon, y a-t-il des fonctions nouvelles qui prennent de l'importance ? Tout à fait ! A cet effet, je pense que la fonction logistique et achat a pris des galons ces dernières années. Les entreprises industrielles, principalement celles du secteur du transport et de la grande distribution ont été à l'origine de son développement. On assiste aussi à une diversification du métier de logisticien qui, soulignons-le, reste au carrefour de plusieurs fonctions tels que les achats, l'approvisionnement, le conditionnement, le stockage, la livraison…sa mission principale est d'optimiser au maximum les coûts de l'entreprise aussi bien en amont (achats) qu'en aval (distribution). Les salaires vont de 250 000 à 500 000 DH annuels bruts. Pour certains, la part variable peut atteindre 10% du salaire.