Alors que les particuliers fournissent 57% des ressources du système bancaire, les crédits qui leur sont octroyés ne dépassent pas 21% de ces créances. Les entreprises privées sont le premier emprunteur auprès des banques avec 2,4 fois ce qu'elles y déposent. Le secteur public, y compris l'administration centrale, est endetté à hauteur de 121 milliards DH. D'où vient l'argent des banques et qui en profite ? A cette question simple, une réponse tout aussi simple : ce ne sont pas les plus gros pourvoyeurs de ressources au système bancaire qui accaparent le plus de crédits. De fait, quand on dit que la croissance économique est tirée par la consommation intérieure, notamment celle des ménages, c'est tout aussi vrai pour ce qui est de l'épargne. Aujourd'hui, les particuliers et les MRE, à travers leurs comptes à vue et leurs dépôts à terme, restent les principaux pourvoyeurs de ressources au système bancaire. C'est ce qui se dégage des dernières statistiques monétaires de Bank Al Maghrib établies pour la période courant jusqu'à fin juillet 2010. De fait, ce sont les entreprises privées qui sont les premiers débiteurs du système bancaire avec des créances consolidées totales qui approchent les 300 milliards de DH dont 289 milliards de crédits de différentes natures, le reste étant constitué de titres de participations et d'actions, au total elles mobilisent 38,5% des créances détenues par les banques. Le plus gros, environ 119 milliards, est évidemment constitué de crédits de fonctionnement telles que les facilités de caisse, les découverts et les crédits de trésorerie. Les crédits à l'équipement, pour leur part, ont atteint un encours de 109 milliards à la fin juillet, le reste, environ 61 milliards de DH, est formé soit de prêts immobiliers (et non pas de prêts à la promotion immobilière) pour 44 milliards de DH et autres crédits pour 2,9 milliards. A cela, il faut ajouter un portefeuille de 13,9 milliards de DH de créances en souffrance. Le deuxième consommateur de crédits bancaires est constitué de la population des particuliers et les MRE qui accaparent 165,7 milliards de DH de l'encours des crédits (21,2% des créances) répartis entre 112,4 milliards pour les crédits à l'habitat, 31 milliards de crédits à la consommation et 7,4 milliards de DH sous forme de facilité de caisse et de découvert. Les sociétés financières endettées à hauteur de 139 milliards de DH A ces deux importants consommateurs de crédit s'ajoutent les encours de prêts accordés aux sociétés financières, catégorie dans la quelle on retrouve les compagnies d'assurance, les sociétés de crédit à la consommation, les associations de microcrédit, les organismes de retraites, la Caisse de dépôt et de gestion, entre autres exemples. Au 31 juillet dernier, ces organismes sont endettés auprès des banques pour 139 milliards de DH. A la quatrième place on retrouve le secteur public toutes catégories confondues sur lequel le système bancaire, y compris Bank Al Maghrib, détient des créances totales d'un encours de 121 milliards de DH dont 78 milliards pour la seule administration centrale et 43 milliards pour les offices, les entreprises publiques et les collectivités locales. Il faut préciser, toutefois, que l'essentiel des créances sur l'administration centrale, soit 67 milliards de DH, est constitué en fait du portefeuille des bons du Trésor détenus par les banques, le reste, soit 11 milliards, étant effectivement des crédits et facilités accordées par les banques (6 milliards) et par BAM (5 milliards de DH). Pour ce qui est des professions libérales, des commerçants et des artisans (tous regroupés sous l'appellation «entrepreneurs individuel»), l'encours des crédits à fin juillet 2010 a atteint 52,5 milliards constitués essentiellement de crédits à la promotion immobilière pour 28 milliards, de 10,5 milliards au titre de crédits à l'équipement, de 8,7 de découvert et de crédits de trésorerie et seulement 300 millions DH de crédits à la consommation. Si les entreprises privées sont la première destination des crédits bancaires, en matière d'origine des ressources du système l'ordre s'inverse. Ainsi, les particuliers et les MRE sont, et de loin, les premiers pourvoyeurs de ressources au système bancaire avec un total de 401 milliards de DH (pour 165,7 milliards de DH de crédit). Ces 400 milliards représentent près de 57% des ressources du système bancaire et une bonne partie est placée sans contrepartie. Sur les 400 milliards de DH provenant des particuliers, ce sont, en effet, 234 milliards qui dorment dans des dépôts à vue, non rémunérés alors que 83,7 milliards seulement vont à des comptes à terme et bons de caisse et, enfin, 73,4 milliards sont inscrits au titre des livrets d'épargne. Les entreprises privées, pour leur part, ne confient au système bancaire que 42% de ce qu'elles empruntent. 126 milliards de DH sont déposés par les entreprises, soit moins de 18% du total des ressources des banques. Et encore, 65,6 milliards seulement sont placés en dépôts à vue, alors que 29 milliards sont fructifiés dans des comptes à terme et 26 milliards sont investis sous forme d'actifs monétaires du type titres OPCVM et autres. Au final, la clientèle des entreprises puise dans le secteur bancaire l'équivalent de 3 fois les ressources qu'elle apporte alors que pour la clientèle des particuliers le rapport est à l'inverse. Comme pour beaucoup d'autres aspects, ceux qui créent ou apportent le plus de richesses ne sont pas forcément ceux qui en profitent les premiers. Détail intéressant qui ressort également des statistiques de la Banque centrale : le Budget de l'Etat est manifestement de plus en plus serré. En atteste l'évolution du compte courant du Trésor auprès de la Banque centrale qui présentait à fin juillet un solde, loin d'être confortable, de 1,3 milliard. En juin, la situation était encore plus inconfortable avec un compte courant d'à peine 890 MDH alors qu'au mois de décembre dernier le compte du trésor atteignait encore presque 4 milliards DH. Des dépôts qui continuent de croître moins vite que les crédits C'est chez la catégorie des professions libérales, commerçants et artisans que l'on retrouve ainsi le taux le plus élevé de créances en souffrance, presque 10% contre seulement 4,8% chez les entreprises privées et 7,7% pour la clientèle de particuliers et MRE. Au vu de ces chiffres, l'on comprend bien le souci des pouvoirs publics quant au développement de l'épargne longue des ménages. Ceci est d'autant plus justifié que lorsqu'on examine l'évolution des encours des comptes d'épargne, notamment les comptes sur carnet et les comptes à terme des particuliers, y compris les MRE, l'on constate des hausses légères. Ainsi, entre juillet 2009 et juillet 2010, les dépôts à vue n'ont augmenté que de +5,4% contre +7,8% pour les comptes d'épargne et seulement +1,6% pour les comptes à terme. Il y a quelques mois, le ministre des finances, Salahedddine Mezouar, avait laissé entendre que l'année 2011 serait placée sous le signe du développement de l'épargne. L'on sait également que la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) avait initié en 2009 déjà une étude sur les moyens de développer l'épargne longue. En même temps, et tout au long de l'année 2009 (durant 2010 aussi), le secteur bancaire a montré un essoufflement au niveau de l'évolution de ses ressources par rapport aux emplois. Les crédits à l'économie des banques commerciales ont augmenté de +11,6% entre juillet 2009 et juillet 2010. La pression sur les liquidités a été telle que Bank Al Maghrib a par trois fois baissé le taux de la réserve légale pour la ramener à 6% actuellement. Et tout cela ne risque pas de s'arranger de sitôt quand on sait qu'en plus c'est maintenant le Trésor, pour cause de budget en difficulté, qui devra lever des fonds sur un marché déjà asséché.