La mission d'un dirigeant est de faire en sorte que son entreprise soit rentable dans le strict respect de ses collaborateurs. Au Maroc, l'humilité est encore considérée comme une faiblesse. Les filiales des multinationales sont encore perçues comme les garantes du management moderne. Strict mais juste avec ses collaborateurs avec comme point de mire la rentabilité de l'entreprise, c'est en substance le profil du manager efficace, dressé par Ali Serhani, consultant RH à Gesper Services. Il pointe les comportements inappropriés et met en évidence les moyens de les corriger sans toutefois renier sa personnalité. Comment faire pour identifier les signes d'un mauvais management ? Tout d'abord, il faudrait que le manager concerné admette qu'il a des défauts. Ensuite, il doit être à l'écoute de ce qu'on lui reproche à condition que cela émane de personnes objectives et non de celles qui ont tendance à mélanger objectivité et émotion. Un proverbe chinois dit que «ce n'est qu'avec les yeux des autres qu'on peut bien voir ses défauts». Un manager avisé doit faire son autocritique. Une autocritique objective et raisonnée est essentielle pour l'évolution de sa carrière. Cependant, n'oublions pas que nous parlons ici de travail. Ce qui implique certaines qualités, mais également une certaine manière de voir les choses, différente du raisonnement ou de l'attitude qu'on peut avoir avec les membres de sa famille, par exemple. Un manager ne doit être ni trop arrogant ni trop laxiste, il se doit tout simplement d'être un manager attendu sur ses résultats, à savoir sa gestion de l'entreprise, sa vision RH et enfin les résultats de fin d'année. Vous parlez d'autocritique. Est-ce à dire qu'il faut se remettre en question périodiquement ? Oui, mais à condition que la remise en question ne devienne pas obsessionnelle. Au risque de me répéter, le rôle d'un dirigeant n'est pas de jouer au «bon» ou au «méchant». C'est de faire en sorte que l'entreprise soit rentable, à condition de s'y prendre de manière éthique dans le strict respect de ses collaborateurs. D'ailleurs et pour ne rien vous cacher, je suis contre toute forme d'amitié dans l'entreprise. Elles finissent toujours très mal, surtout lorsque des questions de promotion et donc de pouvoir sont en jeu. Avez-vous déjà eu affaire à des managers marocains qui se prêtent à cet exercice d'autocritique ? J'avoue que c'est assez rare. Je me souviens toutefois d'un manager très strict et froid avec ses équipes. Bien que foncièrement bon, il ne s'était pas rendu compte qu'il se comportait comme un «dictateur». Son attitude a entraîné un turn-over important. Nous avons alors beaucoup travaillé ensemble en mettant l'accent sur ce problème. La première chose qu'il a faite a été de rencontrer son DRH en dehors de l'entreprise. Six mois plus tard, beaucoup de choses ont changé dans sa manière de procéder parce qu'il a réussi à prendre conscience de ses erreurs. Aujourd'hui, il est toujours très strict, mais moins brutal avec ses collaborateurs et cela semble porter ses fruits. Quand on exerce une fonction managériale, il est très important de se remettre en question à l'instar des Anglo-saxons. Le problème est que le management est très lié à la culture d'un pays. Au Maroc, l'humilité est encore considérée comme une faiblesse. Les rapports au travail sont encore trop souvent dominés par des rapports de force, ce qui crée une mauvaise ambiance et un manque de motivation. Je tiens également à préciser que la responsabilité d'un manager n'est pas toujours à l'origine d'un problème. Parfois, certains salariés sans scrupule et détenteurs d'un «certain pouvoir» au sein de leur entreprise entraînent leurs collègues dans des aventures qui peuvent conduire à des conflits. Nous avons vécu cela avec la filiale d'une multinationale qui a finalement décidé de plier bagages. En résumé, quelle est la démarche la plus appropriée pour rectifier le tir ? Une fois les défauts identifiés, on doit reconnaître son envie de progresser. Pour cela, on doit faire preuve de méthodologie dans la manière d'attaquer les problèmes parce qu'il est impossible de changer du jour au lendemain. Ne dit-on pas : «Chassez le naturel, il revient au galop». Le manager ne doit pas hésiter à s'adresser à un coach professionnel pour son accompagnement. Ce dernier sera à ses côtés, mais c'est au manager de faire tout le travail sur lui-même pour pouvoir changer. Les résultats sont généralement plus que probants. On demande aussi de plus en plus au manager d'être un coach pour ses collaborateurs, qu'en pensez-vous ? Tout à fait. Le manager, dont la fonction première est de faire du chiffre, doit être un rassembleur, un meneur d'hommes et de femmes. Il est censé être un exemple, une boussole pour son équipe. Comme ont dit en arabe, il se doit d'être une «quoudwa», un modèle, un mentor dans son sens le plus positif, je tiens à préciser. Pour être en mesure de coacher son équipe, il doit être psychologue et faire preuve d'empathie tout en étant strict, mais juste. Un manager doit se comporter comme le capitaine d'un navire en pleine mer, surtout lorsqu'elle est agitée. Il évolue dans un environnement en perpétuel mouvement dans lequel il se doit d'être pro-actif, présent et surtout rassurant pour ses équipes. Revenons à la relation entre la culture et le management. Selon vous quels sont les styles que l'on retrouve au Maroc ? Je ne vais pas m'attarder sur les considérations théoriques. Pour moi, la réponse à cette question émane des candidats que nous recevons. Lorsque nous les interrogeons sur le type d'entreprise qu'ils souhaitent intégrer, leur préférence va invariablement aux filiales des multinationales. Cela veut tout dire : ces dernières symbolisent le management moderne que l'on retrouve aussi dans quelques grands groupes nationaux. A côté, il y a le management de type féodal. Les adeptes de ce mode de gestion considèrent encore leur entreprise comme leur propre ferme, leur fief, même s'ils ne sont que des salariés. Ils font de leurs collaborateurs ce qu'ils veulent, créent des clans, divisent pour mieux régner. Pour conclure, je pense qu'un manager à tout intérêt à se constituer son noyau dur composé de personnes compétentes intègres, justes et non des courtisans. C'est de cette manière qu'il réussira à bâtir des liens forts avec ses équipes. Des rapports basés sur le respect, la confiance et la délégation.