Pour les assureurs, la période transitoire de 5 ans n'a même pas encore commencé car deux arrêtés d'application de la loi sur l'Amo ne sont pas encore disponibles. Le SGG consulté par la Primature a déclaré l'argument des assureurs recevable. 350 000 assurés aujourd'hui chez le privé échappent à l'Amo pour une période qui risque d'être longue. Soulagement pour les compagnies d'assurance privées. L'obligation légale faite aux entreprises du secteur privé de basculer vers le régime de l'Assurance maladie obligatoire (Amo) dans quelques mois est reportée. Et c'est le Premier ministre qui a rendu sa décision sur la base d'une consultation juridique commanditée auprès du Secrétariat général du gouvernement (SGG). L'article 114 de la loi 65-00 sur l'Amo stipule en effet que les entreprises du secteur privé disposant généralement de couverture maladie auprès de compagnies d'assurances doivent passer vers le régime de l'Amo dans un délai de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de ladite loi. Ce délai expirerait théoriquement le 15 août prochain. A l'approche de la date butoir, le débat a pris place et les compagnies ont, naturellement, défendu leur gagne-pain en avançant un argument de taille. Le délai de 5 ans, dont il est question dans l'article 114 de la loi, commence à courir, toujours selon la loi, à partir de la promulgation de tous les décrets d'application. Or, il se trouve qu'aujourd'hui encore, deux arrêtés censés émaner du ministère de la santé ne sont pas encore disponibles. Du coup, font remarquer les assureurs, le compte à rebours pour le basculement ne pouvait tout simplement pas être enclenché. A la mi-mai, le SGG a rendu son verdict en déclarant l'argument des assureurs recevable. S'en est suivie une correspondance officielle de la Primature à la Fédération des assurances les informant de la décision de reporter sine die le basculement vers l'Amo. Il faudra donc attendre que le ministère de la santé publie ses deux arrêtés. Mais selon des sources proches du dossier, cela ne risque pas de se faire de sitôt à cause de difficultés techniques dans l'application. Le report satisfait aussi les salariés bien protégés Le premier arrêté est censé étendre la couverture aux parents de l'assuré. Les raisons de son blocage se situent à deux niveaux. D'abord l'Agence nationale de l'assurance maladie (Anam) n'a pas encore effectué l'étude actuarielle nécessaire pour évaluer l'impact financier de cette mesure. Se pose ensuite le problème de la cotisation qui pourrait être revue à la hausse afin de permettre une prise en charge des ascendants. Auquel cas la question est de savoir si les assurés seront prêts à faire l'effort. La décision devra forcément passer par des négociations avec les syndicats. Pour ce qui est du deuxième texte, qui concerne le transfert des patients à l'étranger, l'Anam doit établir une liste des pathologies pouvant bénéficier d'une telle prise en charge. Ce qui, là encore, n'est pas encore fait. Aujourd'hui, les organismes gestionnaires, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (Cnops), autorisent et prennent en charge des soins à l'étranger suite à une confirmation de l'avis du médecin traitant auprès d'un professeur médecin au niveau d'un Centre hospitalier universitaire (CHU) ou d'un hôpital public. Une procédure qui sera certes simplifiée après la promulgation de l'arrêté du ministère de la santé mais qui risque de faire l'objet de contestations dans la mesure où, selon des sources proches du dossier, la liste limitative pourrait exclure des maladies actuellement prises en charge. Cette situation n'est pas pour déplaire aux compagnies d'assurance privées qui s'opposent vivement au basculement de leurs clients vers l'Amo depuis bientôt un an. C'est que les enjeux financiers sont colossaux. Le basculement entraînerait, en effet, une perte de chiffre d'affaires annuel estimée à 2 milliards de DH au titre des primes de l'assurance maladie versées par leurs 350 000 assurés actuels. Par ailleurs, les assureurs avancent aussi que le basculement vers l'Amo de cette population risque de déséquilibrer la situation financière de la Cnss. Il faut rappeler qu'une étude dévoilée par l'Anam aux professionnels de la santé, en janvier dernier, s'était montrée assez alarmiste sur les perspectives du régime. Cette étude prévoit, en effet, un déficit cumulé du régime Amo de l'ordre de 1,6 milliard de DH dès 2013. Et la CNSS serait la première concernée dans la mesure où le déficit est attendu dès 2011. Alors que la CNOPS, gestionnaire de l'Amo pour les fonctionnaires, ne sera, quant à elle, touchée que deux années plus tard. L'élargissement de la population couverte risque-t-il de creuser davantage le déficit prévisible comme le prédisent les assureurs ? Rien n'est moins sûr, car les cotisations provenant des 350 000 assurés pourraient au contraire atténuer le solde négatif. Tout dépend en fait du rapport entre les versements effectués et le montant des prestations dont ils bénéficieraient, sachant que celles-ci excluraient les soins dentaires de toutes les manières. Avec tout cela, il faudrait aussi prendre en compte ce que pensent les assurés eux-mêmes. Pour appuyer son lobbying, la Fédération marocaine des sociétés d'assurance et de réassurance avait diligenté, en 2009, une enquête de satisfaction auprès d'environ 700 entreprises et qui avait abouti au fait que 98% s'étaient prononcées contre le basculement vers l'Amo. Entre autres causes évoquées, la limitation de la liste des médicaments remboursables, l'exclusion des soins dentaires et l'insuffisance du panier des soins. Un argument qui a peut-être aujourd'hui moins de poids puisque la CNSS a étendu en février dernier la couverture aux soins ambulatoires.