Il est fort à parier que le coût de la vie va servir de prétexte pour essayer de détourner, voire retarder, le débat et l'action au sujet de grandes réformes. Il fallait bien s'y attendre ! Au vu du jeu politico-politicien à la marocaine qui a tendance à privilégier les situations de crise, la cherté des prix se présente comme une aubaine pour toute force d'opposition. Et par opposition, il ne faut pas entendre uniquement «formations politiques hors majorité», qui gesticulent à coup de lettres ouvertes ou de communiqués de bureaux politiques pour tenter, tant bien que mal, de décrédibiliser l'action gouvernementale. Il est question ici de l'opposition que peut receler l'ensemble du paysage institutionnel, avec ses tentacules dans l'administration, dans la société civile, dans la rue... Car au-delà du Parti du progrès et du socialisme (PPS) qui veut se refaire une virginité sociale ou du Parti de la justice et du développement (PJD) qui a démontré toute son incompétence dans la gestion des affaires, il est fort à parier que le coût de la vie va servir de prétexte pour essayer de détourner, voire retarder, le débat et l'action au sujet de grandes réformes. Des chantiers titanesques au titre desquels les leaders de ces deux formations ne trouvaient rien à redire quand le gouvernement, dans sa démarche consensuelle, a pris la peine de les consulter. S'ils n'ont jusque-là pas trouvé de quoi critiquer Aziz Akhannouch et sa majorité sur les avancées des réformes bloquées depuis des lustres dans l'Education, la Santé et la protection sociale, l'Emploi ainsi que l'Investissement, il est plus aisé de fustiger l'Exécutif en raison du prix du poivron qui pique à 28 dirhams... La flambée des prix des fruits et légumes passés à la centrifugeuse avec une pincée de mauvaise foi politicienne est une bonne recette pour haranguer les foules et créer des blocages. On le voit avec ce bon (et pas si) vieux front social marocain, qui se réveille à chaque soubresaut des marchés pour appeler à une manifestation contre la vie chère comme il a coutume de le faire pour constater à chaque fois le rétrécissement de ses rangs. Malheureusement, il n'est pas exclu que ce recensement des forces se propage aux syndicats qui fêteront leur première année du 1er Mai sans «restrictions covidiennes». Certaines centrales chercheront aussi à surfer sur cette vague passagère de la «life cost» pour tenter de se dérober à leurs engagements. Déjà qu'elles brandissent le slogan de «détérioration du pouvoir d'achat» dès qu'il s'agit de négocier le contenu du droit de la grève et du Code du travail, alors que c'est de ces réformes que dépend justement l'amélioration des revenus des travailleurs, pour ne citer que leur conditionnement à la deuxième tranche de la hausse du SMIG prévue dans l'accord du 30 avril. En substance, la fièvre des prix et l'affolement passager des statistiques de l'inflation donnent lieu à une surenchère politique dans un meli melo de revendications et de critiques. Il y a de quoi dévier de la voie tracée par une majorité gouvernementale qui a pourtant démontré, ces 18 derniers mois, que son homogénéité et sa cohérence permettent de faire avancer les chantiers les plus compliqués visant à consolider l'édification de cet Etat social auquel aspirent tant les Marocains. Face à ce crash-test subi à cause de cette conjoncture temporelle des marchés, l'alliance des partis de la majorité a l'occasion de se renforcer en démontrant qu'elle reste fidèle à la voie tracée. Celle des engagements formulés dans un programme gouvernemental qui rompt avec les verbiages de souks.