Face à la concurrence étrangère, bon nombre d'entreprises locales tentent tant bien que mal de cibler les profils IT marocains établis à l'étranger, notamment en Europe ou encore en Afrique. Ils sont surtout recherchés pour leur expertise pointue qui n'existe pas localement. La pénurie des profils IT est une constante depuis plusieurs années et aujourd'hui, et plus que jamais, ils sont prisés et convoités par la concurrence, notamment étrangère. Du coup, les entreprises locales de tous secteurs se sont retrouvées face à un dilemme : convaincre des candidats frileux à l'idée de changer d'employeurs comme de pays. Toujours est-il que bon nombre d'entreprises locales ont pris le pari d'aller les dénicher ailleurs, notamment en Europe ou encore en Afrique. Chantal Aounil, directrice générale du cabinet de recrutement Potential for Africa, confirme cette tendance et admet qu'il existe un attrait particulier pour les profils pointus. «Face au développement des entreprises au Maroc et au besoin accru de profils à forte valeur ajoutée, tant sur l'aspect technologique que managérial, il réside un déficit d'ingénieurs dans le pays qui est amené à s'accentuer. Certaines entreprises sont à la pointe de certaines technologies comme Indexar ou Drupal et ne trouvent pas par conséquent les profils nécessaires pour y travailler dessus, ce qui les pousse à les chercher ailleurs. Il en ressort que les candidats IT établis à l'étranger ne sont pas contre un retour au Maroc». Forcément, les entreprises du secteur IT sont les premières à s'engager dans ce challenge. Alten Maroc, filiale du leader mondial de l'ingénierie et du conseil en technologie, adopte cette approche depuis plusieurs années. Hajar Bououd, DRH du groupe, note à cet égard que «notre présence dans plus de 30 pays dans le monde nous permet de trouver des profils établis à l'étranger et qui souhaitent venir ou revenir au Maroc. Les avantages à recruter ces profils venant de l'étranger sont nombreux. Ils apportent une expertise et une expérience internationale précieuses dans un contexte mondialisé. Cette démarche nous permet de contribuer à la diversité et à l'inclusion au sein de l'entreprise. L'expérience de ces consultants permet de même d'acquérir une meilleure maturité au sein des équipes projets». Donner à ces profils de haut vol des raisons de revenir En pleine croissance, Capgemini Maroc, cet autre spécialiste des services informatiques, a aussi intensifié ses recrutements durant ces deux dernières années pour accompagner son développement. «Aujourd'hui, nous sommes aussi confrontés à ces problématiques de turnover, de talents qui partent à l'étranger et de compétences qui changent de mode de travail. Comme nous sommes sur la technologie Salesforce, nous ciblons notamment des profils confirmés que nous recherchons aussi bien en Europe, au Maghreb ou en Afrique subsaharienne», note Badr Molato, responsable recrutement chez Capgemini TS. En tout cas, ces entreprises doivent redoubler d'efforts pour attirer des profils de haut vol vers le Maroc, surtout si on sait que le salaire et le cadre de vie y sont pour beaucoup à l'étranger. «Le moyen le plus efficace à long terme pour endiguer cette fuite est avant tout de leur donner une «raison de rester ou de revenir» : c'est-à-dire leur assurer de meilleurs emplois avec de la valeur ajoutée et du sens, davantage de perspectives et un confort de vie, un environnement et un réseau international..., le tout depuis le Maroc», poursuit Badr Molato. Et de continuer que «paradoxalement, c'est aussi d'intégrer les déplacements et mobilités internationales dans le parcours de carrière. Les profils qui partent, reviennent avec des connaissances et de nouveaux réseaux. C'est ainsi plus prometteur». Pour sa part, Chantal Aounil avance que «les profils IT et en particulier les développeurs travaillent tous les jours avec de nouvelles technologies, ils ont soif d'apprendre, de suivre l'évolution des nouvelles technologies et ont donc besoin d'être stimulés régulièrement dans leur travail».Autre facteur important, l'évolution salariale reste souvent si ce n'est la principale raison qui les fait bouger. «Les candidats peuvent avoir entre 20 et 30% d'évolution de salaire pour des offres au Maroc, surtout pour les jeunes diplômés, voire jusqu'à 50% de plus pour les seniors, notamment les chefs de projet», précise Chantal Aounil. Salaire, projets, formation, évolution... chacun sa méthode Hormis l'aspect pécunier, l'entreprise a également un rôle à jouer pour retenir ces talents : mettre en place une infrastructure digitale qui permet de tracker factuellement les résultats, donner accès à des formations de qualité qui permettent de progresser et accepter de changer son modèle managérial pour donner plus de flexibilité dans le travail. «Les collaborateurs sont de plus en plus soucieux de l'environnement de travail dans lequel ils évoluent. Ils recherchent une certaine liberté et de l'autonomie. Nous avons instauré le télétravail bien avant la crise sanitaire et nos collaborateurs sont installés en dehors de Casablanca, ce qui leur permet de rester proches de leurs familles ou dans un cadre de vie qui leur correspond davantage», poursuit le responsable recrutement de Capgemini Maroc TS. Chez Alten Maroc, l'effort est également mis sur la formation en proposant deux programmes phares «Boost» et «Upgrade» qui visent à améliorer leur expertise et à acquérir de nouvelles compétences pour leur carrière. «Le premier permet aux jeunes ingénieurs de poursuivre une formation diplômante en répondant aux exigences du marché. Un programme permettant ainsi le développement des compétences futuristes, rares et stratégiques du Maroc et de notre groupe : quatre promotions dans différents domaines de compétences. Le second porte sur la formation diplômante des collaborateurs souhaitant poursuivre leurs études universitaires (Bac+5). Il valorise les talents et les accompagne tout au long de leur projet professionnel. Nous avons pu former 35 collaborateurs jusqu'à présent», note la DRH d'Alten. Leur montrer que leur expertise est prise en compte Les avantages sociaux sont également de la partie, notamment l'assurance santé, les horaires de travail flexibles, la possibilité de travailler à distance... In fine, être à leur écoute reste le meilleur moyen pour les attirer et encore plus les retenir. «Les informaticiens apprécient d'être impliqués dans le choix des nouvelles technologies à adopter ou essayer. Pour éviter qu'ils se sentent mis à l'écart, comme c'est malheureusement trop souvent le cas, leurs managers doivent montrer que leurs propositions et leur expertise sont prises en compte», conclut Chantal Aounil.