Après un coup de mou en 2020, l'activité Epargne des assurances, véritable locomotive de la branche Vie, est repartie de plus belle, malgré le contexte de crise. Explications. Après une stagnation autour de 16 MMDH en 2020, les primes collectées dans les contrats d'épargne classiques (appelés «épargne en support dirhams», dans le jargon assurantiel), qui comprennent notamment les produits épargne-retraite et épargne-éducation, ainsi que les contrats de capitalisation, ont augmenté de 12,2% en 2021 et de 17,3% en 2022, pour atteindre 21,1 MMDH, d'après les statistiques de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), le régulateur du secteur. Un montant qui en fait, de loin, le premier contributeur au chiffre d'affaires des compagnies, avec une part de 38% de l'ensemble des primes émises en 2022 (55MMDH), devançant la branche Auto (13,8 MMDH) qui a longtemps été considérée comme la vache à lait du secteur. Mieux encore : cette branche représente désormais plus de 82% du total des primes émises par la branche Vie en 2022 (25,6 MMDH). Ce trend haussier ne date pas d'hier, font remarquer les professionnels. En dézoomant un peu, il apparaît que la hausse de la collecte des contrats d'épargne s'inscrit dans une tendance de fond depuis une dizaine d'années, avec des croissances à deux chiffres, surtout à compter de 2015. La garantie du capital, une sécurité appréciée Les raisons de cette accélération sont à chercher, d'abord, du côté du comportement des assurés qui développent de plus en plus une véritable culture de l'épargne. «Une catégorie de Marocains est davantage consciente de l'importance de se constituer une épargne pour ses vieux jours et pour protéger ses proches en cas d'imprévus. Les derniers épisodes de crise que nous avons connus n'ont fait que renforcer ce besoin de se prémunir face aux aléas de la vie», explique d'emblée un professionnel du secteur. Outre ces facteurs d'ordre culturel, les contrats d'assurance-épargne restent privilégiés par rapport à d'autres produits pour la sécurité qu'ils offrent, quitte à être moins rémunérateurs. «C'est une épargne qui est protégée. Certes, elle offre un rendement qui est actuellement bas (inférieur à 3%), mais elle présente une garantie de capital par les compagnies d'assurance», nuance notre source. L'engouement sur ce type de placements est justifié essentiellement par cette sécurité durant cette période de perturbations et de crise, insiste-t-elle. Les contrats en unité de compte trinquent La croissance soutenue de la collecte de l'épargne sur les contrats en support dirhams a également profité en 2022 de conditions de marché qui ont orienté le cash des épargnants vers cette catégorie de produits. Comme nous le rappelle un professionnel, le Masi a baissé de 19% sur l'année 2022, tandis qu'en parallèle, la hausse des taux a impacté les OPCVM obligataires. Conséquence : «De nombreux clients qui détenaient des OPCVM actions, de l'obligataire et du diversifié, ont privilégié la possibilité d'aller vers des produits d'assurance-épargne». Si la contre-performance des marchés des capitaux en 2022 a visiblement profité aux contrats d'épargne classiques, elle a, dans le même temps, pesé sur les contrats d'épargne en unité de compte (ou à capital variable), selon le principe des vases communicants. Ces contrats en unité de compte, qui sont exprimés en parts de valeurs mobilières (en général en parts d'OPCVM), avaient le vent en poupe ces dernières années, dans un contexte de baisse de la rémunération sans risque. Ils permettent aux épargnants en effet de bloquer moins de capital, de proposer potentiellement plus de rendement, mais également de prendre plus de risques. Après plusieurs années de hausse soutenue des primes, cette catégorie de contrats a considérablement marqué le pas en 2022, affichant un recul des primes émises de 30%, pour s'établir à 1,4 MMDH, dans le sillage de la baisse des marchés. Ce recul s'est même accentué au quatrième trimestre (-49%) au moment où la bourse accentuait ses pertes. «Les assurés ne veulent pas prendre de risque pour leur retraite sur les actions», affirme notre source. «Pour le cash collecté via ce genre de contrats, il y a eu des arbitrages pour basculer sur les contrats classiques servant à sauvegarder leur capital. Autrement dit, il y a eu un transfert des primes collectées au niveau des contrats d'épargne en unité de compte vers les contrats d'épargne en support dirhams», poursuit notre interlocuteur. Et ce dernier de résumer : «Il y a une connexion étroite entre ces deux catégories de contrats d'épargne, et un arbitrage automatique est effectué. Quand le marché des capitaux baisse, on s'oriente vers le contrat en dirhams. Quand il augmente, on s'oriente vers les contrats en unité de compte». Reste à savoir si cet intérêt croissant pour les contrats d'épargne, notamment pour la retraite, ne va pas subir un coup d'arrêt suite à l'adoption d'une mesure fiscale dans la Loi de finances 2023 qui cible les rachats des cotisations et des primes (voir encadré). Pour faire court, cette mesure prévoit que le premier dirham de cotisation racheté sera taxable au titre de l'impôt sur le revenu. «C'est une mesure salutaire», estime cet assureur, qui «va permettre à la vraie épargne-retraite d'être mobilisée sur le long terme, orientée et investie, via les compagnies d'assurance, dans le marché des capitaux, l'immobilier ou encore le private equity, afin de générer un rendement intéressant pour les assurés». Il s'agit, en d'autres termes, d'un assainissement de cette catégorie de produits d'épargne, en limitant les possibilités d'optimisation fiscale dont certains épargnants ont abusé. Au final, si l'on se place dans un horizon long terme (8 ans), les contrats d'épargne-retraite restent largement avantageux d'un point de vue fiscal.
Fiscalité : ce qui change pour l'épargne-retraite La Loi de finances 2023 a apporté son lot de nouveautés pour renforcer la vocation long-termiste de l'épargne-retraite. Il s'agit d'abord de la réduction de 50 à 45 ans de la condition de l'âge requis pour déduire du revenu global imposable, dans la limite de 10% de ce revenu (ou de 50% du salaire net imposable), les primes ou cotisations des contrats d'épargne d'une durée égale au moins à 8 ans. Il s'agit ensuite du relèvement du taux de l'abattement de 40 à 70% sur le montant de la rente (en cas de respect des conditions de durée et d'âge) versée sous forme de capital ne dépassant pas 168.000 DH, avec le maintien de l'application du taux d'abattement de 40% pour le surplus et du bénéfice de l'étalement sur une période de 4 ans. Pour les assurés n'ayant pas respecté les conditions d'âge et de durée, est désormais appliquée une retenue à la source des montants bruts des rachats des cotisations sans aucun abattement ou étalement, au taux non libératoire de 15%.