D'un 8 Mars à l'autre, on constate les progrès réalisés pour l'amélioration des droits des femmes. Or, les résistances subsistent. Mais l'on se doit de rester optimiste... «Dans un premier temps, le Code de la famille a représenté un véritable bond en avant, désormais il ne suffit plus en tant que tel. L'expérience a, en effet, mis en évidence certains obstacles qui empêchent de parfaire la réforme initiée et d'atteindre les objectifs escomptés. Au nombre de ces écueils, figure l'application incohérente du Code en raison de divers facteurs sociologiques». C'est en ces termes que le Roi Mohammed VI avait lancé, en juillet dernier, le chantier de la réforme de la Moudawana. Un Code promulgué en 2003 en réponse à la lutte des femmes pour la défense et la garantie de leurs droits. Qualifié alors de révolution tranquille, ce Code de la famille a été renforcé, quelques années plus tard, par la consécration constitutionnelle en 2011 des droits des femmes, par les dispositions du Code de la nationalité et la promulgation de la loi 103-13 relative à la lutte contre les violences à l'égard des femmes. Cette avancée législative «s'est faite sous l'impulsion de S.M. le Roi et a permis l'harmonisation des lois nationales aux conventions internationales. Elle a permis une valorisation du potentiel des femmes et un renforcement de leur présence dans les domaines politique, économique, culturel, sportif, etc. Mais il y a encore, malheureusement, un pouvoir profond et des forces conservatrices qui résistent au changement», avance Nouzha Skalli, militante pour les droits des femmes et ancienne ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité. En sus de ces mentalités rétrogrades, il faut souligner que l'avancée législative connaît des limites en raison d'une mauvaise application de certaines dispositions de la Moudawana ou d'une interprétation restrictive. Ce qui explique la nécessité et l'urgence de la révision du texte de 2003. Au ministère de la Justice, une commission a été mise en place et a tenu des réunions pour déterminer des pistes de réflexion. Cependant, des sources au sein de ce département confient «que globalement on n'a toujours pas arrêté une méthodologie de travail, tout comme il n'y a pas encore de vision précise pour cette réforme». Et plusieurs questions se posent alors : optera-t-on, comme en 2003, pour la création d'une commission indépendante ? Ou bien la révision sera-t-elle pilotée par le ministère de la Justice ? Rien n'est encore fixé pour l'heure. Le «Maroc Social» ne peut exclure les femmes... Dans le milieu associatif, on s'impatiente et l'on déplore ce retard car, est-il précisé, «les Marocaines subissent encore et toujours des discriminations flagrantes». Pour Rabéa Naciri, membre de l'Association démocratique des femmes du Maroc, «du retard a certes été pris, mais il ne faut pas se hâter, on peut encore attendre quelques mois pour avoir une réforme globale et non pas apporter juste de petites modifications. Car, il faut agir dans le sens d'une cohérence entre le Code de la famille et les autres textes nationaux et internationaux». Elle estime, par ailleurs, que «cette réforme doit être menée loin des postulats idéologiques en vue d'avoir un texte adapté à la situation actuelle du Maroc et corrigeant les inégalités existantes sur le terrain». Le principe d'égalité entre hommes et femmes au Maroc est consacré par l'article 19 de la Constitution. Mais les inégalités, et elles sont importantes, persistent. Ainsi, le Code de la famille maintient la polygamie, l'incapacité des mères à exercer la tutelle légale sur leurs enfants et l'inégalité successorale. Par ailleurs, le Code pénal est marqué par une vision patriarcale basée sur le contrôle de la liberté et le corps des femmes. Une situation regrettable car la réussite du chantier du Maroc social implique une approche participative qui n'exclut pas les femmes. C'est ce que les associations féminines n'ont de cesse de souligner à travers leurs diverses propositions et plaidoyers. Mme Skalli salue «l'implication de la société civile qui est bien organisée et mobilisée pour la défense des droits des femmes», et souligne qu'il faut impérativement prendre en considération les revendications du mouvement féminin. A l'ADFM par exemple, la réforme doit se faire sur la base de trois principes, notamment l'égalité, l'intérêt suprême de l'enfant et faciliter l'accès à la Justice. Ce qui devrait permettre une meilleure protection des droits des femmes dont «40% sont encore analphabètes et n'ont pas accès à la Justice, à la santé et au travail», souligne Mme Naciri. Si les associations sont très impliquées, les partis politiques ne sont visiblement pas si enthousiastes pour la réforme de la Moudawana. En effet, commente Mme Skalli, «les acteurs politiques ne se sont pas approprié les valeurs et l'esprit de l'article 19 de la Constitution». Pourtant, l'actuel chantier du Maroc social ne peut se faire sans les femmes. L'accès aux droits sociaux et économiques demeure limité ! Durant ces deux dernières décennies, la politique en faveur des droits des femmes s'est axée sur l'égalité des sexes. L'objectif est alors non seulement de reconnaître les droits spécifiques à la femme mais aussi et surtout de mettre fin aux discriminations subies. Les nouvelles législations s'inscrivent dans ce sens. Ainsi, le nouveau Code de la famille a relevé l'âge matrimonial des filles de 15 à 18 ans, tout en abolissant la tutelle sur la femme majeure, a placé la famille sous la responsabilité conjointe des époux et a instauré le droit de la femme à demander le divorce tout en soumettant la dissolution du mariage au contrôle du juge, alors que l'ancien texte accordait à l'époux un pouvoir discrétionnaire pour la résiliation du contrat de mariage. Des apports qui reconnaissent donc à la femme son droit d'être citoyenne à part entière. Mais, celle-ci n'est pas aussi affranchie que cela dans la mesure où l'application des dispositions révèle des limites et des procédures longues et compliquées. Sans compter qu'en raison de l'analphabétisme et la précarité en particulier dans le milieu rural, une importante frange de femmes n'ont pas accès à la Justice et donc ne peuvent se défendre. Et les inégalités sont aussi réelles au niveau économique du fait que le Maroc affiche l'un des plus faibles taux d'activité des femmes dans la région MENA.