Spécialisées dans la sous-traitance, les entreprises du nord du Royaume et de Fès ont vécu un début d'année difficile. La baisse des commandes les a poussées à se réinventer, mais… Le secteur de l'habillement et du textile renoue avec la croissance. Selon l'Association marocaine de l'industrie du textile et habillement (AMITH), les exportations du secteur ont atteint les 31,5 milliards de dirhams à fin septembre, enregistrant une hausse de 28% par rapport à la même période en 2021. Le Maroc a pu, en dépit de la difficile conjoncture, conserver ainsi son positionnement sur la carte du sourcing international, puisqu'il est dans le top 10 des fournisseurs européens. Et il s'est également accroché à son deuxième rang de fournisseur des pays du bassin méditerranéen. La lecture des données de l'Amith révèle que c'est toujours la confection qui booste les exportations globales, puisqu'elle a réalisé un chiffre d'affaires de 21,2 milliards de dirhams, marquant ainsi une évolution de 29%. La maille, deuxième filière phare du secteur, a enregistré une croissance de 20% avec un chiffre d'affaires de 6,3 milliards de dirhams contre 5,3 milliards en 2021. Mais au-delà de ces performances attestant d'une reprise post-Covid 19, les professionnels affirment que les «temps demeurent difficiles en ce début d'année». Dans les régions de Fès et du Nord, les unités ne tournent pas à pleine capacité : «Il faut reconnaître que le secteur se remet certes de la crise sanitaire et aussi de l'impact de la guerre en Ukraine, mais les commandes ne sont pas à leur niveau habituel de cette période de l'année », avance Mohamed Dairi, présidente de l'Amith Fès. Même son de cloche à l'Amith de Tanger dont le président, Yassine Aarroud, confie que «les carnets sont 30 à 40% pleins alors qu'habituellement en début d'année, nous étions à un taux de 70%». Le «Mono client», un facteur aggravant En raison de l'impact de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, les ménages ont réduit leurs dépenses, notamment celle de l'habillement qui est aujourd'hui inférieure à 200 euros, nous explique-t-on, ce qui s'est traduit par une baisse des commandes des donneurs d'ordre européens. Pire encore, ces derniers n'ont pas bien vendu leurs collections hivernales, pour une raison climatique. «L'arrivée tardive du froid et des pluies a pénalisé les enseignes de l'habillement», constate Mohamed Dairi. La chute des commandes a contraint les industriels de la région de Fès à réorganiser leur planning de travail. «Dans certaines unités, la production se fait une semaine sur deux, alors que d'autres usines, notamment de petite taille, ont même fermé en attendant la reprise qui devrait intervenir dans un mois ou deux», explique notre source qui ne manque pas de souligner que les unités de sa région comme celles de Tanger font de la sous-traitance et sont donc tributaires des marchés étrangers. En effet, on recense dans la zone Nord près de 300 unités, dont 95% font de la façon pour des donneurs d'ordre et 80% parmi ces entreprises travaillent pour un seul client qui n'est autre que le Groupe espagnol Inditex. Une situation contraignante dans la mesure où, explique le président de l'Amith Fès, «lorsque Inditex se porte bien, les usines de Tanger tournent et elles font même parfois appel à des unités dans la région de Fès. Mais, dans le cas contraire, c'est la crise». Ce schéma de mono client présente selon ces professionnels un grand risque pour la survie du secteur textile, dont 60% des entreprises travaillent pour le groupe Inditex, selon Alaeddine Bahraoui, vice-président de l'Amith Rabat. Pour remédier à cette forte dépendance, s'impose, d'une part, la nécessité d'une diversification des donneurs d'ordre et, d'autre part, une réorientation vers le produit fini. A Fès, l'antenne de l'Amith réfléchit à la confection du produit fini qui génère plus de valeur ajoutée mais «nous avons des obstacles importants : tout d'abord la taille des 200 entreprises de la région. Elles sont petites et emploient en moyenne 60 personnes. Ensuite, l'approvisionnement en matières premières pose aussi problème». Pour dépasser la contrainte de la taille, une expérience a toutefois été menée pendant la crise sanitaire. Celle-ci consistait à regrouper plusieurs unités pour décrocher des commandes de l'étranger. Mais il semblerait que son extension à la production est difficile à gérer aussi bien pour les industriels que pour les donneurs d'ordre. Pour ce qui est de l'amont, le problème se pose également dans la zone Nord où les industriels importent les intrants de Chine et de Turquie. Globalement, le secteur importe 80% des matières premières, ce qui l'expose à une forte dépendance de ses fournisseurs et l'empêche, soulignent les industriels, de développer un produit fini et des marques locales en vue d'une plus grande valeur ajoutée et de la conquête de marchés nouveaux. Ils estiment urgent et nécessaire d'investir dans le développement de la filière amont, car «un approvisionnement local en intrants ouvrira très certainement d'importantes opportunités au secteur». Rabat-Témara tire son épingle du jeu Dans cette région où les entreprises travaillent dans leur grande majorité dans la sous-traitance, la conjoncture est meilleure. Alaeddine Bahraoui, vice-président de l'Amith Rabat, en témoigne : «Nous notons un retour des donneurs d'ordre anglais qui sont nos clients traditionnels. C'est une conséquence de la conjoncture mondiale actuelle qui a poussé plusieurs groupes anglais à quitter les pays de l'Europe de l'Est». Le retour des Anglais est bien concret : des carnets de commandes à 80% pleins et des unités qui tournent. Pour Bahraoui, les projets d'implantation de groupes indiens dans la zone industrielle de Bouknadel sont un facteur favorable au développement du textile dans la région. Celle-ci compte à peu près 50 unités dont 25 à 30 travaillent en sous-traitance pour le marché britannique.