L'opération de rachat des bons du Trésor par la Banque centrale sur le marché secondaire a rassuré les traders : la tension sur les taux s'est apaisée, tandis que le marché boursier a bien rebondi. Le début d'année sur le marché financier est décidément bien volatil. Au lendemain d'une première semaine noire, marquée par un krach sur le marché actions, provoqué par la hausse brutale des taux de toutes les maturités sur le marché secondaire des bons du Trésor, la Bourse de Casablanca a entamé un rebond qui s'est prolongé durant toute la deuxième semaine de janvier. Après avoir lâché plus de 9% durant les 5 premières séances de 2023, le Masi s'est bien repris en gagnant plus de 6% sur la deuxième semaine, ramenant sa performance annuelle à -2,9%. Cette embellie boursière s'accompagne d'une accalmie sur le marché des bons du Trésor, comme en témoigne la levée importante du Trésor sur le marché primaire, le 10 janvier dernier, pour un montant de 17 MMDH, satisfaisant ainsi une bonne partie de ses besoins pour le mois de janvier. Une levée qualifiée de «record» par Attijari Global Research, face à une demande «exceptionnelle» de 34 MMDH de la part des investisseurs. Mais alors, qu'est-ce qui a provoqué ce retournement de situation ? Une intervention, inédite, de Bank Al-Maghrib sur le marché secondaire des bons du Trésor, le 9 janvier dernier. La Banque centrale a acheté ce jour-là pour 15 MMDH de bons du Trésor aux banques, dans l'objectif de réguler le marché des BDT et d'apporter de la liquidité aux investisseurs, essentiellement les banques. La maturité moyenne des bons du Trésor achetés s'est établie à 6,5 mois et le taux de rendement moyen s'est élevé à 3,34%. Une opération qui coûtera donc quelque 270 MDH à la Banque centrale selon nos calculs, et qui a visiblement rassuré les traders quant à la disponibilité de l'argent frais sur le marché. La Bourse «rassurée» «L'intervention de la Banque centrale a vraisemblablement eu les effets escomptés car la tension sur les taux s'est apaisée tandis que le marché boursier a entamé sa reprise», confirme Farid Mezouar, directeur de FL Markets et spécialiste des marchés financiers, qui précise que sur le marché secondaire, «les taux d'intérêt se sont quasiment stabilisés avec une pente plutôt normale». Sur le marché actions, le vent de panique a cédé la place à un regain d'optimisme. «Les investisseurs ont été attirés par les valorisations peu chères, et ont été rassurés par l'action de BAM sur le marché des bons du Trésor», explique notre interlocuteur. D'après cet expert, cette intervention de BAM peut s'apparenter à un assouplissement quantitatif (QE) «qui est favorable au marché boursier comme nous l'avons observé durant les dernières années en zone euro et aux Etats-Unis». Surtout, cette intervention montre que Bank Al-Maghrib, avec à sa tête le wali Abdellatif Jouahri, «se soucie de la bonne tenue du marché obligataire et du marché actions». Sur le marché de la dette publique, les choses s'arrangent également, et on parle même d'un retour à la normale, après plusieurs mois de blocage. Et pour cause, les taux du marché primaire ont rejoint ceux du secondaire sur les maturités où le Trésor a réalisé sa levée durant la séance d'adjudication du 10 janvier. Lors de cette séance, les taux ne se sont pas envolés de manière désordonnée, mais se sont plutôt calés sur ceux observés sur le marché secondaire quelques jours auparavant. C'est le cas notamment pour les maturités à 10 et 20 ans dont les taux ont atteint des niveaux similaires sur les marchés secondaires et primaires, s'établissant respectivement autour de 4,20% et 4,75%, soit les plus hauts depuis 2015, fait remarquer AGR dans sa note d'analyse «Weekly-Taux». Outre l'alignement de la courbe des taux, l'intervention de BAM a permis d'injecter des liquidités nouvelles dans un marché secondaire qui en manquait cruellement. «Comme les OPCVM ont subi des rachats importants en 2022, la liquidité sur le marché secondaire dans le sens des achats a pu être insuffisante», explique notre expert. En procédant aux rachats des bons du Trésor auprès des banques, Bank Al-Maghrib leur a permis d'avoir plus de marge de manœuvre pour de nouvelles souscriptions sur le marché primaire. Et c'est précisément ce qui s'est passé lors de la séance d'adjudication du 10 janvier, lorsque le Trésor a pu lever la somme considérable de 17 MMDH. Un «retour d'appétit» qui s'explique, selon AGR, par le rehaussement des taux de rémunération en ligne avec la hausse des exigences de rentabilité des investisseurs sur quasiment toutes les maturités, notamment le long terme, mettant ainsi fin au blocage sur le marché des Bons du Trésor. D'autres interventions prévues Reste à savoir si ce retour à la normale est durable ou si, au contraire, cette accalmie n'est que passagère. La réponse à cette question dépend de l'attitude qu'adoptera la Banque centrale dans les prochaines semaines, car, comme le souligne Farid Mezouar, «ce genre de stratégie est à juger sur la durée et sur la capacité de BAM à donner le bon tempo en fonction des levées du Trésor». Bank Al-Maghrib a d'ailleurs récidivé, lundi 16 janvier, en procédant au rachat, cette fois-ci, de 1,3 MMDH auprès des banques. La maturité moyenne des bons du Trésor achetés par BAM s'est établie à près de 3 mois, et le taux de rendement moyen s'est élevé à 3,16%. Avec cette deuxième opération, l'encours global des opérations structurelles de Bank Al-Maghrib s'établit ainsi à 16,3 MMDH, sur une enveloppe globale allouée à ce programme de 25 MMDH. Une troisième opération similaire est programmée le lundi 23 janvier, a annoncé la Banque centrale, qui mérite plus que jamais son qualificatif de «gardienne du temple». Marché monétaire : réduction des injections de liquidités Alors qu'elle a racheté pour 15 MMDH des bons du Trésor auprès des banques sur le marché secondaire, la Banque centrale diminue dans le même temps ses injections de liquidités sur le marché monétaire, à travers les traditionnelles avances à 7 jours, pour ces mêmes banques, dans des proportions quasi similaires. En effet, les interventions de BAM sur le marché monétaire lors de la semaine du 9 janvier se sont limitées à 101 MMDH contre 114 MMDH une semaine auparavant, soit un écart de 13 MMDH. En reprenant d'une main ce qu'elle donne de l'autre, BAM cherche à ne pas provoquer un surplus de liquidités sur les marchés, qui irait à l'encontre du resserrement de sa politique monétaire entamée depuis septembre 2022, et qui ralentirait ainsi son objectif de lutte contre l'inflation.