La promotion interne constitue la première option parce que moins coûteuse et plus pratique. Quand une entreprise approche un cadre chez un concurrent, seuls quelques initiés doivent être au courant. Rémunération et garanties sur les perspectives de carrière sont les points les plus épineux à discuter. Crise ou pas crise, les profils de directeurs et, de manière générale, les hauts cadres sont toujours aussi demandés qu'avant voire plus. «Depuis quelques années, on a vu s'accélérer la demande sur des postes de direction générale. Il y a un renouvellement des équipes. Les entreprises recherchent de nouveaux dirigeants réactifs, ouverts et qui peuvent s'appuyer sur un réseau étoffé», explique Siham Alaoui, consultante au sein du cabinet Convergence Conseil. «Les entreprises recherchent des cadres capables de développer une vision stratégique à moyen et long terme. Plus que des gestionnaires solides capables de ramener du cash rapidement, qui ont longtemps eu les faveurs des dirigeants, la demande s'oriente aujourd'hui vers des profils de développeurs», souligne, pour sa part, Yasmina Chbani, Dg de Dale Carnegie Maroc. Reste à savoir comment elles s'y prennent pour trouver les profils conformes à leurs besoins. Cette question est d'autant plus importante que les conséquences d'un mauvais choix sont plus lourdes que quand il s'agit d'un employé ou d'un cadre intermédiaire sans grandes responsabilités. Le plus souvent, les entreprises font jouer la promotion interne quand il s'agit de pourvoir un poste important. En plus d'économiser les frais financiers inhérents à un recrutement externe, l'intérêt, souligne un ancien DRH, c'est que la personne choisie connaît déjà très bien la maison et peut facilement être acceptée si ses compétences sont reconnues par ses collègues et collaborateurs. De plus, le promu n'aura pas besoin d'un temps d'adaptation pour prendre ses dossiers en main. Mais à défaut de trouver l'oiseau rare parmi leurs effectifs, les entreprises n'hésitent pas à aller piocher chez la concurrence. Cette démarche est délicate du fait qu'elle peut générer des tensions entre concurrents. On se rappelle, il y a quelques années, la guéguerre que se sont livrée les banques de la place à propos des cadres. De même, un candidat dont on connaît la destination avant la conclusion d'un contrat risque de le payer cher. Par conséquent, la plus grande discrétion est requise. Au moins trois mois pour conclure A cet égard, la méthode la plus courante pour recruter un cadre externe est l'approche directe, «que ce soit par la société elle-même ou par un cabinet de recrutement spécialisé», selon Siham Alaoui. Cette démarche consiste à contacter directement la personne, sans aucun intermédiaire, autre que la personne chargée du recrutement. Seules quelques personnes dans l'entreprise, notamment dans le top management, doivent être au courant de la démarche. Pour assurer la totale confidentialité, le dossier est souvent confié à un cabinet de conseil en recrutement. L'avantage est que ces spécialistes ou «chasseurs de têtes» peuvent de prime abord dresser une première liste et établir des contacts avec les prospects sans être obligés de divulguer, dès le départ, le nom de la société intéressée. Par exemple, chez Manpower Professional, agence spécialisée dans le recrutement des cadres chez Manpower Maroc, une cinquantaine de cadres dirigeants en moyenne sont placés chaque année par approche directe. «Généralement, les recruteurs ont l'avantage de posséder un réseau professionnel important. Leur connaissance du terrain est aussi avérée et leur base de CV assez importante», note Selma Khairane, responsable marketing chez Manpower. Ainsi, leur approche et leur système de «pistage» facilitent la mise en confiance des cadres, alors même que la conjoncture économique ne les inciterait pas à changer de poste. Ils travaillent toujours pour le compte d'entreprises le plus souvent voulant débaucher une grosse pointure, principalement un haut potentiel (ou une valeur sûre) opérationnel immédiatement pour lui confier des responsabilités. Les premiers ciblés sont généralement ceux qui sont les plus connus, d'abord du point de vue personnel. C'est ainsi que pour faciliter son identification, un cadre veillera, en tout premier lieu, à être inscrit dans l'annuaire des anciens de son école. Même si ces documents ne sont pas toujours mis à jour, ils représentent néanmoins un vivier d'informations sur les compétences de la place pour les cabinets de recrutement. Ces derniers vont même jusqu'à cibler les compétences marocaines à l'étranger connues, à travers leur association, bien entendu en toute confidentialité. «Nous assurons constamment la confidentialité des entretiens. C'est pourquoi les salles d'accueil sont souvent personnalisées afin d'assurer aux prospects toute la discrétion possible», souligne Selma Khairane. Le processus est cependant assez long. Entre le début de la recherche et la conclusion d'un contrat en passant par les différents entretiens, il peut se passer au moins trois mois. La raison est qu'il faut s'assurer que le candidat est bien motivé pour relever le pari. Il est aussi indispensable, surtout si on le connaît moins bien, de bien cerner ses qualités managériales et humaines ainsi que ses compétences techniques. Cependant, même si certains managers dont l'expérience professionnelle est plus qu'avérée acceptent de passer un bilan de compétences, histoire de détecter de nouvelles motivations, le recruteur, ou le collège de recruteurs, se gardera bien de procéder aux mêmes tests psychotechniques et autre mise en situation. Yasmina Chbani souligne sur ce volet que «certains cadres dirigeants peuvent ne pas apprécier le traitement des cabinets quant à leur démarche d'entretien. Demander à un dirigeant qui a plus de 20 ans d'expérience de passer des tests psychotechniques peut parfois s'avérer difficile. C'est en quelque sorte remettre en cause leur professionnalisme. J'ai connu des patrons qui sont sortis furieux de ces entretiens». A côté des garanties sur les perspectives de carrière, le plus dur dans le recrutement d'un manager est la détermination de la rémunération, souligne un chasseur de têtes. Tout simplement parce que le débauchage se paie. Il est en effet difficile de convaincre un haut cadre de faire ses cartons pour une autre entreprise si on ne lui offre pas plus que ce qu'il perçoit, sans compter un cadre acceptable et des objectifs motivants.