«Je motive et j'implique», voici deux notions aujourd'hui revendiquées par la plupart des entreprises et leurs managers. Dans beaucoup de cas en effet, les outils de base pour y arriver sont mis en place. Ainsi que le souligne Yasmina Chbani, directeur général de Dale Carnegie Maroc, «actuellement toutes les entreprises structurées possèdent un système d'évaluation et de rémunération». Les managers font aussi tout ce qu'ils peuvent pour offrir des salaires et des avantages confortables à leurs collaborateurs. Cependant, malgré cela, la motivation n'est pas toujours au rendez-vous, les cadres sont souvent insatisfaits et le turn over continue d'exploser. Complexité de la motivation Récemment, lors d'une conférence, un cadre de la fonction RH faisait ce témoignage fort illustrateur:« Nous augmentons les salaires, nous donnons des avantages et des primes, et nous nous efforçons à améliorer les conditions de travail, mais en vain. Nos collaborateurs s'impliquent peu et finissent par quitter l'entreprise». Désarçonnés, les dirigeants finissent souvent par ne plus se «casser la tête». Ainsi, entend-t-on comme justificatif: «c'est la génération Z, on ne peut la garder qu'un moment, ensuite elle zappe». Ce qui limite les possibilités de compréhension du phénomène. Or, certains observateurs proposent une autre lecture. Celle de se demander si les attentes et les sources de motivation de cette génération Z, somme toute singulière, sont bien comprises par leurs managers. Que veulent au juste ces collaborateurs et comment le leur offrir? Eléments de réponse. Un middle management à l'écoute En analysant la pratique de la motivation, Yasmina Chbani, directeur général de Dale carnegie Maroc et Younès Mouhib, directeur général de Positif conseil, formulent les constats suivants. Le bon package salaire et avantages est sans doute nécessaire. Mais, ce n'est pas ce qui pousse véritablement les collaborateurs à s'impliquer dans leur travail. Les collaborateurs estiment-ils, veulent se sentir respectés, traités équitablement et reconnus. Ils veulent également être soutenus et encouragés dans l'exécution de leurs tâches, surtout lorsqu'ils rencontrent des difficultés. C'est là que le rôle du management intermédiaire prend toute son importance. Car, la direction générale aura beau développer une stratégie si belle soit-elle rien ne se concrétisera sans le déploiement à «tous les étages», explique Yasmina Chbani. Avant de poursuivre, combien de fois avons-nous entendu, « je n'ai même pas assisté à mon propre entretien d'évaluation, mon manager a rempli seul le document et j'ai du me contenter de le signer alors que je n'étais d'accord sur rien». Or, «la génération Zapping» a une caractéristique particulière, qui fait qu'avec elle, une telle méthode ne saurait guère marcher, quels que soient par ailleurs les avantages matériels qu'on lui accorde. C'est une catégorie très exigeante et autonome, pour laquelle la qualité de la relation avec le supérieur hiérarchique direct et de la communication entretenue au sein de l'équipe sont des facteurs essentiels de motivation et de fidélité à l'entreprise. Ces cadres veulent des relations sympathiques et peu formalisées avec leur hiérarchie. Les facteurs bloquants Théoriquement, les entreprises comprennent cette nécessité. Mais leurs efforts de motivation se heurtent souvent à des pratiques très ancrées dans leur culture managériale qui, sans qu'on s'en rende compte, deviennent des contrepoids. Une analyse faite par le cabinet RH Krauthammer suggère une piste pour comprendre l'origine des difficultés liées à la motivation et à la rétention de ces collaborateurs. Selon Krauthammer, la cause de la démotivation des cadres proviendrait essentiellement de la manière dont les entreprises recrutent leurs managers. Dans la pratique, ceux qui accèdent aux fonctions managériales y parviennent surtout pour leurs compétences techniques ou leurs succès commerciaux. C'est parce qu'ils ont été performants et excellent dans l'atteinte des résultats, qu'ils sont en général promis à des postes de direction. Le hic? C'est que, ces managers n'ont pas forcément les qualités humaines nécessaires pour conduire efficacement des équipes. L'étude européenne du cabinet Krauthammer faite auprès de 360 cadres, révèle que 91% d'entre eux souhaitent analyser avec leurs managers les problèmes qu'ils rencontrent dans l'exécution de leurs tâches, mais que seuls 47% obtiennent satisfaction. Une autre étude menée en 2007 par le cabinet BPI management dans dix pays, dont le Maroc, explique également cette réalité. Le but de cette recherche est de faire noter les managers par leurs collaborateurs. Dans le cas du Maroc 44% des collaborateurs affirment avoir une très bonne opinion de leurs dirigeants et 48% se sont prononcés pour une opinion plutôt bonne. Mais, dans l'analyse de ces résultats, le cabinet BPI apporte une nuance de taille, expliquant que les réponses « plus bonne opinion», sont généralement des réponses de convenance. En s''interessant aux types de relations qu'entretiennent les cadres avec leurs supérieurs, dans le différents pays, le cabinet BPI est parvenu au constat suivant. Les pays comme l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse sont caractérisés par la prédominance de relations amicales entre les collaborateurs et leurs supérieurs hiérarchiques directs, au-delà du cadre professionnel. Dans ces pays les collaborateurs font plus confiances à leurs dirigeants et s'impliquent davantage dans leur travail. La deuxième catégorie de pays est composée de la France, de l'Italie, du Maroc et de la Roumanie. Dans ces pays les relations prédominantes entre collaborateurs et supérieurs, sont essentiellement des relations professionnelles. Sur ce plan, précise le rapport de l'étude BPI, le Maroc est encore très marqué par le statut du chef que l'on ne peut que respecter. Ce qui laisse suggérer, qu'un changement de paradigme en matière de relation entre collaborateur et supérieur est nécessaire, pour parvenir à une vraie motivation des équipes. Yasmina Chbani, DG Dale carnegie Maroc Il existe aujourd'hui une réelle volonté pour œuvrer dans le sens de la motivation et de l'implication des collaborateurs, et ceci pour plusieurs raisons. Le degré d'attractivité d'une entreprise se mesure à l'orée du degré d'implication de ses équipes. Comment attirer des talents, les fidéliser si votre entreprise n'est pas attractive? Enfin, les profils d'aujourd'hui sont exigeants et ils ont bien raison ! Il ne s'agit pas simplement d'offrir le «package standard» mais bien de customizer l'offre par des «options» de plus en plus créatives et adaptées aux profils. Nous avons un principe de relations humaines dans notre Golden Book qui dit : «intéressez-vous réellement à votre interlocuteur», et c'est bien de cela qu'il s'agit. Le manager pour gérer son équipe doit comprendre et analyser chacun des membres. Il ne peut se contenter de gérer tout le monde de la même façon. Ainsi, tel collaborateur a besoin d'être challengé sur des missions «spéciales», tel autre de toujours bien équiliber sa vie privée et professionnel, tel autre encore de se voir accorder plus d'autonomie. Les entreprises qui réussissent bien en matière de motivation, sont donc celles qui ont une vision claire, et des dirigeants qui comprennent que la réussite passe par le «casting» intelligent de ses équipes (en cohérence avec ses orientations). Younès Mouhib, Directeur général du cabinet RH Positif conseil Dans les faits la question de la motivation des collaborateurs apparaît être intimement liée à l'idée que se fait le management de l'entreprise des Ressources Humaines et à l'importance qui leur est accordée. Partant de là, on peut assister à une multitude de pratiques en matière de motivation des collaborateurs. Certaines entreprises se situent au degré 0 en ce qui concerne (certaines filiales de multinationales comprises) et d'autres se situent à un niveau plus avancé. Celles-là, sont généralement des entreprises bien organisées et performantes. Et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, le salaire n'est pas souvent avancé par les collaborateurs comme facteur de motivation au travail. Comme le confirme bon nombre de recherches, ce dernier paraîtrait être en fait davantage un facteur explicatif de l'insatisfaction au travail plutôt que de la satisfaction. Ce qu'attendent véritablement les collaborateurs de leurs managers, c'est de la reconnaissance des efforts fournis, de la considération, de la valorisation, le respect des engagements et de la parole donnée ou le respect tout court, de l'exemplarité, de la clarté dans les messages transmis, ainsi que de la compétence.