Depuis quelques mois, son influence médiatique s'est sérieusement émoussée. Des résultats décevants aux dernières élections de la deuxième Chambre. Bien qu'avec le PAM dans l'opposition, il refuse toute collaboration avec ce parti. En décembre, un conseil national pour déterminer la stratégie du parti d'ici 2012. Ça bouge dans l'hémicycle. Depuis la dernière session parlementaire, l'équilibre des forces au sein de la Chambre des représentants a changé de manière significative, transhumance oblige. Avec ses 56 députés, le groupe Authenticité et modernité, affilié au PAM, occupe désormais la tête du classement, devançant même le parti du Premier ministre, l'Istiqlal (54 sièges). Des formations comme le Mouvement populaire ou l'Union constitutionnelle, qui avaient intégré la première Chambre avec respectivement 41 et 27 sièges en 2007, n'en ont plus que 33 et 24. Troisième de la première Chambre, le groupe de la justice et du développement du PJD est l'un des rares à avoir échappé jusqu'à présent au phénomène, amplifié par la présence du PAM. Resté stable, le groupe du parti de la lampe n'aura pas le temps de s'endormir sur ses lauriers. Si le passage du PAM à l'opposition a secoué l'Alliance gouvernementale, il vient aussi gêner le PJD qui aura désormais du mal à continuer de jouer les premiers de la classe au Parlement. Il a perdu l'initiative au profit du PAM Sans surprise, le PAM et le PJD, qui pèsent à eux deux quasiment le tiers des effectifs de la première Chambre, n'ont manifestement pas l'intention de se serrer les coudes dans le rôle des «opposants» bien au contraire. Interrogé sur l'éventualité que son parti puisse envisager une collaboration avec le PJD, au cas où les deux formations s'accorderaient sur un point quelconque, un responsable du parti du tracteur répondra par un «Non» catégorique. Le sentiment est partagé du côté du parti de la lampe. «Il nous est souvent arrivé de voter à l'unanimité avec le gouvernement sur des lois ou de voir ce dernier accepter des suggestions que nous lui avons présentées. Il est possible que chez nous certains points coîncident [NDLR : avec le PAM], mais l'entraide, la coordination entre nous en tant que partis d'opposition est très improbable», souligne pour sa part El Mostapha Ramid, président du groupe PJD à la première Chambre. Interrogés, plusieurs cadres du PJD ne considèrent pas le PAM comme un parti à l'opposition. «Le PAM se positionne comme une opposition à l'opposition, il ne fait pas d'opposition au gouvernement», souligne Mohamed Yatim, également membre de la première Chambre. Il faut dire, toutefois, que cette situation complique quelque peu les choses pour le PJD, dont l'étoile ne brille plus autant qu'à l'époque où médias marocains et étrangers évoquaient quotidiennement le spectre d'un raz-de-marée islamiste. Depuis 2007, date à laquelle la bulle médiatique qui avait entouré le parti avait fini par éclater, et où Fouad Ali El Himma, fondateur du PAM, avait fait son entrée dans l'arène politique, le PJD a été peu à peu relégué au second rôle, notamment dans les médias. Aujourd'hui, le parti semble sur la défensive, confirme le politologue Mohamed Darif. «On constate que, dans sa stratégie médiatique, le PJD a perdu l'initiative». Critiqué, le parti en vient pratiquement à justifier ses positions, «notamment pour répondre au PAM qui se présente comme un parti qui défend le projet démocratique, moderniste du Souverain, ou quand il l'accuse de faire l'amalgame entre le religieux et le politique, ce qui a amené le PJD, dans sa stratégie médiatique, à chercher à clarifier ses positions. Même chose lorsque, dans le cadre de cette stratégie médiatique de défense, le PJD a été amené à parler de l'USFP dans le cadre du rapprochement avec ce dernier», poursuit M. Darif. 463 élus mettent la main à la pâte Les choses ne se sont pas limitées aux médias puisque le PJD a été malmené par la politique du PAM au lendemain des élections communales du 12 juin, qui a mené à son exclusion de plusieurs alliances, notamment à Tanger, Oujda, ou la région de Rabat-Zemmour-Zaër où le parti, représenté au niveau du conseil de la ville de la capitale, a été écarté de l'alliance qui a désigné le président du conseil de la région. La perspective d'un raz-de-marée islamiste étant écartée, le PJD est-il en difficulté pour autant ? Ce serait faire un pas de trop que de l'affirmer. Après tout, avec 1 513 élus (5,5%) à travers le pays contre 593 en 2003, le parti a réussi à multiplier par trois ses effectifs au niveau communal. Bien plus, si avec 386 élus, il avait, dès 2003, réussi à se classer deuxième dans les circonscriptions à scrutin de liste derrière l'Istiqlal (398 sièges), aujourd'hui, selon ses dirigeants, le parti est premier dans les villes. Et ce n'est pas tout : près d'un tiers (463) de ses élus participent à la gestion de leur commune ou arrondissement dont 257 dans les zones à scrutin de liste, contre 364 pour l'Istiqlal, 286 pour le PAM et 263 pour le RNI. «Nous avons eu deux ou trois points négatifs, mais de manière globale les résultats ont été positifs : nous dirigeons environ 50 communes et nous participons à la gestion de quelque 140», se réjouit Mustapha El Khalfi, membre du conseil national du PJD. Ainsi, si le parti de la lampe a perdu des villes comme Meknès ou Témara, il a réussi à en prendre d'autres, de taille moyenne, comme Tétouan, Larache, Chaouen ou Kénitra, ou de dimensions plus modestes comme Oued Zem ou Ksar El Kébir. Le PJD participe également à la gestion des villes comme Rabat, Casablanca ou Agadir. «A part Fès, Meknès et Oujda, nous sommes présents à peu près partout. A Tanger, même si on nous a écartés de la présidence du conseil de la ville, nous avons pris un certain nombre d'arrondissements, ce qui fait de nous des acteurs incontournables», argumente M. El Khalfi. La performance aux communales à nuancer Mais ce succès est à relativiser. Si le PJD a réussi à multiplier par trois son nombre d'élus locaux, cette performance perd de son importance, quand on sait que, contrairement à ce qui s'était passé en 2003, le parti n'a pas eu à limiter ses candidatures cette année, que le nombre total de sièges disponibles est passé de quelque 23 000 à 28 000 entre les deux dernières élections communales et que le contrôle des grandes villes lui échappe toujours. Au-delà du niveau local, la performance du parti a été tout simplement décevante : le PJD n'a en effet obtenu que 62 sièges et 3 présidences au niveau des 75 conseils préfectoraux et provinciaux du pays. Au niveau régional, il n'est représenté que par 28 élus, et n'a pris aucune présidence. Une situation que Lahcen Daoudi, numéro 3 du parti, explique par la nature urbaine du parti. «C'est normal. Le PJD est surtout présent dans les villes. Or, pour se faire élire au niveau régional, le système est tel qu'il faut disposer d'un soutien dans le milieu rural», souligne-t-il. Un plan d'attaque pour 2012 Autre déception, à la Chambre des conseillers, le parti n'a pas réussi à faire élire l'un des siens. Un véritable échec aux yeux de M. Darif. «Des partis plus petits comme le PPS ou même le Parti de l'environnement et du développement durable d'Ahmed Alami ont respectivement remporté 2 et 4 sièges à la deuxième Chambre. Le PJD est le seul parti parmi les 8 premiers aux élections du 12 juin à n'avoir obtenu aucun siège à la Chambre des conseillers», souligne-t-il. Certes, le parti dispose d'une petite consolation au niveau de la deuxième Chambre où l'UNTM, syndicat proche du PJD, se fait lentement mais sûrement une place. Si elle ne dispose encore que de 3 sièges, il est à noter que le 2 octobre dernier, la centrale syndicale a pu faire élire deux de ses conseillers au Parlement, soit autant que des syndicats plus anciens comme la FDT, l'UMT ou l'UGTM. Il reste cependant à déterminer si la progression du syndicat aura un effet positif pour le parti. La déception des élections législatives du 7 septembre 2007 était-elle la première étape d'un ralentissement qui serait en train de se confirmer aujourd'hui ? Une chose est sûre, la faible performance du PJD au niveau préfectoral, provincial, régional, ainsi qu'au sein de la deuxième Chambre s'explique aussi par le fait qu'il continue de souffrir d'un certain isolement. En effet, jusqu'à présent, l'USFP a été le seul parti avec lequel la formation a été en mesure de coopérer de manière efficace durant ces élections. Il ne s'agit cependant que d'une alliance de circonstance, sans base idéologique commune et sans suite. A l'instar de beaucoup d'autres partis aujourd'hui, le PJD risque-t-il de s'affaiblir avec les changement actuels ? On ne le saura sans doute véritablement qu'en 2012. En attendant, dans un mois, le parti réunit son conseil national pour fixer la stratégie à adopter durant les trois années à venir. Parmi les points à évoquer, l'on mentionne aujourd'hui le renforcement de la gestion des communes où le PJD occupe des postes à responsabilités, le relèvement du niveau de l'opposition menée au sein du Parlement ou encore l'élargissement des alliances du parti. Face au rouleau compresseur du PAM, l'on se demande toutefois si cela sera suffisant d'ici là.