PJD, USFP, Istiqlal, PPS et RNI s'allient contre Omar El Bahraoui (MP) et le PAM à Rabat. L'ex-équipe Sajid confrontée au PAM, au MP, au RNI et à l'Istiqlal à Casablanca. Le PAM, l'Istiqlal, et le RNI sortent grands vainqueurs des élections, le PJD domine les villes. C'est la débà¢cle pour le MP, l'USFP et le PPS. Les petites formations s'en sortent sans mal. Lahcen Daoudi, n°3 du PJD, deviendra-t-il maire de Rabat, avec la bénédiction de la Koutla en prime ? Dans un communiqué daté du lundi 15 juin, signé par des représentants du parti de Abdelouahed Radi, de l'Istiqlal, du RNI, du PJD, du PPS et autres élus, ces derniers annoncent vouloir établir un front commun «pour barrer la route aux prévaricateurs et aux opportunistes». Objectif bien concret de cette alliance aussi bigarrée qu'inattendue ? Eviter la reconduction du maire sortant de Rabat, Omar Bahraoui, dont le parti a remporté 42 sièges dans la capitale, et son allié local, le PAM (41 sièges). Une décision prise dimanche 14 juin, selon l'un de ses membres, en réaction à une autre réunion, organisée par Omar El Bahraoui avec les siens, le jour même des élections communales, vendredi 12 juin au soir. Démocratie oblige, les alliés pourraient désigner un membre du PJD à la tête de la mairie de la capitale, le parti islamiste ayant été celui qui a récolté le plus de sièges dans le groupe (38). Ils s'engagent aussi à «s'appliquer à former un groupe homogène et solidaire en vue de servir au mieux la population de la capitale, améliorer les infrastructures de base et poursuivre les grands chantiers» lancés par le Souverain. Disposant du soutien de plus de 50 % des membres du nouveau conseil communal, le groupe a déposé mardi 16 juin une lettre au wali de Rabat, demandant la convocation du Conseil de la ville, de manière à ce qu'il puisse élire son bureau. Toutefois, d'ici le jour J, le suspense continuera sans doute de planer sur l'identité du maire de la ville, et avec, tensions et pressions. Hamid Chabat, homme heureux : la majorité absolue Dans la capitale économique, l'atmosphère est tout aussi lourde. A Casablanca, le maire sortant de la ville, Mohamed Sajid (UC), tente de reconduire son ancienne majorité en faisant appel, entre autres, au PJD (32 sièges), dont les effectifs élus sont désormais supérieurs à ceux de son parti (UC, 27 sièges). S'il y parvient, avant de revenir aux affaires, la majorité sortante devra d'abord affronter le PAM et ses alliés : le Mouvement populaire, le RNI et l'Istiqlal. Comparé à ses collègues de Rabat et Casablanca, Hamid Chabat (Istiqlal) est un maire comblé. Le président du Conseil communal de Fès est en effet assuré d'être reconduit à son poste, son parti ayant obtenu la majorité absolue au conseil avec 52 sièges sur 97. Quant à ses adversaires, le PJD et l'USFP, ils devraient être relégués à l'opposition jusqu'en 2015. A Laâyoune, un autre maire istiqlalien, Hamdi Ould Rachid, a pu obtenir un nombre suffisant de sièges pour ne pas se sentir menacé par son rival ittihadi, Hassan Derhem. A l'inverse, le maire sortant de Tanger, Dahmane Derhem (USFP), a vu sa formation tout simplement rayée de la carte. Désormais, Tanger est territoire PAM, RNI et PJD. Enfin, à Tétouan et à Agadir, les maires sortants des deux villes ont des chances solides d'être réélus à condition de passer une dernière épreuve. «Le RNI a obtenu 26 sièges, explique Rachid Talbi Alami à Tétouan. Nous sommes à deux sièges de la majorité absolue». Un risque subsiste toutefois, car son principal concurrent, le PJD, détient 22 sièges : arrivé en troisième position, l'USFP (7 sièges) est en mesure de constituer un bureau avec l'allié de son choix. A quelques étiquettes près, c'est un scénario identique qui se déroule à Agadir où Tarik Kabbage (USFP), qui est à deux doigts de la majorité absolue avec 26 sièges, a convenu de s'allier au PJD (7 sièges) pour reprendre les rênes de la ville, face au RNI (12), l'Istiqlal (6) ou le Parti travailliste (4). Casablanca : 69,9% des électeurs ont boudé les urnes Selon l'article 6 de la loi 1708 portant Charte communale, les Conseils communaux se doivent de désigner, dans les 15 jours qui suivent leur élection, un président et des vices-présidents qui constitueront les bureaux des conseils. Il ne reste donc plus que quelques jours avant de connaître les résultats des tractations en cours. Sur le terrain, si le vote est secret, certains partis ont pris des positions plus ou moins tranchées en matière d'alliance. Ainsi, le PPS et l'USFP ont signalé leur intention de se serrer les coudes, une fois de plus, dans le cadre de la Koutla. De son côté, Salah El Ouadie, membre du bureau national du PAM, indique que son parti n'appliquera pas la même politique d'alliance à l'égard de tous les partis : «Pour nous, il existe des alliés naturels, et d'autres dont nous ne partageons pas les visions politiques et idéologiques». De part et d'autre, l'on répète aussi à loisir que les alliances se feront au cas par cas, que l'on se limitera aux élus «propres». Toutefois, dans la réalité, les partis auront bien du mal à dicter des alliances à leurs élus locaux dispersés à travers le pays, et ce depuis Rabat. Il faudra donc s'attendre à des surprises dans les jours à venir, à l'image de la carte politique révélée par le scrutin du 12 juin dernier. Car il faut bien se rendre compte qu'un véritable séisme a secoué le champ politique à l'occasion de ces communales. Selon les données révélées par le ministère de l'intérieur 24 heures après la clôture des bureaux de vote, samedi 13 juin, à Rabat, des 130 223 candidats en lice, 27795 ont pu accéder à l'un des sièges en jeu à travers le pays. Du Grand Casablanca émerge un chiffre marquant: le taux de participation dans la capitale économique n'est que de 30,1%. Autrement dit, le taux d'abstention y est de 69,9%. A l'inverse, la région de Guelmim-Smara a connu le taux de participation le plus important : 69,1%. Toutefois, la moyenne nationale est rassurante. Avec un taux de participation national de 52,4% contre 54,16% en 2003, on est bien loin des 37% enregistrés lors des législatives de 2007. Autre constat issu de ces élections : le nombre de partis en présence dans les conseils communaux des grandes villes a visiblement baissé. Le PAM, l'Istiqlal et le RNI grands vainqueurs du scrutin Plus généralement, les huit premiers partis politiques (PAM, Istiqlal, RNI, USFP, MP, PJD, UC et PPS), occupent près de 90% des sièges communaux. En 2003, les 8premiers, MNP et UD compris, représentaient un peu plus de 70%. Le relèvement du seuil de distribution des sièges à 6% et l'entrée en scène du PAM sont visiblement passés par là. Selon les résultats des élections, trois formations ont désormais le vent en poupe. En tête de liste, le parti du tracteur, qui a joué les bulldozers électoraux en se plaçant, avant même d'avoir soufflé sa première bougie, en tête de course avec 6 015 (21,7%) sièges à l'échelle nationale. Le parti est même arrivé premier en termes de sièges obtenus dans 6 des 16 régions du pays. La formation de Fouad Ali El Himma est suivie par l'Istiqlal (5292 sièges, soit 19,1%) et le RNI (4412 sièges, 14,8%). Ayant décidément le vent en poupe, ces trois formations affichent des taux de réussite quasi similaires : près d'un candidat sur trois y a été élu. Cependant, le succès de ces partis ne devrait pas masquer celui du PJD. Malgré son taux de réussite nettement plus bas (un peu moins d'un candidat sur cinq), et un échec plutôt inattendu à Meknès, le parti islamiste s'est classé premier dans les villes avec 822 élus dans ces dernières. Il est arrivé premier dans plusieurs de ces dernières, comme Rabat, Casablanca, Oujda, Kénitra, Témara, Bejaad, ou Errachidia. Le parti de la lampe s'est également bien classé à Tanger, Salé, Fès, Témara, Béni Mellal ou encore Settat. Et ce n'est pas tout puisqu'il a remporté une majorité absolue dans des petites villes comme Ksar El Kébir, Erfoud ou Oued-Zem. A Chefchaouen, le parti (13 sièges) entend rafler la présidence du Conseil de la ville au maire sortant et ministre des relations avec le Parlement, Mohamed Saad El Alami (Istiqlal, 9 sièges), en mettant en place une coalition avec l'USFP et le PPS. Même scénario encore à Larache, la ville où le Premier ministre Abbas El Fassi a été élu en 2007, et où Abdellah Bekkali, secrétaire général de la jeunesse istiqlalienne se présentait. Le PJD y a arraché 15 sièges, en laissant 10 au RNI, tandis que l'USFP et l'Istiqlal ne décrochaient que 6 sièges chacun. Mouvement populaire, l'USFP et PPS : la chute L'on s'en doute, les résultats de ces élections n'ont pas été positifs pour tous. En effet, plusieurs grosses formations ont vu leur poids nettement diminué au lendemain du 12 juin. Première victime: le Mouvement populaire. A Rabat ou Salé, le parti a eu beau sauver la face avec 42 et 23 sièges remportés au niveau des conseils communaux des deux villes, ces élections révèlent l'importance de l'érosion subie par le parti depuis son passage à l'opposition en 2007. En effet, en 2003, le MP, le MNP et l'UD pesaient à eux trois 22,53% des sièges communaux. Aujourd'hui, la mouvance populaire unifiée n'en n'a recueilli que 8%. De l'autre côté du spectre politique, la gauche a également reçu une gifle : si le secrétaire général de l'USFP, Abdelouahed Radi a été réélu sans difficulté à Laksibia, où il se présente depuis 1963, le parti a subi une défaite cuisante à Tanger, ainsi qu'à Salé où Jamal Rhmani, son ministre de l'emploi et de la formation professionnelle a subi une défaite sans appel face au maire haraki de la ville, Driss Sentissi. Même à Rabat, le parti de la rose a reculé, Fathallah Oualalou et Driss Lachgar, têtes de liste à Agdal Riad et Soussi n'ont été élus qu'avec peu de colistiers tandis qu'à Yacoub El Mansour, Hassan Tariq, ex-secrétaire de la Chabiba ittihadie, a échoué à obtenir un siège, de même que Mohamed Sassi (PSU), ex-ittihadi. Même scénario encore à Casablanca, où Abdelmaksoud Rachdi (USFP) a raté son siège à 19 voix près, tandis que son parti passait de 17 élus au Conseil de la ville à seulement 2. Une fonte qui n'a pas épargné le PPS. Le parti du livre, qui avait connu une bonne performance aux élections législatives de 2007, a quasiment disparu des plus grandes villes : à Rabat, un seul de ses membres a pu intégrer le conseil. Même chose à Casablanca où ses effectifs sont passés de 6 à 1. A Fès, ils ne sont plus que 2membres du PPS à siéger dans le Conseil de la ville. Maigre consolation à Tiznit et Fnideq où le parti est encore bien installé. Ce n'est toutefois pas le cas à Tanger, Oujda, Tétouan, Marrakech, Agadir, Laâyoune, Guelmim ou encore Smara. Alors que le MP a vu son nombre de candidats passer de 19 945 candidats il y a six ans à 8595 cette année, le PPS, qui en a présenté 6850 cette année, a tout simplement renoncé à tenter sa chance dans certaines villes à la suite des défections subies en faveur de la concurrence. Comme Al Hoceima, où l'exmaire PPS, Mohamed Boudra, est arrivé en tête avec 20 sièges, mais sous étiquette PAM. Du côté de la vingtaine de formations qui ne pèsent désormais plus que 10% du nombre total des élus locaux, l'Alliance de la gauche démocratique (PSU, PADS, CNI) semble avoir perdu du terrain : elle ne pèse plus que 475 élus alors qu'en 2003, la GSU, ancêtre du PSU, et le CNI rassemblaient, à eux deux, quelque 543 sièges. En revanche, des partis comme le MDS de Mahmoud Archane, le PML de Mohamed Ziane ou le PRE de Chaqir Achehbar ne semblent pas avoir connu de changements majeurs : le premier est passé de 300 à 319 sièges, le second de 114 à 90. Enfin, le troisième est passé de 145 à 181. A noter que le PEDD a réussi, quelques mois seulement après le divorce de son secrétaire général avec le PAM, à récolter 106 sièges contre 168 pour le PED en 2003. De même, Abdallah Kadiri, ex-secrétaire général du PND, ne semble pas trop affaibli après avoir perdu sont parti, fondu dans le PAM. Bien au contraire, il a réussi à se faire réélire sans difficulté à Berrechid avec colistiers, bien qu'il ait eu recours à un logo d'emprunt. Au final, l'entrée en scène du PAM s'est-elle faite aux dépens des grosses formations plutôt que des petits partis et autres boutiques électorales? Une chose est sûre, le gros de l'avancée du parti du tracteur coïncide avec le recul de partis comme le MP, l'USFP ou le PPS. Parmi les éléments à l'origine de ce succès, l'afflux massif de candidats potentiels venus d'autres partis, un choix pesé des candidats présentés, une politique de communication particulièrement agressive. Désormais, le parti est bien placé pour prendre des sièges aussi bien dans les conseils régionaux que dans la Chambre des conseillers et même au-delà. Pendant ce temps, la gauche semble bel et bien avoir manqué le tournant.